MAROC DÉCHETS La société marocaine en ordre dispersé contre la prolifération de

MAROC DÉCHETS La société marocaine en ordre dispersé contre la prolifération des déchets CE CAS D’ÉTUDE EST UNE ANALYSE RÉALISÉE DANS LE CADRE DU BILAN DE L’ACTION CLIMAT PAR SECTEUR RÉALISÉ CHAQUE ANNÉE TÉLÉCHARGER LE BILAN MONDIAL ET LES AUTRES CAS D’ÉTUDE SUR WWW.CLIMATE-CHANCE.ORG • 2 CAS D ' É T U D E M A RO C 2 0 2 0 DÉCHETS MAROC La société marocaine en ordre dispersé contre la prolifération des déchets Rédacteur • L’équipe de l’Observatoire Climate Chance En accueillant la COP22 à Marrakech en 2016, le royaume du Maroc a su se positionner en figure montante du leadership climatique sur le continent africain. Au cœur d’un espace méditerranéen marqué par la pollution et la prolifération des déchets, le Maroc peine pourtant à concrétiser ses premiers engagements, pris il y a plus de dix ans, pour structurer ses systèmes de collecte et de traitement des déchets. De multiples initiatives existent pourtant, mais semblent encore manquer d’un cadre de gouvernance suffisant pour les coordonner. Comment mettre en cohérence les efforts épars de ce secteur dans un contexte d’augmentation des volumes de déchets produits ? • 3 CLIMATE CHANCE – OBSERVATOIRE MONDIAL DE L’ACTION CLIMATIQUE NON-ÉTATIQUE Grands enseignements L’État marocain s’est distingué depuis une douzaine d’années par une importante production législative et institutionnelle pour encadrer et impulser l’amélioration de ses systèmes de collecte et de traitement des déchets, dans la lignée de ses ambitions environnementales et climatiques. Malgré le mouvement de décentralisation entamé depuis 2011, le cadre de gouvernance politique pèche néanmoins en efficacité. Les villes marocaines se sont illustrées par des progrès opérationnels dans la chaîne de collecte, en dépit de faibles capacités de planification régionales, provinciales et préfectorales (17 plans achevés sur 67 lancés). 25 centres d’élimination et de valorisation ont été créés depuis 2008. Dans la filière « tri-recyclage- valorisation », la priorité est donnée à la professionnalisation de la collecte et à la réduction des taux de mise en décharge. La valorisation énergétique des déchets par biométhanisation (Kenitra, Fès, Oum Azza), incinérations et conversion en CSR avance au prix d’une stagnation des performances de recyclage (6 % aujourd’hui pour un objectif de 20 % en 2030). Le secteur privé est un rouage essentiel du dispositif visant à améliorer le traitement des déchets, via les contrats délégués de gestion de services d’hygiène et des décharges. De grandes entreprises (Suez, Lafarge) investissent massivement dans le secteur au Maroc, tandis qu’un écosystème de PME se développe pour proposer des solutions locales, souvent à l’initiative de jeunes entrepreneurs. Focalisé sur les problématique sociales et les pollutions générées par les décharges sauvages, le Maroc peine encore à diffuser une culture du tri et de sobriété pour réduire la production de déchets à la source, à l’image des difficultés à appliquer la loi ZeroMika. Enfin, la société civile s’empare largement du sujet, jouant tantôt le rôle de lanceur d’alerte (ZeroZbel contre le plastique, le CPE contre la décharge de Médiouna), tantôt se faisant force de proposition en jouant la carte de la coalition d'acteurs (AESVT, AMCDD). SOMMAIRE 1 LES DÉCHETS AU MAROC, UN SECTEUR D’ÉMISSION CLÉ ÉRIGÉ « PRIORITÉ NATIONALE » 2 GOUVERNER LE CLIMAT, GÉRER LES DÉCHETS : UN CADRE NATIONAL AMBITIEUX AUX PROGRÈS INÉGAUX 3 ORGANISER LA COLLECTE, ENCADRER LE TRAITEMENT : LA RESPONSABILISATION CROISSANTE DES TERRITOIRES UNE PLANIFICATION DE LA GESTION DES DÉCHETS LACUNAIRE MALGRÉ UNE DÉCENTRALISATION RENFORCÉE PROFESSIONNALISER LA COLLECTE, MODERNISER LES TRAITEMENTS : LES COLLECTIVITÉS AVANCENT DANS LA PYRAMIDE DES DÉCHETS 4 LE SECTEUR PRIVÉ ENTRE MOTEUR OPÉRATIONNEL DU TRAITEMENT LOCAL ET FREIN AUX LÉGISLATIONS NATIONALES LE SECTEUR PRIVÉ STRUCTURANT POUR RENFORCER LES CAPACITÉS LOCALES DE TRAITEMENT L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE, TREMPLIN D’UN ENTREPRENEURIAT FLORISSANT ORGANISER LA CONTRIBUTION DES ENTREPRISES : LA REP ENCORE EN CHANTIER, LES ÉCOTAXES EN DÉBAT 5 UNE SOCIÉTÉ CIVILE REVENDICATIVE AU POIDS GRANDISSANT DANS LES POLITIQUES DÉCHETS LA SOCIÉTÉ CIVILE FACE AUX NUISANCES LOCALES DES DÉCHETS DES PROJETS PORTEURS DE SOLUTIONS LOCALES AVEC LE SOUTIEN D’ACTEURS RÉGIONAUX VERS UN RÔLE DE CO-CONSTRUCTION DES POLITIQUES PUBLIQUES ? CAS D ' ÉT U D E MAROC • 4 1. Les déchets au Maroc, un secteur d’émission clé érigé en « priorité nationale » FIGURE 1 RÉPARTITION DES ÉMISSIONS GES PAR MODULE (2012) - Source : Banque Mondiale, (2017), à partir des données du Ministère chargé de l'Environnement (2016) 56,6 % 21,3 % 9,9 % 7,9 % 4,4 % ÉNERGIE AGRICULTURE DÉCHETS PROCÉDÉS INDUSTRIELS FORESTERIE Pour l’année 2015, année de référence, le gisement total des