Les Cahiers de l'Acedle, numéro 2, 2006, recherches en didactique des langues,
Les Cahiers de l'Acedle, numéro 2, 2006, recherches en didactique des langues, colloque Acedle, juin 2005 217 L'évaluation en langues : quelles perspectives ? Claire TARDIEU IUFM de Paris Résumé L'évaluation en langues a fait l'objet de nombreux travaux portant aussi bien sur les types d'évaluation et leurs fonctions que sur les modalités. Pourtant, il semble que de nouvelles données soient à prendre en compte aujourd'hui. Il s'agira ici de mettre en relation des questions repérées, dans la définition même du terme et de son objet, et les ouvertures offertes par de nouveaux outils comme le Cadre européen de référence en langues. On verra en particulier quel est l'apport du cadre européen en la matière, apport direct ou indirect, à travers l'élaboration de tests comme Dialang ou le DCL, et deux applications concrètes: l'évaluation dans l'apprentissage en Tandem et la Dutch CEFR Grid, outil à destination des concepteurs d'items. Enfin, on esquissera des perspectives pour l'avenir. Mots-clés évaluation ; compétence ; cadre européen commun Abstract The issue of language assessment has already been discussed both in terms of types (or function), and modes. Yet new elements need to be taken into account. Our aim here is to establish connections between obvious questions concerning the definition of the term "assessment," and its object, and the possibilities offered by new tools such as the European Language Framework. We will examine in particular how the Framework has improved the language assessment, in a direct or indirect way, through testing devices like Dialang or the DCL. We will also examine two concrete exemples: tandem learning, and the Dutch Framework grid – a tool aimed at helping item conceptors. Finally we will outline future directions for assessment. Key-words language assessment; skill; European Framework for Languages. Les Cahiers de l'Acedle, numéro 2, 2006, recherches en didactique des langues, colloque Acedle, juin 2005 218 1. Introduction L'évaluation en langues a fait l'objet de nombreux travaux portant aussi bien sur les types d'évaluation et leurs fonctions que sur les modalités proprement dite. Pourtant, il semble que de nouvelles données soient à prendre en compte aujourd'hui. Cet article propose de mettre en relation des complexités repérées, dans la définition même du terme et de son objet, et les ouvertures offertes par de nouveaux outils comme le Cadre européen de référence en langues. Évaluer, c'est à la fois mesurer avec précision et estimer approximativement, et l'objet de l'évaluation – la compétence en langue – peut se décliner de différentes manières selon les références. Nous verrons en particulier quelles sont les retombées – directes ou indirectes – du cadre européen, à travers la banque d'outils d'évaluation, les tests fondés sur les scenarii, les textes officiels, le Portfolio, et les modes d'apprentissage coopératifs. Nous présenterons ensuite un outil de précision à destination des analystes ou des concepteurs d'items, la Dutch CEFR Grid. Nous esquisserons finalement des perspectives pour l'avenir, nous basant sur des projets en cours et la nécessaire évolution des pratiques et des conceptions qui les sous- tendent. 2. Complexité terminologique Le Petit Robert donne le XIVème siècle pour l'apparition du mot évaluer, qui tirerait son origine d'avaluer, 1283, de l'ancien français value – valeur, prix. Il s'agit en fait d'esvaluer (1366) "déterminer la valeur, le prix de quelque chose". On peut aussi considérer que évaluer vient du latin valere : être fort, valoir. Le Petit Robert nous donne la définition suivante du verbe évaluer : 1. Porter un jugement sur la valeur, le prix de. V. Estimer, priser. Faire évaluer un meuble, un tableau, par un expert. V. Expertiser. "Il essaya d'évaluer la fortune paternelle et quelle en serait sa part ; mais il n'avait là-dessus aucune donnée précise". (Mart. Du G.). V. Calculer, chiffrer. Evaluer un bien au-dessous de sa valeur. V. Surévaluer ; sous-évaluer. Sa maison est évaluée un million, à un million (V. Valoir). L'arbitre a évalué le dommage. Déterminer (une quantité) par le calcul sans recourir à la mesure directe. Evaluer un volume, le débit d'une rivière. V. Jauger. 