Gino Gramaccia/Elizabeth Gardère 1 / 10 DE L’ACTUALITE DES METAREGLES EN MANAGE
Gino Gramaccia/Elizabeth Gardère 1 / 10 DE L’ACTUALITE DES METAREGLES EN MANAGEMENT DE PROJET Gramaccia, Gino Professeur Université Bordeaux 1 Tél. : 05 56 84 58 20 – E-mail : gino.gramaccia@iut.u-bordeaux1.fr Gardère, Elizabeth Maître de Conférences Université Bordeaux 1 Tél. : 05 56 84 58 20 – E-mail : elizabeth.gardere@iut.u-bordeaux1.fr Mots clés : Métarègle RESUME François Jolivet a introduit la notion de métarègle pour désigner, dans le management des projets, le principe de la plus grande responsabilité possible laissée à l’équipe projet, notamment dans le choix des personnes, des méthodes, des fournisseurs et de la forme organisationnelle la plus appropriée. Ce principe, dit de subsidiarité, fait la part belle à ce que l’auteur appelle des facteurs soft : l’autonomie, le leadership, la confiance, la réactivité, l’initiative, l’adhésion aux objectifs du projet… Si, aujourd’hui, la preuve est faite de l’efficacité de ce principe, il reste que, dans certains secteurs ou types d’entreprise, il ne peut être transposé de manière mécanique, globale et indifférenciée. Nous nous efforçons de montrer, dans cette étude, l’actualité, la pertinence et parfois les difficultés de mise en œuvre du modèle de management par les métarègles ou de modèles similaires. Gino Gramaccia/Elizabeth Gardère 2 / 10 INTRODUCTION La notion de métarègle a été élaborée chez Spie-Batignolles par François Jolivet au début des années 80 [Jolivet et Navarre, 1993 ; Jolivet, 2003] pour le management de grands projets (entre 50 et 1000 millions de dollars) caractérisés par des environnements instables, des délais de réalisations très courts, une forte interdépendance des techniques. L’analyse des facteurs de succès communs de plus de 100 projets a permis de dégager un nombre restreint de directives générales pour l’action. Le « Petit livre vert » de chez Spie se résume à 17 métarègles portant sur le découpage des responsabilités, le processus de développement du projet, une gestion de projet intégrée et proactive, un choix de méthodologies appropriées, une grande sensibilité aux facteurs humains. Le management par les métarègles a des implications très fortes en termes de rationalisation des activités puisqu’il s’agit de prévoir, du moins dans certaines industries, des modes de régulation qui permettent de conjuguer, dans des processus transversaux, des styles de délégation et de contrôle parfois contradictoires. La question se pose alors de l’autonomie réelle des acteurs individuels dans de tels dispositifs. Nous souhaiterions analyser, dans cette courte étude, les difficultés de mise en œuvre de métarègles dans des secteurs de l’industrie où les principes d’autorégulation, d’autonomie « balisée », d’autocontrôle sont à l’origine d’un certain paradoxe. Au principe d’autonomie, dit de subsidiarité [Jolivet, 2003] s’ajoute une très grande vigilance communicationnelle qui s’exprime en termes de transparence, d’accès immédiat aux informations critiques, de vitesse de transmission des mauvaises nouvelles, le tout contraignant chaque acteur à développer des capacités d’anticipation analytique dans des processus de changement techniques et organisationnels constamment déstabilisés par des événements extérieurs (marché) et intérieurs (pannes, défauts qualité, erreurs de conception…)1. 1. HYPOTHESE DE BASE : L’HYPERTELIE DES SYSTEMES Le contrôle d’un processus de changement ou d’innovation repose sur la maîtrise d’un événement irréductible : l’ajustement d’un système, quelle que soit sa taille ou sa fonction, à son environnement d’intégration ou méta-système. La notion susceptible de rendre compte d’une telle opération est à coup sûr celle proposée en son temps par le philosophe de la technique Gilbert Simondon, à savoir l’hypertélie. Emprunté à la Biologie, l’hypertélie est définie comme l’excroissance exagérée de certains organes susceptibles de provoquer une gêne. Les défenses de mammouth sont un exemple devenu classique d’hypertélie. Transposée à l’univers des objets techniques, cette notion peut expliquer les effets d’excroissance fonctionnelle propres à certaines machines, ou encore de cette quête infinie d’utilité motivée par l’hypothèse que se font les spécialistes du marketing des capacités du marché à absorber ces effets d’excroissance. Gilbert Simondon utilise l’expression en un sens négatif. Il dit que « l’évolution des objets techniques manifeste des phénomènes d’hypertélie qui donnent à chaque objet technique une spécialisation exagérée et le désadaptent par rapport à un changement même léger survenant dans des 1 Chatzis, C. (1999). De l’autonomie par l’indépendance à l’autonomie dans l’interaction. In L’autonomie dans les organisations : quoi de neuf ? Paris : L’Harmattan, p. 35. Gino Gramaccia/Elizabeth Gardère 3 / 10 conditions d’utilisation ou de fabrication »2. En somme, l’introduction d’une méthode de production nouvelle, la découverte d’une niche commerciale, l’exploitation d’une nouvelle matière première, les formes multiples qu’emprunte toute tentative d’adaptation d’un système technique ou organisationnel à un environnement spécifique sont des processus d’innovation présentant des risques d’hypertélie. En revanche, Simondon parle volontiers de progrès lorsque les objets