© Schweizerische Zeitschrift für Volkswirtschaft und Statistik 2006, Vol. 142 (
© Schweizerische Zeitschrift für Volkswirtschaft und Statistik 2006, Vol. 142 (2) 231–262 Mesure de l’efficience technique dans le secteur de l’éducation : une application de la méthode DEA D D∗ JEL-Classification : I21, D24, H52 Keywords : technical efficiency, data envelopment analysis, education, Switzerland 1. Introduction La mesure de la performance des établissements scolaires est un thème particu- lièrement intéressant pour l’économiste. La théorie du capital humain (B, 1964) stipule que l’éducation permet d’améliorer la productivité des travailleurs et de stimuler la croissance économique. L’éducation génère également de nom- breuses externalités positives, et on sait qu’elle mobilise d’importantes ressources qui sont en quantité limitée et susceptibles d’usages alternatifs. Pourtant, l’ap- plication du concept de performance au domaine de l’enseignement est quelque chose de relativement récent, l’école étant restée longtemps épargnée de consi- dérations d’efficience économique. Si les économistes ont tardé à analyser la productivité des systèmes éducatifs, c’est aussi probablement parce qu’il leur manquait un cadre d’analyse adéquat. La question abordée est difficile dans la mesure où l’analyse de performance requiert non seulement l’identification d’objectifs mais aussi la mise au point d’indica- teurs relatifs à leur réalisation. De plus, l’éducation est une activité complexe qui met en œuvre des variables dont la spécification est loin d’être aisée d’un point de vue du calcul économique traditionnel. ∗ Université de Genève, FPSE, Bd du Pont d’Arve 42, CH-1211 Genève 4. E-mail : Djily. Diagne@pse.unige.ch, tél.: ++ 41 22 379 96 26. Cet article est issu de ma thèse de doctorat en Sciences économiques soutenue à l’Université de Neuchâtel. Je tiens à remercier Messieurs les Professeurs Claude Jeanrenaud, Milad Zarin-Nejedan, Siegfried Hanhart et Pierre Pestieau pour leurs conseils et commentaires précieux. J’exprime également mes vifs remerciements à l’éditeur de la Revue ainsi qu’aux deux rapporteurs anonymes pour leurs commentaires et critiques constructifs. Je suis aussi reconnaissant envers Philippe Vanden Eeckaut pour la relecture de la dernière version de ce travail. Néanmoins, je reste seul responsable des erreurs ou omissions qui pourraient encore subsister. D D L’évaluation de la performance des organisations par les économistes se fait d’ordinaire sur la base d’indicateurs partiels de productivité. L’analyse par les ratios a l’avantage de présenter une grande simplicité de mise en œuvre. En revan- che, elle pose problème dans la mesure où elle repose sur un seul facteur de pro- duction. C’est le cas de la dépense par élève, un indicateur fréquemment utilisé en éducation mais qui a l’inconvénient d’être trop restrictif pour donner une vision globale de la performance d’un système éducatif. Une deuxième appro- che, plus ambitieuse que les ratios, consiste à utiliser la méthode économétri- que de régression pour construire une fonction de production. Cette dernière permet alors d’indiquer le niveau maximum de produits qui peut être obtenu par les différentes combinaisons de ressources pour une technologie donnée. Cou- ramment utilisée pour juger de la performance des organisations productives, cette approche pose aussi de sérieux problèmes. Premièrement, elle nécessite la définition préalable d’une forme fonctionnelle censée caractériser la relation de production. Or, lorsqu’il s’agit du domaine éducatif, les chercheurs manquent parfois de connaissances techniques approfondies du processus de production. Deuxièmement, cette approche se base en principe sur un seul output et de ce fait ne peut prendre en compte le caractère multidimensionnel de l’éducation. Il existe, en effet, un large consensus selon lequel l’output du système éducatif est divers et ne se résume pas aux seuls résultats scolaires. Une troisième faiblesse des méthodes économétriques est que les résultats qu’elles génèrent indiquent plutôt des valeurs moyennes et ne permettent pas de porter un jugement détaillé sur les performances individuelles. Face aux imperfections des méthodes traditionnelles, il importe de s’orienter vers de nouvelles approches plus adaptées au contexte éducatif et qui permettent d’éviter les problèmes susmentionnés. La méthode DEA (Data Envelopment Ana- lysis), issue de la programmation linéaire semble répondre à ce critère. Elle a été initialement développée par C, C et R (1978) qui se sont inspirés des travaux de F (1957). La méthode DEA est conçue au départ pour mesurer l’efficience technique relative des organisations opérant dans des secteurs comme l’éducation, la justice ou la santé, secteurs dans lesquels il n’existe pas a priori de marché concurren- tiel. De telles organisations se caractérisent par le fait qu’elles utilisent plusieurs inputs pour produire plusieurs outputs, et la technologie de production n’est pas clairement identifiée. Le mot « relative » signifie que l’organisation est comparée