ePTO – Volume 17 Exposition au harcèlement psychologique au travail : Impact su

ePTO – Volume 17 Exposition au harcèlement psychologique au travail : Impact sur la satisfaction au travail, l’implication organisationnelle et l’intention de départ Exposure to bullying at work: Impact of job satisfaction, organizational commitment and intention to leave * Gwénaëlle POILPOT-ROCABOY, **Guy NOTELAERS & ***Lars Johan HAUGE * IGR-IAE de l’Université de Rennes, 11 rue Jean Macé CS 70803, 35708 Rennes Cedex 7, France, gwenaelle.poilpot@univ-rennes1.fr ** Maastricht University, School for Business and Economics, Departement Organization and Strategy, The Netherlands - g.notelaers@maastrichtuniversity.nl *** University of Bergen, Department of Psychology, Bergen Bullying Research Group, Norway Résumé: Cet article s’interroge sur les réponses individuelles face à un comportement de harcèlement psychologique. Un modèle conceptuel est proposé et testé sur une population de 6175 personnes, à l’aide d’une approche confirmatoire des modèles d’équations structurelles. Les résultats permettent d’obtenir deux apports essentiels. Le premier est de révéler un effet direct de l’exposition au harcèlement psychologique sur la satisfaction au travail, l’implication organisationnelle et l’intention de départ de la personne exposée. Le second est de révéler le rôle médiateur de la satisfaction au travail entre le harcèlement d’une part et l’implication au travail et l’intention de départ d’autre part. Un processus dominant semble se développer en trois étapes : une insatisfaction au travail comme réponse émotionnelle à l’exposition au harcèlement (première étape), qui se traduit par une réduction de l’implication organisationnelle (seconde étape) et par une augmentation des intentions de départ (troisième étape). Abstract: In this article we investigate the individual reactions to workplace bullying exposure. To this end we put forward a conceptual model which is tested on a heterogeneous sample of 6175 employees using a strict confirmatory approach of structural equation modelling. The results are twofold. Firstly, workplace bullying leads directly to a decrease in job satisfaction and organisational commitment and to an increase in turnover intentions. Secondly, job satisfaction seems to be a partial mediator between workplace bullying on the one hand and organisational commitment and turnover on the other hand. The dominant process may have 3 phases: lowering job satisfaction as emotional reaction to exposure (1) which is translated into lowering organizational commitment (2) and in turn into increasing turnover intentions. Mots clés : Harcèlement psychologique au travail, satisfaction au travail, implication organisationnelle, intention de départ Key words: Bullying, job satisfaction, organizational commitment, intentions to leave 250 Gwénaëlle Poilpot-Rocaboy, Guy Notelaers & Lars Johan Hauge, / ePTO – Volume 17 Introduction Parce que différentes études montrent que le harcèlement psychologique représente une grande menace pour beaucoup de salariés, ce thème a connu un intérêt considérable et croissant dans le monde et est devenu un nouvel objet de recherche en Europe, Australie, Afrique du Sud et Etats-Unis (Einarsen & Nielsen, 2004 ; Zapf & Einarsen, 2003). Selon diverses études, plus de 8% des salariés sont victimes de harcèlement au travail (Nielsen, 2009) et 80 % des lieux de travail seraient concernés par ce risque (Nordic Meeting, 2009). Le harcèlement psychologique au travail, aujourd’hui légalement condamné en France et en Belgique, correspond à toute attitude durable et répétée d’un ou plusieurs membres de l’organisation qui tend à intimider, à dévaloriser ou à isoler un autre de ses membres ayant pour conséquence de le déstabiliser. La déstabilisation de la personne peut résulter de motivations diverses telles que la distraction, le refus d’une différence, la volonté de nuire, la jalousie, le souhait de conquérir ou de garder le pouvoir, le bénéfice de faveurs à caractère sexuel, l’obtention de la démission (Poilpot-Rocaboy, 1998) ou de la maladresse ou de l’incompétence d’un individu. Ainsi, le harcèlement psychologique apparaît comme une situation dans laquelle un individu est exposé sur une longue période à des agissements répétés et non souhaités, de la part de son supérieur hiérarchique ou de son collègue, créant un environnement psychologique de travail déplaisant lié à l’humiliation, la rancœur et la détresse de la victime (Einarsen, Hoel, Zapf & Cooper, 2003). Le harcèlement est un processus dynamique en quatre étapes (Poilpot- Rocaboy, 2006). L’interaction de trois types d’antécédents –la rencontre de deux ou plusieurs individus (caractéristiques de l’agressé et de l’agresseur) dans un contexte de travail donné (caractéristiques de l’organisation)- (étape 1) fait émerger le comportement de harcèlement psychologique (étape 2). Ce comportement génère des réponses diverses, d’une part, des individus (peur ou incompréhension de la situation par l’agressé ; recherche d’aide auprès des collègues, du DRH, des syndicats, du médecin du travail ; plaintes et recours judiciaire ; développement de l’insatisfaction ; désengagement vis-à-vis de l’entreprise ; intention de