Personnel & Gestion • N°10 • Novembre 2004 • Page 2 Dossier - Extrait de Person

Personnel & Gestion • N°10 • Novembre 2004 • Page 2 Dossier - Extrait de Personnel & gestion, Kluwer Le management des connaissances : une révolution pour la GRH ? Jocelyne Robert Professeur de Ressources humaines, Unité de Management, HEC.Liège La « gestion des connaissances » devient aujourd’hui un élément de plus en plus essentiel de la gestion des entreprises. Cette importance est liée à l’ environnement de l’entreprise, à son évolution socio-économique et aux transformations organisationnelles. La fin des certitudes Depuis un certain temps déjà, nous vivons la fin des certitudes. D’un point de vue déterministe, nous pouvons souligner l’existence de changements socio- économiques de plus en plus nombreux, d’une concurrence de plus en plus rude, d’une exigence d’adaptation des entreprises de plus en plus rapide face aux hauts et bas des marchés, l’existence également de nouvelles technologies de l’information. D’un autre point de vue, les attitudes et les comportements se sont modifiés . L’ouverture sur d’autres cultures, une demande de qualité de vie au travail, d’éthique et de reconnaissance, le souci d’en savoir toujours plus et de plus en plus vite, le souhait de services et produits davantage personnalisés, n’en sont que quelques exemples. Ceux qui savent anticiper, prendre les bonnes décisions et réagir rapidement détiennent un avantage stratégique essentiel. Parallèlement, les théories du management évoluent. Elles mettent elles aussi davantage en évidence l’importance de la gestion des connaissances et des savoirs de l’entreprise, considérant qu’il s’agit là d’un enjeu stratégique. Cet enjeu est d’autant plus important aujourd’hui que la situation se révèle paradoxale. En effet, malgré l’augmentation du nombre de connaissances et la vitesse de plus en plus rapide de circulation de ces connaissances à travers le monde, il semble i de plus en plus difficile de fixer des objectifs à long terme et de prévoir les résultats de l’entreprise. Dans un environnement hautement concurrentiel, toute innovation permettant d’accroître les résultats est la bienvenue. Dans ce cadre, la gestion des ressources immatérielles retient toute l’attention des responsables. La gestion des connaissances se trouve alors associée aux transformations organisationnelles permettant la mise en place de l’apprentissage organisationnel, de l’organisation apprenante ou encore de l’organisation qualifiante. Après avoir défini ces différentes formes d’organisa- tions nous préciserons les différents modes de transmission du savoir ainsi que les différents processus d’apprentissage qui leur sont associés. Au- delà des différences, parfois plus apparentes que réelles, entre les différentes formes d’organisation présentées, un certain nombre d’éléments caractérisent aujourd’hui ce qu’il est communément admis d’appeler les nouveaux modes de management. Nous verrons que la gestion de l’apprentissage sous ses différentes formes y tient une place importante mais aussi que la gestion des ressources humaines joue un rôle fondamental. Nous avons voulu préciser les difficultés qu’impliquent de tels modes de gestion tout en sélectionnant les éléments qui nous semblent présenter un enjeu particulier pour la GRH. Un enjeu stratégique L’enjeu se révèle stratégique et la « gestion des connaissances » permet la définition d’ une nouvelle conception de la stratégie. S’il s’agissait précédemment d’identifier dans l’environnement des opportunités et d’organiser les activités de l’entreprise afin de rencontrer ces opportunités, il est devient aujourd’hui nécessaire de considérer l’entreprise comme « un portefeuille de savoirs différent de celui de toutes les autres entreprises ». Ce changement permet de renouveler « la conception … de la stratégie » (Tarondeau, p.5). En effet, il est important maintenant de définir à l’interne les savoirs qui vont apporter des avantages stratégiques, il est dès lors utile d’envisager « les processus d’apprentissage et de mémorisation ». A ce niveau, la mise en évidence des savoirs tacites devient essentielle. Dès lors, il faut préserver, voire accroître, le rôle de ceux qui jouent « un rôle clé dans l’acquisition, la mise en commun et la restauration de Extrait de Personnel & gestion, Kluwer - Dossier Personnel & Gestion • N°10 • Novembre 2004 • Page 3 ces savoirs » La représentation de la situation qu’ils avancent doit être prise en compte lors de la définition des actions à mettre en oeuvre (Ibidem, p. 55). Les connaissances tacites Parmi les «connaissances tacites», nous distinguerons les «connaissances de contexte» et les «connaissances pratiques» (Reix, 199)5. Les «connaissances de contexte» représentent «un ensemble de valeurs et de normes implicites, plus ou moins largement partagées». Les éléments non exprimés par le langage constituent une forme de «connaissance partagée» par un groupe ou par l'ensemble de l'organisation. Ils se réfèrent à la culture, au «système de croyances, de perceptions, d'évaluations». Ces connaissances permettent, par référence à des traditions, de constituer «des répertoires d'actions communs à plusieurs acteurs, débouchant parfois sur des comportements