OR 02 : Fiche de lecture : M.Bénabès-Moreaux (22 04 03) Le manager au quotidien

OR 02 : Fiche de lecture : M.Bénabès-Moreaux (22 04 03) Le manager au quotidien, les 10 rôles du cadre Henry Mintzberg, Ed d’Organisation, 2002 I) La genèse du texte : conception, « enjeux initiaux », objectif(s) Le Manager au quotidien est un livre dédié par son auteur à ses deux enfants, rédigé dans un lieu d’écart qu’il intitule lui-même « la cabane près du lac », précédé d’un Avant- propos , d’une Préface et d’une Introduction, trois textes liminaires donc, dont les fonctions sont spécifiques dans l’équilibre général du livre, et fortement articulé à trois enjeux différents : a) une question d’enfance « enfouie dans ma mémoire pendant quelques dix-neuf années de scolarité, dans lesquelles je compte deux années d’un programme de maîtrise de gestion et la première année d’un programme de doctorat dans la même matière» dit l’auteur, issue de l’observation par un garçon de six ans de l’activité de son père qui présidait une petite entreprise : « Apparemment, mon père restait assis dans son bureau, signait une lettre de temps en temps, et parlait. De cette vieille interrogation est née la question : que font les cadres ? » b) La recherche ancienne d’un sujet de thèse, (années 68) qui, à la lumière des constats du même enfant devenu jeune adulte, a réveillé cette interrogation :« Je fus certain de ce que serait mon sujet de thèse le jour où j’assistai à une conférence sur l’impact de l’ordinateur sur le travail du cadre. J’y fus témoin de la frustration des penseurs les plus importants du domaine : ils étaient tous bloqués parce qu’ils ignoraient ce qu’est le travail du cadre dirigeant .» c) Le projet d’écriture du livre dont il est question ici, postérieur à cette thèse, (1ère édition en 1973) bien que relié à elle, destiné à « avoir un impact sur les cadres en activité » et plus largement sur un public diversifié… Un objectif principal est formulé par la Préface: il s’agit de travailler à la formalisation d’une absence, de faire sortir de l’ombre et du non-décrit, donc de l’inconnu, tout un volant d’activités, de fonctionnalités, d’échanges et de motivations, en un mot une identité et une pratique professionnelles (peut-être un « métier » ?) : le « travail des cadres »… : L’Avant-propos, qui ouvre la dernière édition, fixe le sens de la démarche de Mintzberg : « La nature du travail du cadre a été écrit pour nous permettre de connaître la réalité telle qu’elle est. Ceci demeure son objectif ». Plus secrètement, le livre traite un objectif second et « voilé », en tous cas non revendiqué comme tel : les questions de« l’individu Mintzberg », et qu’il désigne explicitement comme ayant motivé son parcours intellectuel et professionnel. Dans cet entremêlement se joue la construction d’un texte et d’une écriture, qui va bien au-delà du projet scientifique, et qui rapatrie l’ intime dans l’histoire professionnelle… 2/ Un tel « mélange des genres » est si peu commun dans la littérature de gestion, qu’il mérite d’être souligné : il donne à ce livre une tonalité particulière, autorise les transgressions théoriques, les approches multiples et empiriques, et pose la question de la coupure « identité professionnelle/ identité personnelle », toujours implicitement considérée comme allant de soi lorsqu’il est question d’activités professionnelles. Cette question traversera en filigrane tout le texte. Dans la part de l’« informel » par exemple, ou celle de l’«intuition » tels que les évoque Mintzberg, lorsqu’il parle de la communication verbale, de la décision ou de la pratique de l’information , qui tiennent une si grande part dans le travail des cadres, quelque chose se formule de l’ordre d’une identité très personnelle dans la pratique de chacun, qui entre en combinatoire avec les exigences de la fonction, .. Pour conduire une analyse de tels processus il faudrait sans doute faire intervenir des outils issus d’autres corpus scientifiques tels que la psychologie du travail, la sociologie, la psychosociologie , ou les sciences du langage, traditionnellement très éloignés des approches classiques des sciences de gestion… Enfin, il faut dire un mot du titre français « Le Manager au quotidien, Les 10 rôles du cadre », qui « tire » le livre vers un chemin de lecture de type « mode d’emploi pour cadre performant » que le titre anglais originel avait su éviter ; le piège disparaît dès l’ouverture du texte, mais il importe de signaler ce biais. II: Mintzberg et la « démarche scientifique » : Analyse de l’Introduction L’ Introduction, qui est aussi le chapitre1, définit la méthode de travail pour traiter la question principale : « que font les cadres ? ». Pour