Extrait de la publication Extrait de la publication L'espace du rêve mf NOUVELL
Extrait de la publication Extrait de la publication L'espace du rêve mf NOUVELLE REVUE DE PSYCHANALYSE Numéro 5, printemps 1972 0 Éditions Gallimard, 1972. SOMMAIRE 1 Jean Starobinski La vision de la dormeuse. 9 Sarane Alexandrian Le rêve dans le surréalisme. 27 Roger Lewinter Pans de mur jaune. 51 II Alexander Grinstein Un rêve de Freud Les trois Parques. 57 Didier Anzieu Étude littérale d'un rêve de Freud. 83 Ella Sharpe Mécanismes du rêve et procédés poétiques. 101 Howard Shevrin Condensation et métaphore. Ils Serge Viderman Comme en un miroir, obscurément. 131 III André Green De l'Esquisse à L'Interprétation des rêves coupure et clôture. 155 André Bourguignon Fonctions du rêve. 181 Otto Isakower Contribution à la psychopathologie des phénomènes associés à l'endormissement. 197 Bertram D. Lewin Le sommeil, la bouche et l'écran du rêve. 211 Pierre Fédida L'hypocondrie du rêve. 225 Roger Dadoun Les ombilics du rêve. 239 IV J.-B. Pontalis La pénétration du rêve. 257 Guy Rosolato Désirer ou/où rêver. 273 M. Masud R. Khan La capacité de rêver. 283 J.-C. Lavie Parler à l'analyste. 287 Extrait de la publication Extrait de la publication Le titre de l'article qui ouvre ce recueil comme de celui qui le clôt se trouvent, après coup, préciser notre intention n'est-ce pas entre La vision de la dormeuse et le Parler à l'analyste que se déploie l'espace du rêve tel que la psychanalyse le découvre et s'y aventure ? « Les hommes rêvaient bien avant qu'il n'existât une psychanalyse. » C'est. Freud qui nous engage à ne pas oublier cette évidence. Avant d'être objet d'interprétation, le rêve est expérience subjective; corps avant d'être langage. Même si nous connaissons les mécanismes de sa poétique, il reste poésie. En distinguant quatre sections, avec ce que pareille répartition offre d'arbi- traire, nous n'avons pas cherché à imposer un ordre logique ou chronologique mais à proposer une modulation, parmi d'autres, de l'espace de lecture mise en partition plutôt que mise en pages. Enfin l'entrecroisement des textes sollicités manifeste, pour nous, en relisant l'ensemble n'est pas l'effet d'un parti pris, d'une thèse préconçue. S'il arrive qu'ils se répondent l'un à l'autre, c'est précisément comme, en analyse, un rêve sait répondre à un autre rêve pour le prolonger, ou pour le contredire. Extrait de la publication Extrait de la publication Extrait de la publication Extrait de la publication Extrait de la publication Fussli, Le Cauchemar. Photo Hinz (Ziolo). Extrait de la publication Jean Starobinski LA VISION DE LA DORMEUSE Füssli écrit au début de l'un de ses Aphorismes 1 « One of the most unexplored regions of art are dreams, and what may be called the personification of sentiment. » C'est la seule déclaration sur le rêve que l'on ait trouvée dans les écrits de Füssli. Du moins a-t-elle le mérite d'être précise, fût-elle destinée non à justifier l'activité de Füssli, mais à signaler la valeur d'une gravure célèbre, La Carcasse 2. L'on pense aussitôt au Cauchemar (The Nightmare, 1782 3), la plus fameuse des peintures de Füssli peinture d'un rêve d'angoisse; peinture qui signale instantanément son thème onirique, puisqu'elle inclut la rêveuse et son rêve. Nous la voyons dormir, et nous voyons en même temps ce qu'elle « voit» dans son sommeil. Le peintre s'attri- bue, littéralement, le don de double vue. Les images de dormeuses et de dormeurs ne sont pas rares dans la peinture, ni les scènes fantastiques qu'on peut croire inspirées par les rêves. Mais il est beaucoup moins fréquent de voir représentés le dormeur et ses visions 4. Le procédé peut passer pour une complète objectivation tout est montré, tout est rendu visible. Il équivaut 1. Aphorisme 231, cité par F. Antal, Fuseli Studies, Londres, 1956, p. ni. 2. Gravure attribuée à Raphaël, mais due en réalité à Jules Romain et gravée par Agostino Veneziano. 3. Il en a peint plusieurs versions. Celle que nous publions et commentons est conservée au Goethe Museum de Francfort-sur-le-Main. Dimensions H. 0,76; L. 0,63. 