L’article étudie la problématique de l’intégration d’un système de contrôle de
L’article étudie la problématique de l’intégration d’un système de contrôle de gestion au sein d’une fonction commerciale, en s’appuyant sur le cas de l’implantation d’un système de contrôle de gestion dans une entreprise de conseil en surveillance et sécurité. La problématique de recherche peut être résumée sous la forme d’une double interrogation : est-ce que les tensions entre le contrôle de gestion et la fonction commerciale, telles que la pression budgétaire ou le manque de connexion du contrôle de gestion avec le marché (Kristensen, Martensen, Gronholdt, 2002 ; Besson, Löning, Mendoza, 2004), ne s’expliquent pas par le manque d’appropriation des outils de contrôle de gestion par les fonctions commerciales ? Comment intégrer un système de contrôle de gestion au sein d’une fonction commerciale et quels sont les apports d’une telle intégration ? 2 Pour étudier cette problématique, l’article utilise le terme de contrôle de gestion dans le sens de management control. L’article s’intéresse aux systèmes de contrôle de gestion stratégiques et managériaux décrits par Anthony (1956, 1965, 1988) et Simons (1995, 2000). Il est centré sur les systèmes de contrôle articulant des règles et des outils de mesure avec des outils de pilotage et de management agissant sur les comportements humains. L’article définit la fonction commerciale comme l’ensemble des activités qui contribuent à la performance commerciale d’une entreprise. La performance commerciale est entendue dans une acception large comme le niveau d’efficacité, d’efficience et de durabilité des pratiques de vente et de marketing. Elle peut s’apprécier par des indicateurs de résultats immédiats tels que la part de marché, le chiffre d’affaires ou la rentabilité commerciale, et par des indicateurs plus qualitatifs de création de potentiel tels que l’image de marque ou la fidélisation des clients (Barth, 2007). Enfin « l’intégration » d’un système de contrôle de gestion signifie l’appropriation durable, efficace et efficiente des outils et des dispositifs de ce système par les acteurs visés. 3 La problématique de recherche présente, en premier lieu, des enjeux pratiques puisque les entreprises et les organisations sont en recherche permanente d’outils de contrôle de gestion pour mieux mesurer et piloter leur performance commerciale (Berland, 2002 ; Ambler, Kokkinaki, 2002 ; Davila, Foster, 2007). Or, à l’heure où la performance commerciale repose de plus en plus sur des facteurs intangibles comme la satisfaction des clients, l’image de marque et la compétence des commerciaux, les outils de sa mesure fondés sur des critères seulement financiers sont critiqués (Ambler, Kokkinaki, 2002). D’autre part, les outils de mesure et de pilotage de la performance commerciale, nonobstant leur conception, doivent être acceptés et supportés par les acteurs commerciaux. Les débats sur la pression budgétaire ou la lourdeur des reportings qui pourraient freiner la performance commerciale montrent que l’appropriation par les commerciaux d’outils de contrôle de gestion est loin d’être spontanée (Besson, Löning, Mendoza, 2004). En second lieu, d’un point de vue plus théorique, si le champ du management control prend bien en compte dans ses analyses la mesure et le pilotage de la performance commerciale, avec les travaux notamment d’Anthony, Simons, Kaplan et Norton (1996, 2004), il accorde moins d’importance à l’intégration d’outils de contrôle de gestion. Comme l’explique Baker (2007), l’approche des auteurs de référence en management control est plutôt positive et normative. Les efforts de recherche sont souvent placés dans la conception d’outils de mesure et de pilotage de la performance commerciale, par exemple le Balanced Scorecard (BSC) de Kaplan et Norton, mais ils le sont moins concernant l’intégration de ces outils, peut-être parce que l’on considère a priori que cet aspect ne serait pas problématique (Cappelletti, 2006a ; 2006b). 4 Pour apporter des éléments de réponse à la problématique étudiée, la méthodologie choisie est celle de la recherche-intervention (Savall, 1974, 1975 ; Savall, Zardet, 2004 ; Buono, Savall, 2007). La recherche-intervention a consisté à faire des observations sur l’implantation d’un système de contrôle de gestion dans une entreprise de surveillance et sécurité de 800 personnes entre 2002 et 2005. Les observations réalisées entre 2002 et 2003 ont porté sur la conception et l’implantation d’indicateurs socio-économiques de contrôle de gestion (Cappelletti, 2006a). Celles réalisées entre 2003 et 2005, qui sont exploitées dans cet article, ont permis d’élaborer des hypothèses sur l’intégration d’un système de contrôle de gestion au sein d’une fonction commerciale. Pour présenter cette étude, le premier paragraphe de l’article expose le cadre théorique de la recherche centré sur les rapports entre le management control et la fonction commerciale, le deuxième paragraphe décrit la méthodologie de recherche-intervention mobilisée et son protocole, enfin le troisième paragraphe présente les résultats de la recherche et en propose une discussion. 