Chapitre 1 - La communication des organisations Définition, enjeux et métiers I

Chapitre 1 - La communication des organisations Définition, enjeux et métiers I - Concepts, définitions De nombreux termes sont employés pour évoquer un même type d’activité. Au début de cet ouvrage il importe de clarifier certains concepts, notamment ceux de communication d’entreprise, de relations publiques ou de marketing. Il convient en tout premier lieu de s’interroger sur ce vocable de « communication ». A - La communication introuvable Dans le « Que Sais-je ? » consacré à la communication, Lucien Sfez écrivait : « On ne parle jamais autant de communication que dans une société qui ne sait plus communiquer avec elle-même. »1 Il est vrai que le mot de communication fait figure de concept passe-partout, de terme polysémique pour désigner des réalités multiples. On évoquera les voies de communication pour désigner les autoroutes ou chemins de fer, les techniques de communication pour parler de téléphonie ou d’application informatique et plus globalement de Communication pour faire référence aux relations interpersonnelles. La communication semble souffrir de quatre difficultés : 1 - Une vision mécaniste La communication repose largement sur les travaux des cybernéticiens, au premier rang desquels s’impose la figure de l’auteur de Cybernétique et société, paru en 1949 aux Etats- Unis : Norbert Wiener. Mathématicien d’origine, Wiener définissait la cybernétique comme étant « la science du contrôle et des communications ». Les travaux de l’époque sont généralement fortement influencés par une vision de la communication comme un flux d’informations entre un émetteur et un récepteur. émetteur récepteur 1 : Lucien Sfez, La communication, PUF, « Que sais-je ? », 1991, p.4 A B Développée par Claude Shannon et Waren Weaver dans un ouvrage paru également en 1949, The Mathetical theory of communication, cette vision fut présentée autour de cinq éléments : · la source de l’information · le transmetteur · le canal de transmission de l’information · le récepteur · le destinataire de l’information. La plupart des chercheurs à l’origine de ces modèles étaient employés dans des compagnies de téléphone, et la Bell Téléphone fut à l’avant-garde des recherches alors publiées dans le journal de l’entreprise. Ils ajoutèrent la notion de bruit parasite pouvant perturber la qualité du message, ce que fait visualiser le schéma ci-dessous : canal de diffusion récepteur bruit parasite Ce schéma, bien que mécaniste, avait le grand mérite d’amener la réflexion sur la dégradation du message lors de sa transmission ce que résume l’approche psycholinguistique : · ce que je pense · ce que je veux dire · ce que je dis · ce que le récepteur entend · ce que le récepteur comprend · ce que le récepteur retient. Cette vision de la communication est encore très présente en entreprise où le langage est souvent conçu de manière balistique. On parle des cibles de communication qui seraient les destinataires uniques des messages et il est fréquent de constater les propos de certains dirigeants étonnés que la presse ait fortement interprété, voire déformé les propos émis par le service communication. L’héritage majeur de cette école est le Origine de l’information émetteur destinataire schéma des 5 W proposé par Harold Lasswell. Concepteur de ce qu’on appelle « le paradigme des effets », H. Lasswell croyait en l’intentionnalité de toute communication et développa un modèle qui sert autant de grille d’analyse que d’embryon de tout plan de communication : Who, What, Whom, What channel, When. Cette formule « qui dit quoi, à qui, quand et comment » laisse peu de place à l’écoute et à l’interactivité. L’émetteur serait actif et le récepteur passif, nous sommes dans un unilatéralisme de communication, une approche purement linéaire. 2 - Une approche quantitative La vision quantitative de la communication repose sur une définition de celle-ci en termes de flux. Elle est à la base de nombreuses stratégies de communication où l’objectif principal est conçu sur la base de la notoriété, il faut être vu, il faut être présent, il faut diffuser ses messages. Cela fut longtemps le credo de nombreuses publicités basées sur les effets de répétition : « Du bon, du bon, Dubonnet », mais reste largement présent autant dans les publicités actuelles (cf Orange) que dans un certain type d’approches autour des réseaux Internet selon lequel diffuser plus d’informations et si possible le plus rapidement possible permet de mieux communiquer et donc, au final, de mieux nous comprendre. Dans cette approche, « communiquez plus » signifie également de réduire au maximum les bruits parasites pouvant gêner la quantité et la qualité de l’information diffusée. C’est la raison pour laquelle les deux maîtres mots de la modernité en communication sont « transparence » et « réactivité ». Pour que la