déchets au Maroc est estimé à 26,8 millions de tonnes (Mt), hors déchets agricoles, avec une croissance prévue jusqu’à 39 Mt à l’horizon 2030, selon les chiffres publiés dans la Stratégie Nationale de Réduction et de Valorisation des Déchets (2019). Une production de déchets répartie entre : - 7,4 Mt de déchets ménagers et assimilé (DMA), dont 79 % en milieu urbain. En 2017, on recensait 4,7 millions de tonnes de Déchets Ménagers (DM) par an. - 5,4 Mt de déchets industriels (DI) - 14 Mt de déchets de construction et de démolition (DCD). (SNRVD, 2019). Les déchets représentent une part croissante des émissions de gaz à effet de serre du pays. La Troisième Communication Nationale du Maroc auprès de la Convention Cadre des Nations Unies pour le Changement Climatique (CCNUCC) évaluait les émissions totales anthropiques nettes de GES au Maroc à 100,55 MtCO2eq. en 2012, dont près de 8 % attribuées au secteur des déchets (Ministère chargé de l’environnement, 2016). Une proportion sectorielle supérieure à la moyenne mondiale – estimée entre 3 % et 5 % – et en constante augmentation : les déchets ne représentaient que 4,6 % des émissions en 2000 (fig. 2). Ces émissions de GES proviennent à 82 % des décharges de déchets solides, et à 18 % de l’assai- nissement et du rejet des eaux usées et déjections humaines. Par ailleurs depuis l’introduction du Programme National des Déchets Ménagers (PNDM) en 2008, le Maroc a très nettement amélioré le taux de dépôt en décharge contrôlée des DMA collectés, passant de 10 % avant 2008 à 44 % en 2015 (Banque Mondiale, 2017). Le reste de la collecte est déposé dans une des 300 décharges sauvages que compte le pays. De même le taux de collecte professionnalisée, c’est-à-dire opérée par des entreprises privées dans le cadre d’une délégation de service public, est passé de 44 % en 2007 à 86 % en 2015. Des performances dont un effet collatéral est de permettre d’affiner et de préciser la traçabilité des déchets, consolidant ainsi la mesure de leur empreinte carbone. • 5 CLIMATE CHANCE – OBSERVATOIRE MONDIAL DE L’ACTION CLIMATIQUE NON-ÉTATIQUE FIGURE 2 ÉMISSIONS DE GES DU MAROC (EN KILOTONNE CO2EQ.) - Source : CCNUCC En effet la gestion des déchets est l’un de ces secteurs dont la fragilité des données quantita- tives existantes, tant sur les volumes de déchets que leurs émissions de GES, invite à faire usage de données secondaires, ou « proxy », pour en analyser les dynamiques d’évolution (cf. Fiche Sectorielle Déchets, Climate Chance, 2019). Difficile en effet d’affirmer si les variations nominales décrites plus haut dans ce secteur sont attribuables à une fluctuation des valeurs réelles ou bien à une amélio- ration des méthodologies de mesure. En témoigne les écarts entre les émissions brutes calculées depuis l’introduction de la nouvelle méthodologie d’inventaire marocaine (encadré 1). Dans une telle situation d’incertitude, il est malgré tout possible d’analyser les progrès du Maroc en matière de gestion des déchets au regard du développement d’instruments réglementaires récents, des innovations du secteur privé, des actions entreprises par les collectivités territoriales et des efforts de la société civile pour accompagner le changement. Ainsi, au Maroc comme dans de nombreux pays, c’est d’abord au prisme des gains d’efficacités de la collecte, du tri et du recyclage que se conjecturent les principaux progrès environnementaux et climatique du secteur. POUR MIEUX COMPRENDRE INSTAURATION EN 2018 D’UN SYSTÈME D’INVENTAIRE DES ÉMISSIONS DE GES PROPRE AU MAROC GES (SNI-GES) Un nouveau décret instituant le Système National d’Inventaire de GES (SNI-GES) a été adopté en novembre 2018 pour satisfaire aux engagements internationaux du Maroc avec la création d'une commission nationale d’inventaire et la mise en place d'un coordinateur national entre les différents secteurs concernés. Sur la base de ce nouveau système, une évaluation récente des GES totales du Maroc en 2010 et 2014 a été réalisée par le Centre de Compétences Changements Climatiques du Maroc, créé en 2015 (4C, 2019). La méthodologie et les champs couverts étant différents des précédentes méthodes utilisées pour les Communications Nationales à la CCNUCC et reprises dans les rapports de la Banque Mondiale, les deux séries de données ne sont pas comparables. Mais globalement, les estimations d’émission avancées par la nouvelle métho- dologie sont inférieures aux calculs précédents. Selon cette analyse, les émissions directes (hors usage des sols) de gaz à effet de serre du Maroc ont atteint 75 447 kilotonnes CO2eq en 2010 et 85 224 ktCO2eq en 2014 soit une augmentation de 13 % entre les deux années, mais affichant des valeurs moindres que les précédentes com- uploads/Management/ cp-dechets-maroc-francais-1-pdf.pdf

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  • Publié le Mar 20, 2021
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