techniques sont libres dans leur évolution et ne sont pas, par conséquent, entraînés dans une hypertélie fatale. Un nouvel organe ne se maintient que s’il réalise une convergence systématique et plurifonctionnelle avec d’autres organes. L’organe est la condition de lui-même. Dit comme cela, les relations fonctionnelles qu’entretiennent les objets entre eux sont susceptibles de produire un environnement « techno-géographique » qui constitue, après coup, la justification de cet objet. Appliquée aux organisations, cette notion serait pertinente pour rendre compte des impasses logiques qui résultent d’antagonismes ou de conflits susceptibles d’entraîner l’échec d’un projet ou, au pire, la mort de l’entreprise en dépit des efforts d’analyse préventive des risques. Nous parlerons d’hypertélie à propos d’analyse organisationnelle lorsque deux processus (au moins) entrent en conflit sur des critères de durée et de coûts : associée à la notion d’hyperfonction, qui impose à l’entreprise de fortes contraintes de flexibilité, l’hypertélie est un facteur de risque de désarticulation, de « non-jointure », dans les processus d’intégration technologique. D’où les risques de conflits logiques ou d’aporie entre les logiques espérées d’hyper fonction et les effets négatifs de l’hypertélie : il y a aporie lorsque l’hypertélie inhibe la résolution des problèmes liés à l’hyperfonction, sachant que cette impossibilité est toujours liée à des impératifs de temps et de coûts. Dans une étude plus vaste, il nous faudrait démontrer que, dans notre modernité, seule une population d’experts, parce qu’ils sont armés d’une compétence spécifique (caractérisée par une obsolescence rapide) est à même de résoudre sur le terrain les problèmes liés à l’hypertélie d’ordre technique ou organisationnel. En bref, une hypertélie non résolue explique, à un moment donné de la vie d’un système, ce qu’il est convenu d’appeler communément la complexité. En revanche, l’organisation classique, dite fonctionnelle, est moins sujette aux difficultés liées à l’hypertélie dans la mesure où elle est globalement déterminée par des opérations ou des processus répétitifs, objectivables et plus aisément contrôlables. L’émergence de risques hypertéliques expliquerait alors qu’on délègue sur le terrain des opérations des experts globalement contrôlés par des métarègles. D’où, corollairement, la disparition constatée de collectifs ouvriers définis seulement sur des critères professionnels au profit de « missionnaires » experts individuels recrutés et mandatés sur des critères de compétences pluridisciplinaires (ils conjuguent une compétence d’ingénierie, un savoir-faire gestionnaire et des qualités d’engagement, de réactivité et de loyauté). 2. LES CAS ETUDIES : THALES SYSTEMES AEROPORTES ET UPSA Nous appuierons nos réflexions sur deux enquêtes réalisées dans deux grandes entreprises implantées dans le Sud-Ouest de la France : Thalès Systèmes Aéroportés et UPSA (Groupe (Groupe Bristol-Myers Squibb). Le management de ces entreprises est aujourd’hui conforme aux normes Qualité ISO 9001. 2 SIMONDON, Gilbert, Du mode d’existence des objets techniques, Paris, Aubier, 1989, p. 50. Gino Gramaccia/Elizabeth Gardère 4 / 10 2.1. Thalès Systèmes Aéroportés (TSA) TSA est né en 2000 de la fusion de Dassault Electronique et de Thomson CSF. Les activités du Groupe Thalès portent, entre autres, sur la conception et la fabrication d’équipements électroniques embarqués (radars) destinés aux avions militaires tels que le Mirage 2000 ou le Rafale dans des domaines technologiques très diversifiés : l’hydraulique, l’aérolique, l’électronique analogique et numérique, de puissance, les calculateurs, la mécanique de précision. Chez Thalès – et ceci est particulièrement vrai du domaine de l’armement –, le management est sensible à la difficulté de concilier les objectifs qualité (et de façon générale, l’équilibre des facteurs déterminants : coûts, délais, technique) et les contraintes hypertéliques liées à la complexité d’intégration de sous-systèmes sur la durée de vie du système complet (le radar, par exemple). Il s’ensuit des modes de rationalisation, parfois difficilement compatibles compte tenu des conflits de durée intervenant entre les processus de gestion de la qualité et les processus techniques de développement et d’intégration. On sait que le cycle de vie d’un radar est long : la séquence de développement est estimée à dix ans, suivie d’environ cinq ans de production pour la mise en série du produit, et le cycle se poursuit encore par le traitement des obsolescences garanti de quinze à trente ans selon le produit afin d’assurer le maintien des conditions opérationnelles (MCO) du radar, ce qui suppose une production de stocks suffisants pour pérenniser le produit sur la durée initialement définie. Quels sont les éléments en opposition susceptibles d’entraver le raisonnement stratégique et donc de former une contradiction ? D’un côté, la logique incrémentale de l’innovation technologique (apparition d’une nouvelle famille de composants, amélioration fonctionnelle d’un logiciel…) impose des rythmes d’obsolescence toujours plus rapides uploads/Management/commgramaccia-amp-gardere.pdf
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- Publié le Fev 16, 2022
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