à un ensemble d’unités opérant de façon similaire où les inputs et les outputs sont homogènes. Dans le jargon de la méthode DEA, de pareilles unités sont appelées « Decision Making Units » (DMU). Plus précisément, cette méthode mesure l’effi- cience d’une DMU sous un angle empirique en calculant l’écart relatif séparant Mesure de l’efficience technique dans le secteur de l’éducation le point représentant les valeurs des inputs et outputs observés par rapport à un point hypothétique sur la frontière de production. On peut de cette manière estimer le degré d’efficience de chaque DMU par rapport à cette frontière qui détermine les meilleures pratiques (« best practice »). L’analyse DEA se distingue d’une analyse de tendance centrale comme la technique de régression du fait que la frontière d’efficience est déterminée du point de vue de la meilleure pratique. Elle permet ainsi d’identifier les organisations les plus performantes, qui peu- vent servir de références à celles qui le sont moins. Les résultats obtenus par ce biais peuvent être utilisés dans le cadre d’une procédure de « benchmarking » du système scolaire. Durant les deux dernières décennies, les applications la méthode DEA au champ éducatif ont été nombreuses. Les premiers travaux ont eu lieu aux Etats- Unis : C, C et R (1978), B et al. (1982, 1984), F et al. (1989) et R (1991). Cette dernière étude est innovatrice car le traitement des variables socio-économiques dans les modèles DEA a été amélioré. Contrai- rement aux études précédentes, Ray propose en effet de ne tenir compte dans l’analyse DEA que des variables sous le contrôle des écoles. Ainsi, l’efficience de chaque école est calculée uniquement avec les inputs qu’elle contrôle. L’étape suivante consiste alors à régresser les taux d’efficience obtenus sur les facteurs d’environnement qui ne sont pas sous son contrôle. L’idée de l’auteur est d’isoler, pour les écoles inefficientes, l’effet des conditions externes, d’une part, et celui de la mauvaise gestion, d’autre part. Plusieurs auteurs ont par la suite adopté cette démarche en deux étapes. Par exemple, K et L (1998) uti- lisent un modèle Tobit après l’analyse DEA pour tenter d’expliquer les détermi- nants de l’efficience des écoles secondaires finlandaises. Elles trouvent des taux d’efficience moyens variant entre 82 et 84% selon les modèles, et constatent que le niveau d’éducation des parents joue un rôle déterminant comme facteur expli- catif des écarts de performance des écoles. B et al. (2001) utilisent égale- ment la méthode DEA et un modèle Tobit pour évaluer l’efficience technique des écoles secondaires anglaises. Les taux d’efficience moyens obtenus sont compris entre 83 et 75%. Ces auteurs trouvent que la concurrence entre établissements scolaires améliore le niveau d’efficience des écoles analysées. Ce dernier résultat est confirmé par W (2001) qui étudie la performance des écoles secondai- res suédoises à l’aide de la méthode DEA. En Suisse, il n’existe à notre connaissance aucune étude empirique ayant mesuré l’efficience technique du système éducatif. La présente recherche a pour but de contribuer modestement à combler cette lacune. Nous évaluons l’efficience tech- nique de 27 établissements secondaires préparant à la maturité en Suisse romande pour l’année scolaire 1999-2000. D D L’analyse de la performance des écoles publiques est un thème particulièrement intéressant dans le contexte suisse. En effet, chaque année, la Confédération, les cantons et les communes consacrent plus de 20 milliards de francs au système d’enseignement, soit à peu près 6% du produit intérieur brut et près de 20% de l’ensemble des dépenses publiques (A, 2002). Ce secteur constitue ainsi un des domaines d’activité auquel les pouvoirs publics accordent le plus de moyens financiers. Le choix de ce thème nous paraît d’autant plus justifié que ces derniè- res années, le système scolaire suisse a subi un certain nombre de critiques. Par exemple, en décembre 2001, la publication de l’enquête PISA (Programme inter- national pour le suivi des acquis des élèves) sous l’égide de l’OCDE montrait que les jeunes scolarisés en Suisse avaient des compétences très moyennes en lecture et en mathématiques. Or, les comparaisons internationales sur le financement de l’éducation montrent clairement que la Suisse fait partie des pays qui consacrent le plus de ressources à leurs systèmes éducatifs (OCDE, 2002). Dans un pareil contexte, il nous semble donc utile de poser un diagnostic sur le système d’ensei- gnement secondaire suisse romand, en s’interrogeant sur son (in)efficience et sur les facteurs qui la déterminent. Le reste de cet article est organisé comme suit : dans la section suivante, nous abordons quelques aspects méthodologiques rela- tifs à la mesure de l’efficience technique, puis nous introduisons brièvement la méthode DEA ; la troisième section est consacrée à la uploads/Management/ djily-diagne-pdf.pdf
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- Publié le Oct 10, 2022
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