communication de votre organisation soit de qualité, vous devez être réactif et votre organisation transparente. Nous sommes ici dans une vision utopique de la communication2, ce qui importe est de maintenir le plus ouvert possible les canaux de transmission de la communication. Le contenu n’est ici pas en cause, puisque, selon toute hypothèse (dans cette théorie), la communication est la solution. Communiquons plus, soyons transparents et nous serons plus heureux. Cette vision est pourtant largement réductrice et amplement répandue, alors 2 : l’expression est de Philippe Breton, L’utopie de la communication, La Découverte, 1992 que, comme le rappelle justement Dominique Wolton : « La transparence ne dispense pas plus des conflits, et l’information ne suffit pas à créer de la connaissance »3. 3 - L’approche balistique Fortement corrélée à la précédente, l’approche holistique considère la communication selon une vision globale qui s’imposerait en dehors de tout contexte. Il est important de bien s’apercevoir que le terme de « communication » nécessite toujours un objet. Le verbe est soit transitif « On communique quelque chose à quelqu’un » soit intransitif « On communique avec quelqu’un ». Or, progressivement le terme s’est imposé sans adjonction d’objet, comme si le fait-même de communiquer pouvait exister en soi. Chacun pourra faire le test. Il suffit de se rendre le soir à la sortie de n’importe quel type de bureaux ou d’usines et d’interroger les salariés sur les problèmes rencontrés dans leur organisation. Trois fois sur quatre en moyenne, la première réaction sera d’accuser le manque de communication : « On ne communique pas assez » et cela sous ses différentes variantes que peuvent être le cloisonnement des services, la rétention d’informations par les petits chefs ou à l‘inverse la surcharge d’informations liée aux messageries électroniques. La communication est toujours l’accusée idéale de tous les dysfonctionnements structurels de l’entreprise, elle serait la solution ultime. Et comme souvent il est plus facile d’actionner la communication que de s’attaquer à un problème structurel, la solution apparaît rapidement : « Il faut communiquer ». Et ceci est valable quel que soit le type de problème : le climat social se dégrade dans le pays, le gouvernement décrétera : « il faut communiquer », vous avez un problème avec votre petit(e) ami(e), alors pas de doute, vous devez « communiquer ». Contre cette croyance en la communication comme recours unique, il importe de comprendre la communication de manière moins globale. Anne Bartoli avait clairement exprimé le problème posé : « On ne saurait améliorer dans l’absolu cette insaisissable communication », pas plus que ne s’obtient ex nihilo la fameuse « motivation du personnel. Pour l’une comme pour l’autre, c’est un raisonnement relatif et temporel qui s’impose : on communique pour ou sur ... on est motivé pour ou sur ... Toute 3 : Dominique Wolton, Penser la communication, Flammarion, 1997, p. 53 autre ambition globale n'est-elle pas une gageure pure et simple ?"4 C’est là un point fondamental : toute communication ne peut se comprendre qu’en fonction d’un contexte, d’un enjeu particulier, d’un objectif, d’une relation avec le destinataire du message. Toute croyance en une communication globale risque au mieux l’inefficacité, au pire de sérieuses difficultés. 4 - L’approche technique Il s’agit de la dérive la plus fréquente en communication d’entreprise et elle constitue une sorte de point d’aboutissement des dérives précédentes. Appelée également « dérive instrumentale », elle consiste à utiliser un outil de communication avec la croyance que celui-ci réussira à résoudre le problème de communication. Le schéma est alors simple : détection d’un problème croyance en la communication comme solution création d’une action de communication Le dirigeant d’une entreprise sentira la démotivation de ses salariés, il demandera au responsable de communication de créer un nouveau journal interne, il sentira la défiance de ses actionnaires alors il repensera le site web de l’entreprise, il voudra marquer son territoire face à la concurrence alors il élaborera une nouvelle plaquette de présentation. Le jeu des pouvoirs en entreprise oblige parfois à accepter certains compromis et il est parfois difficile au chargé de communication -surtout s’il est nouvellement recruté- de s’opposer à un dirigeant qui souhaiterait voir le nom de son entreprise sur les affiches de sa ville et son stand à la foire commerciale. C’est pourtant toujours en s’interrogeant d’abord sur les objectifs, les cibles et les messages que la communication prend toute son efficacité. La réflexion sur les outils uploads/Management/ la-communication-des-organisations.pdf

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  • Publié le Mar 02, 2021
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