PREMIERE PARTIE LES COOPERATIONS INTERENTREPRISES, ORIGINES ET FONDEMENTS D'UN
PREMIERE PARTIE LES COOPERATIONS INTERENTREPRISES, ORIGINES ET FONDEMENTS D'UN PHENOMENE 19 De toutes les caractéristiques associées aux formes de coopération interentreprises, leur diversité est probablement une des plus frappantes : - recherche et développement menés en commun, co-investissement dans un outil de production, consortium de ventes, opérations de financement associant plusieurs banques ou réunissant solidairement plusieurs entreprises, création par plusieurs entreprises de centres de service employant à temps partagé des experts en commercialisation ou en droit commercial, etc. - Des coopérations se nouent tout au long des filières industrielles. Horizontalement, elles réunissent des entreprises concurrentes ou de deux filières différentes. Verticalement, elles associent dans une démarche partenariale fournisseurs et clients, donneurs d'ordre et sous-traitants. - Les opérations coopératives se déroulent sur de nombreux espaces géographiques. Au plan local et régional, les coopérations incluent les "districts industriels" et les "technopôles". Au plan international, elles se font transfrontalières en Europe, vecteurs d'une intégration européenne, du succès commercial et technologique japonais ou d'un renouveau de l'industrie américaine. A des objets divers répondent des entreprises diversifiées. Les coopérations débouchent sur des formes juridiques multiples. Simple accord implicite, elles peuvent aussi être contractualisées ou donner lieu à la création de coentreprises. Elles consistent parfois à prendre des participations minoritaires au capital des partenaires. Dans le temps, les alliances se font et se défont à des rythmes différents. Simple groupement momentané d'entreprises pour une opération ponctuelle, elle se stabilise parfois sur des durées de vie dépassant la décennie. Elles peuvent également être fondées sur des liens amicaux ou mettre en contacts des partenaires d'opportunité. Cette diversité se retrouve au plan des terminologies et génère une vaste énumération de vocables : "Ces nouvelles structures sont le plus souvent désignées sous le vocable de réseaux [...] bien que d'autres dénominations soient parfois proposées, comme partenariat à valeur ajoutée, organisations à spécialisation flexible ou dans certains cas distretti attrezzati, kyoryoku-kai, hollow corporations, voire virtual corporations"1 1FRERY F., (1993), "Et si l'entreprise n'était qu'un épisode de l'histoire ?", Annales de Colloque des IAE, p.134 20 "Nous avons ainsi identifié près de quarante termes largement synonymes, parmi lesquels on peut citer : réseau, partenariat à valeur ajoutée, alliance symbiotique, quasi-firme, firmes solaires, constellation, fédérations d'hypofirmes, structure hybride, virtual corporation, etc. Le terme "structure transactionnelle" a au moins l'avantage de se référer explicitement aux coûts de transaction."2 En définitive, cette diversité peut faire penser qu'une entreprise peut tout faire en coopérant avec d'autres sociétés et qu'il est impossible d'épuiser l'énoncé des catégories de partenariat tant la capacité des dirigeants d'entreprise est grande à imaginer de nouveaux types de coopération interentreprises. Nature Auteurs Définitions Relation SCHERMER- HORN La coopération peut être définie par la présence délibérée de relations pour atteindre des buts individuels3 Stratégie JAMES L'alliance est une combinaison de forces de concurrents actuels ou potentiels pour dissuader d'autres concurrents potentiels ou pour conduire une offensive4 Structur e JOFFRE, KOENIG Selon le cas, la coopération sera de similitude ou de différence. De similitude, elle conduira les entreprises connaissant des problèmes identiques à grouper des moyens pour en économiser l'usage. La coopération de différence quant à elle, repose sur la combinaison de complémentarités5 Contrat CPA Une alliance est un échange dynamique de moyens financiers, techniques et/ou humains entre différents partenaires. Tout en préservant leur indépendance, les associés partagent les profits comme les risques selon les termes d'un contrat préalablement établi en commun6 Tableau I.1 : quatre orientations pour qualifier les relations coopératives (WACHEUX7) La diversité des opérations coopératives étudiées ne doit pas non plus faire oublier leur hétérogénéité. En partant de l'établissement d'une relation, l'alliance introduit une 2FRERY F., (1994), "La Réduction de l'Espace des Transactions et les Structures Néo-médiévales", Actes du Colloque International de Management des Réseaux (CIRME 94) , Ajaccio, 24-26/06, p.351 3SCHERMERHORN J.R., (1975), "Determinants of Interorganizational Cooperation", Academy of Management Review, Vol.18, n°4, pp.846-886 4JAMES B.G., (1985), "Alliances : The New Strategic Focus", Long Range Planning, Vol.18, n°3, pp.76- 81 5JOFFRE P., KEONIG G., (1985), "Stratégie d'Entreprise : Antimanuel", Economica 6CPA, (1988), "Euro-Entreprises, stratégies d'alliances", Colloque de Lyon, septembre 7WACHEUX F., (1994), "Coopérations et Alliances à travers les Recherches sur les Relations Inter- Organisationnelles", Centre Lillois d'Analyse et de Recherche sur l'Evolution des Entreprises (UA-CNRS 936) : Cahiers de la Recherche, n°94/1, p.3 21 orientation stratégique alors que la définition de l'entreprise réseau est une définition organisationnelle. Les coopérations sont aussi étudiées sous l'angle juridique en terme de contrat. Le management de tels ensembles implique aussi un support d'interface qui autorise les échanges de données. Ainsi, la question des alliances rejoint régulièrement celle des "autoroutes de l'information". Enfin, les