6 G Pédagogie collégiale Vol. 11 no 4 G Mai 1998 La diversité dans les classes

6 G Pédagogie collégiale Vol. 11 no 4 G Mai 1998 La diversité dans les classes : des enseignements de l’éducation aux adultes La population adulte inscrite à temps plein au secteur régulier est en augmentation dans le ré- seau collégial. Face à ce phénomène, les profes- seurs s’adaptent à la situation au mieux de leurs connaissances et de leur expérience. Lorsque les adultes sont en nombre insuffisant pour consti- tuer une masse critique, les enseignants réagis- sent souvent en traitant chaque situation impli- quant un adulte comme un cas particulier, en lui accordant de façon plus ou moins formelle une attention spécifique ou une disponibilité accrue. Mais lorsque les adultes sont plus nombreux, le professeur est cette fois confronté à une dynami- que nouvelle, parfois difficile à gérer1. Dans un tel cas, comment favoriser les apprentissages de tous et chacun, quel que soit leur âge ? Le con- cept de maturité d’apprentissage2, issu de la re- cherche en éducation des adultes, peut être ici d’un grand secours. La maturité d’apprentissage Par maturité d’apprentissage, on entend le ni- veau des connaissances de l’apprenant sur un su- jet donné, son degré d’intérêt à acquérir de nou- velles connaissances sur ce sujet, le degré de re- connaissance de sa responsabilité dans l’acte d’ap- prentissage ainsi que le niveau de ses habiletés intellectuelles. Il est important de souligner que le concept de maturité d’apprentissage ne ren- voie pas à une disposition généralisée, liée à l’âge de celui qui apprend ; il s’agit plutôt du niveau de disposition d’une personne à effectuer une tâche particulière, avec ses capacités, ses connais- sances, son expérience et ses habiletés, sa con- fiance en elle-même, son engagement et sa moti- vation à accomplir cette tâche3. Pour illustrer simplement, disons qu’il est fort probable qu’un sociologue, par exemple, mani- festera une plus grande maturité d’apprentissage face à des phénomènes sociaux et à des théories explicatives de ces phénomènes que face à des questions reliées à la physique quantique. Ainsi, dans une situation d’enseignement, le niveau de maturité d’apprentissage variera, au sein d’un groupe, selon les apprentissages proposés. En outre, pour un même apprentissage, les ni- veaux de maturité pourront varier d’un groupe à l’autre. Cela oblige à faire un choix : ou bien on retient une stratégie qui répond à la tendance générale, ou bien on varie les stratégies pour ré- pondre le mieux possible aux caractéristiques in- dividuelles. Mais, dans un cas comme dans l’autre, on devra tenir compte du niveau de maturité d’ap- prentissage des étudiants. La maturité d’apprentissage et les stratégies d’enseignement Grow 4 présente un modèle dont le but est de proposer aux professeurs des façons d’enseigner qui leur permettent de respecter le niveau de maturité d’apprentissage de leurs étudiants et d’amener ceux-ci à développer une plus grande autonomie. Il s’agit du Staged Self-Directed Learning Model ou SSDLM, que nous traduisons ici par Modèle gradué d’autonomie dans l’appren- tissage, qui permet d’établir des relations entre la maturité d’apprentissage de l’apprenant et des stratégies d’enseignement adéquates. Grow propose à l’enseignant d’adapter sa pé- dagogie au niveau d’autonomie de l’apprenant dans la perspective de l’aider à atteindre un ni- veau plus élevé. Il met en évidence l’importance pour les professeurs de développer des pratiques variées, de manière à tenir compte du niveau des étudiants. Une de ses convictions est qu’il existe plusieurs façons de bien enseigner et que, malgré quelques exceptions, un bon enseignant varie et adapte son style et ses interventions en fonction des étudiants et des apprentissages visés. Dans cette optique, l’enseignement magistral a sa place aussi bien que la supervision de travaux, dans la mesure où l’un et l’autre est en accord avec le degré d’autonomie de l’étudiant face à l’appren- tissage à réaliser. Face à chacun des objets d’étude présentés en classe, les étu- diants n’ont pas tous atteint le même niveau de maturité d’ap- prentissage ; il faut en tenir compte dans le choix des straté- gies d’enseigne- ment et des activités d’ap- prentissage. Sylvie Bessette Professeure T echniques de travail social Collège de Sherbrooke Mai 1998 G Vol. 11 no 4 Pédagogie collégiale G 7 Le tableau présenté ici illustre les qua- tre niveaux d’autonomie où se retrou- vent les étudiants face à leurs apprentis- sages, les rôles que le professeur est ap- pelé à jouer ainsi que des types de straté- gies pédagogiques pour chacun des ni- veaux. Le premier niveau correspond aux étudiants dits dépendants qui sont rela- tivement passifs face à leur apprentis- sage ; pour eux, c’est le professeur qui fait apprendre, c’est lui qui sait ce qu’il faut apprendre. Au second niveau, les étudiants intéressés se distinguent des premiers du fait qu’ils se montrent da- vantage disponibles à apprendre ; ils