4. F. Antal signale que Füssli possédait une gravure de Giorgio Ghisi, Le Rêve de Raphaël, ainsi qu'une gravure d'après Le Rêve de Michel-Ange, où dormeurs et visions sont représentés. On sait que le thème sera repris par Goya. On ne doit pas oublier que le rococo a cultivé une certaine catégorie de gravures et de tableaux de genre libertins, où la dormeuse, entièrement dévêtue, est environnée d'angelots malicieux (tandis que survient furtivement, parfois, un larron qui saura exploiter l'instant propice). On connaît l'air Lison dormait, sur lequel Mozart composera des variations pour le clavier. Dans Le Feu aux poudres, de Fragonard (musée du Louvre), l'un des putti qui épient la dormeuse pousse un brandon à l'endroit opportun ce tableau, par sa sensualité directe, par sa mythologie ludique, par ses tons heureux de rose et de chair, contraste autant qu'il est possible avec la froideur lunaire, les gris bleutés, l'effroi sérieux, le climat de culpabilité et de punition qui prévalent chez Füssli. Extrait de la publication L'ESPACE DU RÊVE à la narration du rêve d'un autre, narration qui donne nom et forme, conjointement, à l'individu et à ce qu'il a plus ou moins confusément éprouvé. Le rêve en tierce personne est ainsi fixé, déposé sur la surface de la toile. Mais, si l'art du peintre est assez efficace, le sentiment d'objectivation vacille ce n'est plus seulement le portrait d'un autre endormi, doublé de l'image de ses rêves. C'est de surcroît un rêve du peintre, où apparaît une personne endormie et l'effroi qui la hante, spectacle porteur de menace et de plaisir pour l'artiste et pour quiconque ose entrer dans le tableau. Le rêve se déplace en nous, fait de nous son foyer primitif. Un pareil déplacement, dans le cas du Cauchemar de Füssli, n'est pas sans conséquence le sujet qui rêve est assurément la jeune femme, et le tableau se laisse d'abord lire comme une matérialisation de l'angoisse masochiste de la dormeuse. Mais dès que nous admettons que le rêveur est aussi le peintre, et, avec lui, nous- mêmes devenus ses complices, comment méconnaître le sadisme profond du traitement infligé à la figure féminine? La question qui rêve? est donc importante, dans son indécision même. Le sens du tableau oscille de la sorte entre avoir peur et faire peur, entre la vision épouvantée et le voyeurisme qui s'attache au spectacle de la dormeuse tourmentée. Nous voyons commencer, avec Füssli, une époque de l'art où les figures représentées (l'anecdote) renvoient impérieusement à la conscience singulière de l'ar- tiste. La dramaturgie tracée sur la toile est, selon l'expression de Füssli, une « personni- fication du sentiment » (sadique) du peintre, par l'intermédiaire de la « personnifica- tion du sentiment» (masochiste) de l'héroïne. Tout prend-il uniquement sa source dans le sentiment? On conçoit parfaitement une lecture du Cauchemar qui chercherait appui non sur l'imagination ou le « senti- ment » supposés de Füssli, mais sur ce que la tradition littéraire et médicale dit du cauchemar. La culture classique de Füssli (qui avait fait des études complètes de théologie) était excellente il lisait le grec et le latin dans le texte. Ses dessins d'après Homère portent souvent, en souscription, la citation du passage inspirateur. Et les vers de l'Iliade ou de l'Odyssée n'apparaissent pas seulement dans les œuvres d'après Homère. Un singulier dessin de 18101 représente deux femmes nues, à demi étendues sur un lit. L'une d'elles, au fond, sommeille. L'autre, au premier plan, se soulève sur son bras gauche et porte la main droite à sa poitrine, comme pour se délivrer d'une oppression le visage exprime la souffrance. Par la fenêtre ouverte, l'on voit fuir au galop dans les airs un cavalier fantastique, qui se penche pour fouetter sa monture. Le cauchemar vient de disparaître. Au bas du dessin, on lit, de la main de Füssli, le vers 496 du Xe chant de l'Iliade àaQ\ia.iwaay xaxèv yàp ëvap xscpaXyjffiv ènéarri. Le texte est sans rapport direct avec les figures représentées, mais décrit l'événement éprouvé la respiration agonisante, la présence du mauvais songe au-dessus de la tête. Or le cheval et le cavalier, que nous voyons à l'instant de leur disparition, ne les retrou- i. Paul Ganz, Die Zeichnungen Hans Heinrich Füsslis. Olten, 1947. Illustr., n° 84, Der Alp. Zurich, Kunsthaus, Inv. Nr. 1914-1926. Extrait de la publication LA VISION DE LA DORMEUSE vons-nous pas, cette fois de face, dans Le Cauchemar? Et ne sont-ils pas (indépendam- ment de la réminiscence homérique) l'image même de tout ce que la tradition raconte sur l'incube, l'éphialtès, l'Alp germanique, le Nightmare anglais ? Ils sont parfaitement conformes à ce qu'en dit la légende. Le « cauchemar » est une créature surnaturelle, mâle ou femelle, qui presse de toutes ses forces sur la poitrine du dormeur, parfois jusqu'à l'étouffer 1. Les formes qu'on lui a attribuées sont innombrables chat, singe, oiseau, démon 2. Le tableau de Füssli a connu des dessins préparatoires et des versions différentes l'incube y change d'aspect, mais toujours dans les limites accordées par l'énoncé des diverses légendes. Quant au cheval, tout l'annonce dans la tradition qui veut que le uploads/Management/ l-x27-hypocondrie-du-reve 1 .pdf
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- Publié le Mai 27, 2022
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