1 - Contrôle de gestion et fonction commerciale : une relation paradoxale 5 Ce paragraphe expose les grands concepts, outils et méthodes du management control. Il montre en quoi la relation entre le management control et la fonction commerciale est ancienne et intime, mais également soumise à des tensions et des dilemmes. 1.1 - L ’intimité du lien entre le management control et la fonction commerciale 6 Le management control en tant qu’ensemble de dispositifs et d’outils aidant le manager à décider et agir, comporte deux dimensions (Simons, 1995, 2000) : une dimension économique et stratégique consistant à choisir des règles opératoires pour atteindre les objectifs fixés ; une dimension organisationnelle et psycho-sociale conduisant les individus à agir conformément aux règles opératoires. Anthony est considéré comme l’auteur de référence en management control(Bouquin, 2005). Il définit dans un premier temps le contrôle comme « le processus consistant à assurer que l’organisation fait ce que le management veut qu’elle fasse » (Anthony, 1956). Anthony définit dans un deuxième temps lemanagement control comme « le processus par lequel les managers obtiennent l’assurance que les ressources sont obtenues et utilisées de manière efficace et efficiente pour réaliser les objectifs de l’organisation » (Anthony, 1965). L’auteur ajoute trois idées clés en complément de cette définition : le processus implique des managers c’est-à-dire des acteurs qui font avancer les choses en coopérant avec d’autres acteurs ; ce processus s’inscrit dans le cadre de la planification stratégique ; les critères pertinents pour évaluer les actions conduites dans ce processus sont l’efficacité et l’efficience. Anthony définit dans un troisième temps le management control comme « le processus par lequel les managers influencent d’autres membres de l’organisation pour mettre en œuvre la stratégie » (Anthony, 1988). Pour Anthony, le management control est le contrôle des managers par d’autres managers, ceux-ci étant des responsables d’équipes ayant des objectifs à atteindre. 7 Aujourd’hui, la plupart des auteurs définissent le contrôle de gestion dans le sens de management control (Simons, 2000 ; Burlaud, T eller et al., 2004 ; Gervais, 2005). Ils lui reconnaissent deux dimensions facteurs à la fois de régularité et de changement (Chiapello, 1996 ; Dupuy, Guibert, 2000). La première formelle à vocation stratégique et de gestion : par exemple la formalisation d’un budget annuel et la vérification de son atteinte en fin année par le contrôle de gestion. La seconde informelle à vocation managériale et comportementale : par exemple les différentes concertations réalisées dans l’année par un manager avec ses équipiers, pour piloter la réalisation du budget. La première dimension formelle regroupe les indicateurs de contrôleur de gestion produits par les systèmes d’information traditionnels (comptabilité analytique, comptabilité de gestion…). La dimension informelle regroupe, quant à elle, des indicateurs et des informations peu ou mal reflétés par les systèmes d’information traditionnels, portant sur des phénomènes immatériels (Cappelletti, Khouatra, Beck, 2007). 8 Dès son origine, le management control a proposé des outils de mesure et de pilotage de la performance commerciale. Sur sa dimension formelle d’une part, lemanagement control a préconisé de multiples outils de mesure et d’évaluation de la performance commerciale. Dans la littérature portant sur cette dimension formelle, qualifiée également de management accounting, les propositions foisonnent pour évaluer le coût des produits et des services, en fixer le prix, élaborer les budgets à partir du budget des ventes, et mesurer la performance commerciale au moyen d’une batterie d’indicateurs (Atkinson, Kaplan, Matsumura, Young, 1995, 2007). Sur sa dimension informelle d’autre part, lemanagement control a conçu des outils pour animer la fonction commerciale et piloter sa performance. Comme l’explique Simons (2000), l’objectif dumanagement control est de proposer des outils pour connecter la performance commerciale à la performance globale de l’entreprise et aux marchés. Dans ce cadre, les outils proposés par le management control ont souvent pris la forme de tableaux de bord. C’est le cas du Navigator d’Edvinsson et Malone (1997), mis en œuvre dans l’entreprise Skandia. Edvinson et Malone décomposent le capital immatériel en deux domaines : le capital humain et le capital structurel, ce dernier étant lui-même composé du capital organisationnel et du capital clients. Le capital organisationnel se subdivise en capital d’innovation et en capital des process. LeNavigator décline chacun des domaines en une série d’indicateurs qui permettent d’appréhender les performances futures de l’entreprise. Autre exemple connu, leBalanced Scorecard (BSC) de Kaplan et Norton (1996, 2004) qui propose des indicateurs prospectifs de la performance permettant d’appréhender son potentiel. Ces indicateurs sont positionnés sur quatre axes uploads/Management/ controle-de-gest-et-activite-commerciale.pdf
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- Publié le Aoû 24, 2022
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