le savoir, dit Mintzberg, il faut disposer d’observations, de résultats d’expériences, en un mot disposer d’un corpus validé ; d’où le recours aux résultats d’études empiriques et d’observations portant sur toutes sortes d’aspects concrets de la question tels que « l’étude des agendas de cadres supérieurs et de cadres moyens, l’observation détaillée de chefs de bandes de jeunes, d’administrateurs d’hôpitaux et de responsables de production… » (p.18) ; la spécificité de l’approche de Mintzberg réside dans la double caractéristique suivante: elle s’apparente à la recherche expérimentale par l’aller et retour constant entre observation de la réalité déductions et interprétations, et son objet d’étude consiste en l’examen d’ un porte- feuille d’activités dans les organisations , celui du cadre, qui, selon une démarche plus traditionnelle, relèverait des sciences humaines et sociales. L’ objet manipulé en laboratoire tel qu’habituellement associé à la recherche expérimentale est évidemment loin… « l’objectif est de développer une description de poste qui a un sens pour ceux qui croient qu’on peut approcher la gestion comme une science » (p.17). 3/ La question posée ouvre la confrontation avec les plus importantes des doctrines antérieures en sciences de gestion, de Fayol aux auteurs les plus récents, déjà porteuses de cette question à leur manière, et les renvoie très vite à la même absence de réponse satisfaisante, et ce pour les raisons suivantes: • il existe, dans la littérature de gestion, un ensemble de représentations théoriques , de type « le cadre planifie, organise, motive, dirige et contrôle » (Fayol et ses héritiers) . Elles disent cependant très peu de la réalité du travail des cadres, du temps occupé, des pratiques et savoir-faire, de l’«habitus » diraient les sociologues… Par ailleurs, elles ne sont pas expérimentalement confirmées, ce qui dans la logique de Mintzberg, est un discriminant majeur ; • pour les cadres, comme pour tous, et peut-être un peu plus encore, il existe un écart significatif entre « travail prescrit », « travail réel », et « représentation du travail/ discours sur le travail », entre représentation du « rôle » et « rôle effectif » etc…La réalité est dans cet écart ; elle est donc à reconstruire scientifiquement, par l’observation, par le croisement des descriptions et par l’organisation des discours … ; Le double transfert méthodologique opéré par Mintzberg, qui constitue les études empiriques, l’observation, les récits d’expérience en « fondements scientifiques » et réintroduit « les Humanités » dans les « sciences de gestion », sous la forme notamment de l’ « intuition », constitue un apport méthodologique majeur : il permet la formulation, en préalable, et sans autre forme de procès, d’une sorte d’ armature de l’activité qualifiée de « nouvelle image du travail du cadre », soit, en substance, les observations suivantes: 1) Le travail est remarquablement semblable d’un cadre à l’autre ; 2) Les différences qui existent entre cadres peuvent être décrites pour une grande part à l’aide des caractéristiques et des rôles qui leur sont communs ; 3) Une bonne partie de l’activité est difficile et non programmée, mais est en fait reliée au rôle d’encadrement ; 4) Le cadre est à la fois généraliste et spécialiste ; dans sa propre organisation il est généraliste, mais comme cadre il est spécialiste ; 5) La plus grande partie du travail du cadre vient de son information et la plus grande partie de cette information est verbale, donc difficile à déléguer ; 6) Le risque majeur que court le cadre est la superficialité (activités caractérisées par la brièveté, la variété et la fragmentation) ; 7) Il n’y a pas de science dans le cadre du cadre ; les cadres travaillent avec de l’information verbale et de l’intuition ; 8) La cadre est dans une sorte de « cercle vicieux » entre pression de l’entreprise, superficialité, non-formalisme et information verbale qui rendent la délégation difficile ; 9) Le spécialiste de gestion peut aider à briser ce cercle vicieux, à condition de mieux comprendre le travail du cadre; 10) Le travail du cadre est d’une complexité extraordinaire, bien plus forte que ne le suggère la littérature traditionnelle sur le sujet. 4/ Cette première dizaine d’items répond à une série de questions (cf p.17), qui relèvent de l’analyse de pratiques professionnelles en situation telle qu’opérée par les travaux divers d’observation et de description reconnus comme pertinents par l’auteur ; l’ensemble du livre va uploads/Management/ fiche-de-lecture 48 .pdf

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  • Publié le Aoû 31, 2021
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