stéréotypés, routiniers» (Reix, 1995, p.18). C’est ainsi nous semble-t-il que l’exigence d’innovation, de rigueur ou de convivialité, la qualité des relations avec les clients internes et externes, le respect de l’éthique et celui des valeurs fondatrices, ne sont que quelques exemples parmi d’autres de normes qui, lorsqu’elles ne sont pas explicites, peuvent être associées à des « connaissances de contexte ». Les «connaissances pratiques» correspondent aux savoir-faire échappant aux discours. On peut ainsi évoquer tout ce qui donne à un travail le petit plus qui le distingue d’un autre à priori semblable, ce qui caractérise une identité professionnelle spécifique, associée à un tour de main, à des manières de faire, ou encore ce qui définit l’expérience de chacun dans l’entreprise. Les «routines», d'ordre collectif, sont des «séquences répétitives de comportements acquis impliquant plusieurs acteurs en communication au sein d'une communauté de pratique » (Ibidem). La répétition des mêmes comportements s'explique par « un processus, relativement automatique et de manière inarticulée, de stockage dans la mémoire procédurale des comportements des individus impliqués dans une routine organisationnelle ». Instaurer des routines permet d’implanter des changements trop souvent perçus comme urgents et imposés par les responsables. Les « connaissances tacites » sont intrinsèquement liées à celui qui les met en oeuvre et non à une explicitation formalisée. La transmission s'opère par imitation et expérimentation. Savoir comment réagir rapidement face à un conflit, connaître les mots et les comportements qui permettront de mettre les choses au point lors d’ un entretien de fonctionnement, percevoir que des objectifs annoncés ne sont pas ceux qui sont réellement recherchés, tous ces savoirs peuvent sans doute donné lieu à des formations mais ils sont surtout liés à des situations spécifiques, à des mises en situations, à une expérience particulière. Maîtriser ces savoirs représente un plus pour l’entreprise. Mettre en évidence ces savoirs demande une observation minutieuse, de longs entretiens et une auto-analyse de la part de celui qui les détient. Question de terminologie… La « gestion des connaissances » permet de souligner l’importance pour l’entreprise des « pensées, idées, intuitions, pratiques, expériences » (Prax, p.17). La gestion des connaissances renvoie irrémédiablement à « l’apprentissage organisationnel » défini comme « un phénomène collectif d’acquisition et d’élaboration de compétences qui, plus ou moins profondément, plus ou moins durablement, modifie la gestion des situations et les situations elles-mêmes » (Koenig, 1994, p.78). Peter Senge définit l' « organisation apprenante » comme étant composée de groupes d'individus cherchant à augmenter leurs possibilités de créer ce qu'ils souhaitent (P.Senge, 1991, p.42) . Ce serait plutôt les petits groupes, voire des individus, qui seraient susceptibles de créer des organisations apprenantes. Ces petits groupes s'impliquent dans quelque chose qui dépasse leur propre intérêt personnel, aident leurs collaborateurs comme des amis le feraient, « disent la vérité ». Ils sont en recherche permanente, souhaitant accroître leur savoir et, conclut Senge, chacun peut apprendre continuellement. Certains considèrent cependant l’« organisation apprenante » comme un processus « top-down » initié par le sommet (Plane, p.80), comme le résultat de la mise en place d’outils de gestion tel la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Cette organisation reste alors « prescrite et stabilisée » . Proche des notions précédentes, la notion d’ « organisation qualifiante » est associée à une démarche émergente issue des situations de travail, démarche où les compétences de chacun sont mises en œuvre, où l’apprentissage se construit à partir notamment des incidents et aléas associés aux situations de travail. L’autonomie et la responsabilisation des acteurs sont importantes dans ce type d’organisation. De même, le rôle de coordination assumé par les cadres, celui d’explicitation, notamment de la stratégie, se révèle fondamental (Ibidem). Les enjeux poursuivis permettent de montrer, selon nous, les similitudes entre « organisation qualifiante » et « apprentissage organisationnel » dans la mesure où l’ « organisation qualifiante » (Ibidem) poursuit la Dossier - Extrait de Personnel & gestion, Kluwer Personnel & Gestion • N°10 • Novembre 2004 • Page 4 requalification des acteurs mais aussi l’évolution des structures et le développement de la performance de l’organisation. Comment transmettre le savoir organisationnel ? Transmission du savoir La transmission du savoir devient fondamentale. Nous pouvons évoquer quatre modes de transmission et d'évolution des savoirs dans l'organisation : − des connaissances tacites d'une personne ou d'un groupe sont transmises à d'autres qui détiennent à leur tour ces connaissances tacites et ce par un processus de socialisation; − des connaissances explicites deviennent, par uploads/Management/ le-management-des-connaissances-une-revolution-pour-la-grh-www-cours-gratuit-com-id-7421 1 .pdf

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  • Publié le Jul 14, 2021
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