sont disposés à réaliser des travaux, entre autres, lorsqu’ils en voient l’utilité. Le troisième niveau, celui des étudiants en- gagés, caractérise ceux qui se voient et agissent comme des participants à leur formation ; malgré une confiance en soi fragile et un sens de la direction incer- tain, ils se montrent disposés à explorer par eux-mêmes les sujets d’étude propo- sés dans la mesure où ils sont encadrés. Au niveau le plus élevé, les étudiants autonomes sont capables de déterminer clairement leurs buts ; ils ont la capacité et la volonté d’assumer la responsabilité de leurs apprentissages. Dans une classe, les étudiants peuvent se situer à n’importe lequel des quatre niveaux d’autonomie. À ce sujet, il est intéressant de noter que, traditionnelle- ment, la documentation sur l’éducation des adultes classe la plupart du temps ceux-ci comme étant majoritairement de type engagé ou autonome dans leurs apprentissages. En réalité, les apprenants adultes peuvent présenter un niveau très faible de maturité d’apprentissage. Pour ces étudiants, des stratégies peu enca- drantes et favorisant l’autonomie, habi- tuellement associées aux adultes, sont tout à fait inappropriées. Par contre, des stratégies traditionnellement associées à l’enseignement aux jeunes seraient indi- quées. Cet aspect est fort intéressant car il permet de dépolariser le débat classant les jeunes comme étant plus dépendants, et donc demandant une pédagogie di- rective et encadrante, et les adultes comme étant plus autonomes, et donc avec qui on devrait utiliser une appro- che souple. Attribuer aux jeunes aussi bien qu’aux adultes un niveau prédéterminé de ma- turité d’apprentissage risque de pénali- ser un bon nombre d’étudiants. Pensons par exemple à l’enseignement assisté par ordinateur. Dans un tel contexte d’ap- prentissage, il est probable que les jeu- nes s’investissent facilement, connaissant le médium depuis leur enfance. Pour eux, l’ordinateur est souvent associé au plaisir et ils s’attendent à découvrir un nouvel environnement informatique sti- mulant et interactif. Pour leur part, les étudiants adultes peuvent appréhender l’utilisation de l’ordinateur. Ils se perçoi- vent souvent comme incapables d’appri- voiser ce médium et ils éprouvent des craintes ; en outre, ils ne voient pas tou- jours la nécessité de cet apprentissage qui, de plus, est rarement associé au plaisir. Par ailleurs, un adulte pourra présenter un niveau supérieur de maturité dans un cours comme « Intervention auprès des personnes âgées », utilisant ses expérien- ces de vie, alors que des jeunes pourront se sentir peu concernés, ayant peu d’ex- périences personnelles en relation avec l’objet du cours. L’intérêt du modèle de Grow est de penser l’enseignement comme un pro- cessus dynamique où le professeur aussi bien que l’étudiant doivent développer des habiletés nouvelles. L’enseignant doit se connaître et, tout en reconnaissant son style naturel, développer des aptitudes à utiliser d’autres styles. Dans ce type d’orientation pédagogique, l’enseignant peut faire appel aussi bien à une péda- gogie directive qu’à une formule où il agit davantage comme superviseur d’une démarche d’apprentissage. Une des par- ticularités de ce modèle est de ne pas tomber dans la tentation de présenter une formule miracle. Au contraire, dif- férentes approches pédagogiques souvent présentées comme contradictoires coha- bitent dans le respect des potentialités relatives de l’apprenant face à un appren- tissage déterminé. La maturité d’apprentissage dans la classe Pour connaître le niveau de maturité d’apprentissage de ses étudiants dans une classe, on peut avoir recours à une grille d’autoévaluation qui fournit rapidement et simplement des données dont dispo- sent rarement les professeurs pour éla- MODÈLE GRADUÉ D’AUTONOMIE DANS L’APPRENTISSAGE Niveau d’autonomie ÉTUDIANT Attitudes face à l’apprentissage PROFESSEUR Rôles à jouer Stratégies appropriées Exercices fréquents Lectures dirigées Encadrement ferme Interactions variées Projets structurés Supervision d’activités Co-détermination d’objectifs Lectures proposées et discussions guidées Support à la réalisation d’un projet, d’une activité Expert du contenu et du processus Directif Motivateur Instructeur Facilitateur Accompagnateur Dépendant Intéressé Engagé Autonome Niveau 1 Niveau 2 Niveau 3 Niveau 4 [Inspiré de Grow, 1991, p. 129] 8 G Pédagogie collégiale Vol. 11 no 4 G Mai 1998 borer leurs stratégies. Cette grille peut être utile pour connaître le degré de maturité d’apprentissage des étudiants face à l’objet du cours, ou encore face à des éléments d’apprentissage plus spéci- fiques. Dans l’exemple que nous présentons ici, la section A permet d’obtenir des données concernant principalement la motivation de l’étudiant face au cours ainsi que ses acquis antérieurs. La sec- uploads/Management/ bessette-sylvie-11-4.pdf

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  • Publié le Jui 23, 2022
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