Xavier Parent-Rocheleau, doctorant en administration, École des sciences de la

Xavier Parent-Rocheleau, doctorant en administration, École des sciences de la gestion, Université du Québec à Montréal, Montréal, Québec (parent-rocheleau.xavier@courrier.uqam.ca). Gilles Simard, professeur titulaire, École des sciences de la gestion, Université du Québec à Montréal, Montréal, Québec (simard.gilles@uqam.ca). Kathleen Bentein, professeure agrégée, École des sciences de la gestion, Université du Québec à Montréal, Montréal, Québec (bentein.kathleen@uqam.ca). Michel Tremblay, professeur titulaire, HEC Montréal, Montréal, Québec (michel.tremblay@hec.ca). © Département des relations industrielles, Université Laval - ISSN 0034-379X – RI/IR, 71-1, 2016, 109-132 109 L’interaction entre facteurs organisationnels et locus de contrôle dans la prédiction de l’engagement organisationnel affectif Xavier Parent-Rocheleau, Gilles Simard, Kathleen Bentein et Michel Tremblay Cette étude vise à examiner dans quelle mesure l’effet de la justice procé- durale et de la fierté organisationnelle sur l’engagement affectif d’un indi- vidu envers son organisation varie selon l’internalité ou l’externalité de son locus de contrôle. Les résultats indiquent que le locus de contrôle exerce un effet modérateur dans la relation entre l’engagement affectif et ses deux antécédents proposés, de sorte que les perceptions de justice procédurale et la fierté organisationnelle conduisent davantage à l’engagement affectif chez les individus qui croient détenir le contrôle sur leur environnement. En plus d’enrichir notre compréhension du mécanisme de développement de l’engagement, les résultats mettent de l’avant l’importance d’investiguer l’interaction de facteurs individuels et organisationnels dans la prédiction des attitudes et comportements au travail. Ces résultats permettent aux professionnels en relations industrielles (RI) et en relations du travail (RT) de mieux comprendre les réactions des salariés en regard des perceptions de justice organisationnelle. Mots-clés : Attribution interne, identification organisationnelle, personnalité, fierté organisationnelle, justice procédurale. Introduction L’époque où le travailleur était considéré comme une ressource de moindre importance par la majorité des entreprises s’estompe progressivement au profit d’une conception qui attribue un rôle central aux employés en les traitant plutôt comme une ressource essentielle et à haute valeur ajoutée. Ce constat s’applique 110 relations industrielles / industrial relations – 71-1, 2016 plus particulièrement dans les secteurs économiques émergeants dont le succès repose en grande partie sur les compétences et les attributs du capital humain. Dans ce contexte, l’ensemble des acteurs de l’organisation a tout intérêt à accor- der une importance considérable aux facteurs qui favorisent la rétention et la performance du personnel, de même que sa satisfaction et son bien-être. À ce titre, l’engagement organisationnel affectif, dont l’influence sur la rétention, la performance et la satisfaction a été observée à maintes reprises (Meyer, Stanley, Herscovitch et Topolnytsky, 2002 ; Riketta, 2002), retient l’attention des cher- cheurs depuis plusieurs décennies. Devant ce constat, nombreux sont les chercheurs à s’être interrogés sur les facteurs qui favorisent le développement de l’engagement organisationnel affec- tif (EOA). Parmi les antécédents étudiés, les perceptions de justice procédurale (Colquitt et al., 2001) figurent parmi les plus fréquemment observés. Quel- ques auteurs se sont également penchés sur l’influence potentielle de la fierté organisationnelle sur l’engagement affectif (Boezeman et Ellemers, 2007). Par ailleurs, en plus des facteurs organisationnels, la recherche scientifique montre que le développement de l’engagement organisationnel affectif serait également affecté par des caractéristiques individuelles, notamment les facteurs de person- nalité (Erdheim et al., 2006 ; Panaccio et Vandenberghe, 2012). Toutefois, des écrits influents sur l’engagement organisationnel avancent que ni les facteurs organisationnels ni les facteurs individuels ne permettent, à eux seuls, une compréhension complète du contexte le plus favorable à l’apparition de l’engagement affectif (Becker, Klein et Meyer, 2009). Devant ce constat, cer- tains auteurs se sont penchés sur l’interaction possible des facteurs individuels et organisationnels dans la prédiction de l’engagement organisationnel affectif (Meyer et al., 1998 ; Meyer et Allen, 1997 ; Aubé, Rousseau et Morin, 2007). Parmi les facteurs individuels susceptibles d’influencer la perception des facteurs organisationnels et, par le fait même, de moduler leurs effets sur le développement d’attitudes et de comportements positifs en milieu de travail, le locus de contrôle (LDC) a largement été étudié dans la littérature (Spector, 1988 ; Ng et al., 2006 ; Martin, Thomas, Charles, Epitropaki, et McNamara, 2005). Le locus de contrôle, qui représente la propension d’un individu à croire qu’il exerce un contrôle sur son environnement (LDC interne) ou, à l’inverse, que sa destinée est guidée par des facteurs hors de son contrôle (LDC externe) (Rotter, 1954 ; 1966), exercerait une influence dans le développement de l’EOA (Ng et al., 2006). Par ailleurs, quelques rares études, comme celles d’Aubé et al. (2007) et de Chiu et al. (2005), ont