2. Par ext. Fixer approximativement. V. Apprécier, estimer, juger. Evaluer une distance à vue d'œil. Foule, assistance évaluée à deux mille personnes environ. – Les Cahiers de l'Acedle, numéro 2, 2006, recherches en didactique des langues, colloque Acedle, juin 2005 219 (Abstrait) "Fernando Lucas savait accepter tous les risques dont il avait, depuis longtemps, évalué la quantité et la qualité" […].1 Plusieurs notions sont présentes ici, de manière parfois contradictoire. Ainsi, remarque-t-on d'un côté les notions de calcul, de chiffre, de prix – qui renvoient à un jugement objectif fondé sur des critères externes ; d'autre part, le sens d'estimation approximative, laissant envisager une marge d'erreur possible, inévitable même, et des critères de jugement plus flous, voire subjectifs. On retrouve la même ambiguïté du terme dans la définition du Trésor de la Langue Française 2004 : "Déterminer, délimiter, fixer avec précision" et "Conjecturer, faire l'estimation d'une quantité, d'une durée qui n'est pas encore vérifiable".2 Selon la même source, on peut trouver un élément de définition supplémentaire : reconnaître la valeur de, être sensible aux qualités de, aimer (quelqu'un). Encore une fois, nous voyons ici l'affirmation d'une dimension subjective, voire affective, ainsi que l'idée que l'on ne peut évaluer que ce qui est mesurable (quantitativement, qualitativement), ce qui implique les notions de normes pré-établies et de critères. Si l'on relie à présent ces définitions au domaine de la didactique, elles s'avèrent très éclairantes : Notions Implications calcul, chiffre, mesure jugement précis, avéré, objectif, relatif à des critères, une norme estimation approximative jugement global, prédictif, subjectif estimation valorisante jugement subjectif, affectif Tableau 1 – inventaire des notions dans les définitions citées Ces listes assez contradictoires nous amènent à poser plusieurs questions. Peut-on évaluer justement ? Quel est l'objet de l'évaluation ? Cet objet est-il quantifiable ? En quels termes ? En chiffres ? Par des appréciations ? Le jugement fait-il appel à des critères externes ? Est-il biaisé, dans un sens positif ou négatif ? Cossu et Favel soulèvent en particulier le problème de la mesure : Le paradoxe se retrouve lorsqu'il s'agit d'évaluer dans le système scolaire, car en effet il existe une distance entre la nature du système généralement utilisé pour évaluer, c'est-à-dire la notation (le plus souvent chiffrée), et la nature de ce qui est évalué, c'est- à-dire des productions scolaires parfois difficilement chiffrables. Certaines productions 1 Edition 1990, p.715. 2 http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?26;s=4127825505;r=2;nat=;sol=0 Les Cahiers de l'Acedle, numéro 2, 2006, recherches en didactique des langues, colloque Acedle, juin 2005 220 sont mesurables quantitativement (c'est le cas des tests contraignants demandant une seule réponse par question) et peuvent être évaluées par un chiffre, d'autres relèvent davantage du domaine de l'estimation, du jugement qualitatif, de l'appréciation non chiffrée (c'est le cas de l'originalité, la variété de la langue, l'élégance, la prise de risque, etc., dans les productions libres). (Cossu & Favel 1998 : 133-34). Le problème se pose avec plus d'acuité dans un enseignement qui vise à développer des compétences de communication. Sibylle Bolton pose le problème de la fiabilité et de la validité des tests : […S]i l'on va dans le sens de l'objectif de "compétence communicative interactive", les tests doivent laisser la plus grande place possible à des réponses individuelles créatives. Mais on accroît alors la marge d'interprétation dans la notation des résultats oraux et écrits, autrement dit, on diminue la fiabilité de la mesure. (Bolton, 1991 : 4-5) Tout l'art de l'évaluateur consistera précisément à rendre de plus en plus mesurable cet obscur objet de l'évaluation. En fait, le terme évaluer est relativement récent en didactique. Le concept lui-même est issu des sciences sociales behavioristes aux Etats-Unis, l'apprentissage signifiant un changement de comportement mesurable. Niklas décrit ainsi la démarche : On soumet donc l'écolier à certains stimuli (offres d'apprentissage) afin qu'il arrive à un objectif fixé d'avance (objectif d'apprentissage). […] Le dernier degré de la théorie behavioriste de l'apprentissage est finalement celui de l'évaluation : on vérifie si l'objectif d'apprentissage a été atteint donc si l'élève a appris ce qu'il devait apprendre. (Niklas, 2003 : 173). En France on commence à utiliser l'évaluation dans les années soixante-dix, pour accompagner les méthodes novatrices (pédagogie par objectifs en particulier), ce qui semble logique. En effet, dès lors que l'objet à mesurer (connaissances et compétences définies par des référentiels d'apprentissage) devient palpable, des tests d'évaluation peuvent voir le jour. 3. Complexité de l'objet à évaluer Le terme "évaluer" se définit aussi par son objet : performance individuelle, collective, institutionnelle. Nous nous pencherons ici sur son objet dans le domaine de l'enseignement / apprentissage des langues. On peut dire qu'aujourd'hui on évalue à la fois des connaissances et Les Cahiers de l'Acedle, numéro 2, 2006, recherches en didactique des langues, colloque Acedle, juin 2005 221 des compétences à travers des performances réalisées par les élèves dans la langue-cible. Un aperçu historique des méthodologies montre que ces notions ne recouvrent pas la même réalité. En fait, en fonction du statut de la langue au cœur de l'apprentissage, l'objet d'évaluation varie lui aussi. Types de méthode Conception de la langue et de uploads/Management/ evaluation 2 .pdf
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