pratiques coopératives ont des répercussions nettes sur la conceptualisation même de la vie des affaires. Représenter le fonctionnement économique en terme de maillage introduit une nouvelle métaphore de l'entreprise comme un "noeud de contrats". Si nous souhaitons conserver dans l'analyse la richesse émanant d'une telle diversité, nous souhaitons, néanmoins, circonscrire le phénomène. Il s'agit de distinguer dans la littérature ce qui concerne l'observation pratique d'une réflexion théorique. Il s'agit également de réaliser une circonscription quantitative et qualitative du phénomène. Dans un premier chapitre, nous limitons l'analyse du phénomène au débat pratique qu'il suscite. La plupart des contributions se fondent sur la présentation de coopérations interentreprises concrètes et sont situées au plan historique, au plan géographique dans certains pays ou blocs de pays et au plan économique en termes de contenus et de catégories d'entreprises impliquées dans la coopération interentreprises. Dans un deuxième chapitre, nous entamons notre approche théorique avec les analyses fondées sur les théories de l'environnement. Orientant principalement leur activité sur la légitimation de ces pratiques, les contributions qui les utilisent contribuent à circonscrire quantitativement et qualitativement le phénomène que représente la diversité des coopérations interentreprises. 22 CHAPITRE I L'IRRUPTION DES FORMES COOPERATIVES INTERENTREPRISES DANS LE CHAMP DU MANAGEMENT STRATEGIQUE Au début du siècle et avec la fin de la deuxième guerre mondiale, on assiste à la montée de la puissance économique des Etats-Unis. Cette domination économique s'accompagne d'une domination culturelle évidente. Fleurissent alors aux Etats-Unis des études nombreuses sur le thème des coopérations interentreprises qui témoignent directement de l'évolution concrète des entreprises et des problèmes qui les concernent. La recherche sur les coopérations interentreprises, "commanditée" par les dirigeants d'entreprise, se trouve déterminée par les enjeux pratiques qui se posent à travers le monde. Les formes coopératives interentreprises s'ancrent, aux Etats-Unis, dans l'économie internationale. Dans ce cadre, on observe un décallage évident entre les objectifs des entreprises américaines associées dans des coentreprises à des partenaires japonais engagés dans une stratégie d'apprentissage technologique à long terme à la poursuite d'objectifs stratégiques. Les alliances entre entreprises américaines et européennes n'ont pas suscité le même intérêt. De la simple coentreprise internationale souvent commerciale, on passe à l'alliance stratégique globale et mondiale. Ce phénomène va être fortement médiatisé et dramatisé au cours des années 1980. Ce rééquilibrage des forces concurrentielles en faveur du Japon s'exprime dans le management du développement technologique. La structure économique et sociale du Japon s'adapte particulièrement bien à cet enjeu. Le mécanisme essentiel de l'économie japonaise est le maillage, enchevêtrement de relations extérieures, entre recherche, monde de la finance et entreprises industrielles autour de la figure centrale des "keiretsu", groupements d'entreprises qui succèdent aux "zaibatsu", conglomérats géants dissous après la deuxième guerre mondiale par l'occupant américain. Face à cette contestation japonaise, les économies européennes et américaines s'organisent en faisant émerger de nouveaux "champions technologiques". La question coopérative devient "domestique" et "territorialisée" ce d'autant plus que les 23 entreprises japonaises entrent dans des alliances sur le sol américain. Aux Etats-Unis, des pôles d'innovation émergent comme la "Silicon Valley". En Europe, les districts industriels "à l'italienne" fournissent aussi un modèle d'organisation original. La construction européenne, d'autre part, intègre fortement la préoccupation technologique. Aux Etats-Unis, le droit devient un outil de management stratégique. L'économie américaine et sa législation antitrust sont remise en question. A cette occasion, nous retrouvons, aux Etats-Unis, les racines libérales, profondément ancrées dans l'histoire économique et sociale, d'une défiance à l'égard des arrangements coopératifs d'entreprises, associés aux trusts et aux holdings qui accompagnent le développement économique depuis le XIXème siècle. Finalement, la législation américaine évolue sous la pression de la concurrence économique mondiale. Les opérations de recherche communes sont autorisées par une nouvelle législation et, en particulier, le "National Cooperative Research Act" (NCRA) en 1984 limité aux activités pré concurrentielles. A la fin des années 1980, il semble que l'on s'achemine vers un élargissement des dispositions en faveur des coopérations interentreprises en aval de la recherche et développement. L'équilibre coopération/concurrence s'obtient par une prise en compte d'une intensification de la compétition mondiale. La législation se transforme alors pour séparer collusion et coopération. Le management de la relation entre entreprises devient une préoccupation légitime, qui n'est plus une question tabou et qui, au contraire, gagne en importance. Section I - Mondialisation de l'économie et alliances stratégiques : les coopérations interentreprises au grand jour Avant les années 1980, les pratiques de coopération médiatisées, en l'occurrence principalement les coentreprises, concernent essentiellement le commerce international, les multinationales et leurs relations avec des zones en uploads/Management/ these-1.pdf
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- Publié le Fev 11, 2022
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