évalué l’effet modérateur du locus de contrôle dans la relation entre l’engagement organisationnel affectif et certains de ses antécédents organisationnels (i.e. le soutien organisationnel). Toutefois, à notre connaissance, aucune recherche ne s’est penchée sur le rôle modérateur L’interaction entre facteurs organisationnels et locus de contrôle dans la prédiction 111 de l’engagement organisationnel affectif du lieu de contrôle dans la relation entre la justice et l’engagement, et encore moins dans la relation entre la fierté organisationnelle et l’engagement. Pourtant, les théories sous-jacentes à ces relations, soit le modèle d’engagement au groupe de Tyler et Blader (2003) et la théorie de l’échange social (Blau, 1964), laissent envisager une telle possibilité. Notre étude embrasse un double objectif. Elle vise d’abord à confirmer l’influence des perceptions de justice procédurale (JP) sur le développement de l’engagement organisationnel affectif, mais aussi à vérifier l’existence d’une relation significative entre la fierté organisationnelle et l’engagement organisationnel affectif. Le second objectif est d’évaluer l’effet modérateur du locus de contrôle (LDC) dans ces deux relations. L’étude est novatrice à plusieurs niveaux. En plus de contribuer à développer le réseau nomologique de la fierté organisationnelle, le caractère novateur de cette recherche repose sur l’étude du rôle du LDC sur l’effet d’expériences de travail et de facteurs organisationnels peu étudiés jusqu’ici. Le cadre conceptuel dans lequel s’inscrit l’étude, de même que les hypothèses de recherche, sont décrits dans la prochaine section, qui est suivie de la présentation des aspects métho- dologiques et des résultats. Ces résultats sont ensuite discutés au regard des contributions théoriques et pratiques qu’ils soulèvent. Des avenues de recherche future sont finalement proposées. Cadre conceptuel À l’origine, la définition du concept d’engagement organisationnel affectif était caractérisée par une forte internalisation et acceptation des valeurs et objec- tifs de l’organisation, par une volonté de fournir un effort considérable pour l’organisation et par le désir d’en demeurer membre (Porter et al., 1974). Par la suite, Meyer et Allen (1991) ont défini l’engagement organisationnel affectif comme « un état psychologique qui : a- caractérise la relation de l’employé à son organisation ; et b- a des effets sur la décision de rester ou de ne plus rester membre de l’organisation » (p. 67). L’engagement affectif désigne alors un atta- chement de type émotionnel à l’organisation (Meyer et Allen, 1991 ; Meyer et Herscovitch, 2001). L’engagement affectif et la justice procédurale Plusieurs considérations théoriques et empiriques permettent d’envisager que les perceptions de justice procédurale jouent un rôle dans le développement de l’EOA. Tel que le précise Levanthal (1980), la justice procédurale réfère à la per- ception des règles et procédures en vigueur lors de la distribution des ressources (ex : vacances, promotions, rémunération, etc.). Lorsque les procédures sont per- 112 relations industrielles / industrial relations – 71-1, 2016 çues comme justes, les décisions ou résultats découlant de ces procédures sont mieux acceptés par les employés. La théorie de l’échange social (Blau, 1964) est fréquemment évoquée pour expliquer la relation entre la JP et l’EOA. Cette théorie stipule que les relations d’échange sont maintenues lorsque les individus perçoivent recevoir des bénéfices en retour des efforts investis et des services rendus en raison de la norme de réciprocité. Le caractère réciproque que perçoit l’individu quant au rapport entre ce qu’il donne à l’organisation et ce qu’il en reçoit serait largement attribuable à ses perceptions de justice procédurale. Ainsi, un employé percevant des procédures justes et équitables serait plus enclin à considérer que la norme de réciprocité est respectée, ce qui l’amènerait à déve- lopper un engagement affectif envers l’organisation. Le modèle de l’engagement au groupe (Tyler et Blader, 2003) fournit également un soutien théorique au rôle de la JP dans le développement de l’EOA. Visant à expliquer le mécanisme par lequel les perceptions de justice influencent la coopération dans les groupes et les organisations, l’hypothèse sous-jacente à ce modèle stipule que l’importance accordée à la JP dans un groupe ou une organisation et les perceptions qui en découlent forment les motivations à s’engager auprès de ce groupe ou de cette organisation (Tyler et Lind, 1992). Plus précisément, ce modèle affirme que l’évaluation que font les individus des procédures en vigueur dans l’organisation contribue à développer leur identification et que ce lien identitaire influence à son tour les attitudes et comportements des acteurs organisationnels. Dans cette optique, les individus utilisent leurs perceptions de justice pour développer et maintenir une identité au sein du groupe. C’est d’ailleurs ce qui amène Lind et Tyler (1988) à affirmer que les individus sont préoccupés par la justice procédurale parce qu’ils craignent l’exclusion de leur groupe ou de l’organisation. La justice procédurale exprimerait le respect que l’organisation développe uploads/Management/ engagemnt-affectif.pdf

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  • Publié le Aoû 17, 2022
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