Gestion de projet et innovation Sylvain Lenfle, Christophe Midler To cite this v

Gestion de projet et innovation Sylvain Lenfle, Christophe Midler To cite this version: Sylvain Lenfle, Christophe Midler. Gestion de projet et innovation. L’encyclop´ edie de l’innovation, Economica, pp.49-69, 2003. <hal-00263271> HAL Id: hal-00263271 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00263271 Submitted on 11 Mar 2008 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destin´ ee au d´ epˆ ot et ` a la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publi´ es ou non, ´ emanant des ´ etablissements d’enseignement et de recherche fran¸ cais ou ´ etrangers, des laboratoires publics ou priv´ es. Management de projet et innovation Sylvain Lenfle & Christophe Midler Publié dans l’encyclopédie de l’innovation, Ph. Mustar & H. Penan (eds), Economica, Paris, 2003. 1. Introduction Depuis la fin des années 80, la place prise par les stratégies de différenciation dans les économies occidentales est à l’origine de mutations importantes de l’organisation de la conception de produits nouveaux dans les entreprises. Ces évolutions ont donné naissance à un important courant de recherche qui a mis en évidence l’importance du mode de management des projets dans la performance de conception des firmes (Clark & Fujimoto, 1991, Midler, 1993). L’organisation par projet apparaît en effet comme la forme organisationnelle privilégiée du développement de produits, services ou procédés innovants. Quant on aborde un tel sujet, la première difficulté à résoudre est celle de la polysémie des termes employés, les mots « projets » et « innovation » étant aujourd’hui utilisés pour décrire des réalités très diverses. Dans sa démarche de normalisation l’AFITEP-AFNOR (1992) défini un projet comme « une démarche spécifique qui permet de structurer méthodiquement et progressivement une réalité à venir » et ajoute « qu’un projet est défini est mis en œuvre pour répondre au besoin d’un client (…) et implique des besoins à entreprendre avec des ressources données ». Pour caractériser plus précisément la nature de l’activité projet, Declerk, Debourse et Navarre (1983) l’opposent aux « opérations » routinières de l’entreprise tandis que Midler (1996) en retient 6 caractéristiques : • Une démarche finalisée par un but et fortement contrainte. Un projet se défini d’abord par l’objectif à atteindre, décliné en terme de performance, de délai et de coût, et disparaît avec sa réalisation ; • Une prise en compte de la singularité de la situation. L’atteinte des objectifs assignés au projet suppose d’intégrer sa singularité ce qui remet le plus souvent en cause les modes de fonctionnement des acteurs métiers de l’entreprise ; • Une affaire de communication et d’intégration de différentes logiques. La logique des projets suppose, à l’opposé des principes taylorien de division du travail, la combinaison des expertises des différentes acteurs (recherche, marketing, production…) de la définition de la cible, jusqu’à la mise sur le marché du produit. L’organisation de la coopération entre les acteurs est alors un point clé de l’efficacité du projet. • Un processus d’apprentissage dans l’incertitude. Un projet est, par essence, une activité risquée. Il faut s’engager dans le projet pour savoir s’il ira jusqu’à son terme et où ce terme se situera exactement. Les acteurs découvrent chemin-faisant 2 problèmes et solutions selon une logique décrite par Schön comme une « conversation avec la situation » qui répond aux acteurs, les surprend et les oblige à lancer de nouveaux apprentissages. • Une convergence dans une temporalité irréversible. Contrairement à l’horizon des métiers, celui des projets est clairement borné par une fin annoncée ex-ante. Entre le début et la fin du projet se déploie un processus d’apprentissage que Midler (1993) décrit comme une dynamique irréversible où l’on passe d’une situation on l’on ne sait rien mais où tout est possible, à une autre où, au contraire, le niveau de connaissance a atteint son maximum mais où toutes les marges de manœuvre ont été utilisées. Dynamique de la situation projet (Midler, 1993) Déroulement du projet Capacité d’action sur le projet Niveau de connaissances sur le projet • Un espace ouvert et fluctuant. Il n’est pas possible de définir a priori les frontières du projet qui mobilise différents métiers dans l’entreprise mais également différentes entreprises (un constructeurs automobile et ses fournisseurs, par exemple). Ces 6 caractéristiques permettent de circonscrire le terme de projet. Elles montrent également pourquoi cette forme organisationnelle est particulièrement adaptée au développement d’une innovation que nous définirons ici de manière assez large comme « any idea, practice or material artifact perceived to be new by the relevant unit of adoption » (Zaltman & al., 1973)1. Comme l’ont montré de nombreuses recherches (citons, parmi une littérature abondante, Akrich & al, 1988 ; Van de Ven & al, 1999) on retrouve dans le développement d’une innovation l’affirmation d’un but singulier, la nécessité de fédérer des expertises diverses dans et hors de l’organisation, un processus d’apprentissage pour répondre aux surprises qui ne manquent pas de survenir, etc. 1 La question de la définition de l’innovation fera sûrement l’objet d’autres articles ⇒ insérer un renvoi ici. 3 C’est cette convergence a priori que nous nous proposons d’analyser. Pour ce faire nous montrerons comment et pourquoi le management de projet s’est développé dans les entreprises. Après avoir présenté le « modèle standard » et son développement, nous exposerons les principes de l’ingénierie concourante. La dernière partie étudiera les implications pour ce dernier modèle du passage à une compétition par « l’innovation intensive » (Chapel, 1997). 2. Les deux traditions de la gestion de projet Une histoire de la gestion de projet impliquerait de remonter à la réalisation de grands travaux dans l’antiquité égyptienne ou chinoise, de tracer l’émergence de la notion d’ingénieur, de la renaissance à la société préindustrielle (XVII-XVIIIème) et industrielle. Nous ne nous intéresserons ici qu’aux développements récents qui correspondent au développement d’un savoir gestionnaire sur ce mode de coordination spécifique qu’est le projet. On distingue deux influences managériales différentes : l’ingénierie anglo-saxonne des grands programmes d’abord, les projets de développements de nouveaux produits dans l’industrie manufacturière ensuite. 2.1. La formalisation du « modèle standard » pour les grands projets d’ingénierie C’est aux Etats-Unis que la gestion de projet va se formaliser en corps de doctrine autonome à l’occasion des grands programmes militaires ou spatiaux, et des grands travaux de développement des années 60, sous l’impulsion des milieux professionnels américains réunis au sein du Project Management Institute (PMI, 1996). Ce « modèle standard » de l’ingénierie des grands projets unitaire comporte une dimension organisationnelle et une dimension instrumentale. Sur le plan organisationnel, il définit un cadre de responsabilité fondé sur le triptyque maître d’ouvrage, maître d’œuvre et responsable de lot : • le maître d’ouvrage est la propriétaire de l’ouvrage futur. Il a la responsabilité de la définition des objectifs (dans les termes de l’ingénierie, il définit le programme ou le cahier des charges) ; • le maître d’œuvre assume deux rôles : - un rôle d’architecte, d’ensemblier : il prend la responsabilité des choix de conception globaux, il décompose en lots de travaux, - un rôle de coordination de la réalisation de l’ouvrage : organisation des appels d’offre sur les lots, choix des contractants, planification, suivi et contrôle de la réalisation des lots. • Les responsables de lots assurent la réalisation des tâches élémentaires de l’ensemble et le modèle peut fonctionner, pour les grands projets, de manière emboîtée : chaque lot pouvant être considéré en cascade comme un sous-projet. 4 Sur le plan des méthodes, le « modèle standard » de l’ingénierie réunit une gamme d’outils visant à la décomposition du projet, sa planification et la contrôle des coûts (Giard, 1991). Sur le plan de la régulation économique ce modèle se fonde sur une dissociation claire entre le maître d’ouvrage, qui assume le risque d’exploitation de l’ouvrage, et le maître d’œuvre, qui assume le risque de réalisation. La coordination entre les différents intervenants s’opère donc dans le cadre de marchés : le maître d’ouvrage lance un appel d’offre pour retenir un maître d’œuvre, à partir du cahier des charges qu’il a défini, ce dernier procédant de même pour les responsable de lots. La coordination entre les acteurs se fait donc ici par l’intermédiaire de contrats définis ex- ante. Ce modèle va s’affirmer dans l’ingénierie des grands projets unitaires jusqu’à la fin des années 70, qui marque le début d’une crise grave pour le secteur. Plusieurs facteurs ont conjugué leurs effets : l’appauvrissement des pays en développement et le tarissement des rentes pétrolières ont entraîné une réduction drastique des marchés de grands projets internationaux, au moment même où de nouveaux compétiteurs extrême orientaux venaient concurrencer les firmes d’ingénierie occidentales autrefois protégées par leur savoir-faire technique. Le monde des grands projets devient alors plus risqué, plus exigeant, plus contraint par une logique d’efficacité et de rentabilité, là où dominait le volontarisme politique. Trois limites du « modèle standard » vont alors apparaître : 1) les limites de la coupure maître d’œuvre / maître d’ouvrage qui suppose qu’il uploads/Management/ gestion-de-risque-projet.pdf

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  • Publié le Mar 13, 2022
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