quitter l’entreprise...), et, d’autre part, de l’organisation (aucune réaction ; recherche d’information pour comprendre la situation ; enquête ; sanction de l’agresseur...) (étape 3). Ces réponses individuelles et organisationnelles au comportement de harcèlement engendrent des conséquences de trois types (étape 4): 1- conséquences individuelles (dégradation de la santé physique et mentale, dégradation de la situation 251 Gwénaëlle Poilpot-Rocaboy, Guy Notelaers & Lars Johan Hauge, / ePTO – Volume 17 financière de l’agressé..) ; 2- conséquences organisationnelles (perte de performance du fait de la non satisfaction de l’agressé et des témoins de la situation de harcèlement, du désengagement et de la non implication de l’agressé et des témoins de la situation de harcèlement, coût lié au départ de salariés et à leur remplacement…) ; 3- conséquences sociétales (coûts générés par la sortie prématurée de salariés ; coût des régimes sociaux (prestations d’assurance maladie, invalidité, prestations de chômage..) ; perte de compétences pour le marché du travail du fait d’inaptitudes au travail de longue durée…). Différents auteurs se sont intéressés à ce processus. Certains tentent de le modéliser d’une manière globale (Ballien, Neyens, De Witte & Decuyper, 2009 ; Bowling & Beehr, 2006 ; Einarsen, 1996 ; Poilpot-Rocaboy 2006 ; Zapf, 1999). D’autres analysent une partie du processus tels que ses déterminants (Hauge, Skogstad & Einarsen, 2007 ; Hodson, Roscigno & Lopez 2006 ; Hoel & Salin 2003 ; Notelaers, De Witte & Einarsen, 2010 ; Zapf & Einarsen 2003) ou ses conséquences sur le stress et le bien-être au travail (Djurkovic, McCormack & Casimir 2004 ; Matthiesen & Einarsen 2004 ; McCarthy, Sheehan, & Kearns 1995 ; McCarthy, Sheehan, Wilkie & Wilkie 1998 ; McCarthy, Rylance, Bennett, Zimmerman 2001) ou sur la performance (Ayoko, Callan & Hartel 2003 ; Hoel, Einarsen & Cooper 2003). D’autres enfin questionnent l’émergence de la notion de harcèlement psychologique au travail (Faulx, 2009) dans les sociétés occidentales depuis une quinzaine d’années. Notre objectif est d’analyser la phase 3 du processus de harcèlement et de nous interroger sur les réponses individuelles face à un comportement de harcèlement psychologique : Quelles réponses la personne, exposée au harcèlement psychologique, développe-t-elle dans l’organisation ? Nous souhaitons ici analyser trois types de réponses en distinguant la satisfaction au travail que nous qualifions de réponse de nature émotionnelle1 et celles de nature comportementale telle que l’intention de départ de l’entreprise ou l’implication au travail. Sur la base de travaux précédents, un modèle théorique est proposé. 1 La satisfaction se définit comme le contentement, le plaisir qui résulte de l’accomplissement de ce qu’on attend, de ce qu’on désire (Larousse) 252 Gwénaëlle Poilpot-Rocaboy, Guy Notelaers & Lars Johan Hauge, / ePTO – Volume 17 1. Hypothèses de la recherche et modèle conceptuel 1.1. Hypothèses de la recherche Notre première hypothèse est l’existence d’un impact direct de l’exposition à des agissements de harcèlement psychologique sur la satisfaction au travail. Locke (1976) définit la satisfaction au travail comme « un état émotionnel positif ou plaisant résultant de l’évaluation faite par une personne de son travail ou de ses expériences de travail ». Elle est ainsi une réponse affective et émotionnelle d’une personne face à une situation de travail qui résulte de l’adéquation entre ce que la personne désire (ses attentes) et ce qu’elle retire de son travail. Hulin et Judge (2003) dans leur revue de littérature sur la satisfaction au travail confirment cette dimension émotionnelle et définissent le concept comme « …des réponses émotionnelles multidimensionnelles à un travail. Ces réponses ont des composantes cognitives, affectives et comportementales. La satisfaction se réfère à des états cognitifs et affectifs internes… » (p.255-256). Notre hypothèse est qu’une situation de harcèlement est subie par l’individu qui en est la cible. De ce fait, une telle expérience génère un état émotionnel négatif et donc de l’insatisfaction au travail. Pour aller dans ce sens, Quine (1999), Bowling et Beehr (2006) mettent en exergue un lien de corrélation négatif entre le harcèlement psychologique et la satisfaction au travail. Djurkovic, McCormack et Casimir (2004) montrent de même que le harcèlement psychologique développe des affects négatifs au travail. Hypothèse 1 : L’exposition à des comportements de harcèlement psychologique est négativement corrélée à la satisfaction au travail de la personne exposée Notre seconde hypothèse est celle de l’existence d’un impact de l’exposition à des agissements de harcèlement psychologique sur l’implication organisationnelle. Dans un premier temps, un impact direct est attendu. Mowday, Porter et Steers (1982) dénombrent une trentaine de définitions de l’implication organisationnelle et la caractérisent par une forte croyance dans les buts et les valeurs de l’organisation, par une volonté d’exercer uploads/Management/ exposition-au-harcelement-psychologique.pdf

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  • Publié le Apv 27, 2022
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