Le monde selon Amazon E-commerce, cinéma, intelligence artificielle… on ne comp

Le monde selon Amazon E-commerce, cinéma, intelligence artificielle… on ne compte plus les projets de Jeff Bezos, multimilliardaire à la tête d’Amazon. Devenue gigantesque, la multinationale balaie d’un revers de la main les droits fiscaux, sociaux et environnementaux. Elle est pourtant responsable d’un gaspillage énorme de ressources et de terres, en participant à la surconsommation générale. Amazon a construit un système particulièrement efficace d’évasion fiscale et ce n’est pas la taxe GAFA instaurée par le gouvernement français qui va rétablir la situation. Pour décrocher les emplois que leur fait miroiter Amazon, les élu·e·s acceptent toutes les conditions imposées par l’entreprise, tandis qu’à l’intérieur des entrepôts surdimensionnés, les salarié·e·s triment à des cadences infernales. Comment contrer l’appétit du géant de la vente en ligne ? C’est tout l’enjeu des résistances locales déjà en cours et de la campagne que nous lançons avec nos partenaires. numéro 119 octobre 2019 dossier lignes d’attac 119 2 Le monde selon Amazon octobre 2019 En effet, comme nous l’avons montré dans une note1 Ama- zon n’est pas en reste pour échapper à l’impôt et n’a rien à envier à ses compères Google, Apple, Facebook et Microsoft. Nous estimons qu’Amazon dissimule 58 % de son chiffre d’affaires effectivement réalisé en France. Elle minimise ses bénéfices en refacturant des services à sa maison-mère luxembourgeoise, une technique couramment employée par les entreprises multinationales pour réduire leurs impôts. Amazon fait partie des champions de l’évasion fiscale. Cela semble même relever de l’obsession chez Jeff Bezos, qui n’est pas devenu l’homme le plus riche de la planète sans quelques arrangements avec les législations. Depuis l’ori- gine, il a organisé son groupe de telle sorte qu’il est très difficile de chiffrer l’étendue réelle de son activité pays par pays. En Europe, Amazon utilise une filiale luxembourgeoise. Elle a en effet signé en 2003 avec le Luxembourg un accord fiscal qui lui permet d’évaporer l’essentiel de ses bénéfices. Une taxe Gafa bien insuffisante Le principe est bien connu des multinationales voulant échapper à l’impôt, c’est la technique dite des prix de trans- fert : Amazon Europe paie des droits de propriété intellec- tuelle (pour avoir le droit d’utiliser les logiciels ou la marque) à une autre société puis, via celle-ci, les profits réalisés en Europe partent aux États-Unis, dans l’État du Delaware, paradis fiscal bien connu. De même, quand une PME paie pour vendre via la market- place d’Amazon, les services et les frais de livraison lui sont facturés depuis une autre filiale luxembourgeoise, Amazon Services Europe. Idem pour le service de paie- ments Amazon Pay et les téléchargements de musique ou de jeux vidéo, facturés par la filiale Amazon Media EU. Amazon illustre parfaitement le constat qu’aujourd’hui les multinationales ont atteint un niveau de pouvoir disproportionné et dangereux. En matière de droits humains et sociaux, de préservation des écosystèmes ou d’évasion fiscale, elles semblent avoir gagné la bataille face à des États complaisants ou trop faibles pour s’opposer à leur pouvoir et à leurs armées de lobbyistes. Elles disposent de capitalisations boursières dépas- sant le PIB de nombreux pays, leurs dirigeant·e·s et leurs actionnaires profitent de toutes les opportunités qui leurs sont offertes pour accroître leurs avoirs au détriment du reste de l’humanité et de la planète. Elles se retrouvent ainsi en situation de force pour influen- cer la fabrique des lois ou pour trouver des failles afin de contourner les dispositions qui leur déplaisent. Elles sont les grandes gagnantes du libre-échange qui leur permet de mettre les pays en concurrence pour peser lourdement sur les normes sociales, fiscales et écologiques. La France dans le viseur d’Amazon Pourquoi s’inquiéter d’Amazon particulièrement, parmi toutes ces multinationales ? La firme de Jeff Bezos se trouve en position dominante sur le secteur de la vente en ligne avec plus de 10 milliards de produits vendus dans le monde chaque année. Non content de cette situation, le milliardaire développe d’autres branches d’activités : médias, cinéma, intelligence artificielle, projets spatiaux. En outre, la France est clairement dans le viseur d’Amazon. Si le géant américain est déjà leader des plateformes de e-commerce en France, en particulier pour les ventes de textile, produits culturels et électro- niques, encore peu d’objets de fabrication française transitent par ses entrepôts. En effet, selon les chiffres d’Eurostat, les ventes en lignes concernaient seule- ment 16 % des PME et TPE françaises en 2015. Ce qui explique l’appétit croissant d’Amazon pour la France (voir carte page 5). À chaque installation, les différents gouvernements se sont réjouis de l’arrivée d’Amazon en France, sans s’interroger sur les conséquences de son activité, que ce soit pour l’environnement ou les petits commerces. Le seul combat revendiqué par le ministère de l’Écono- mie concerne l’évasion fiscale massive que pratique Amazon. Amazon, multinationale tentaculaire experte en évasion fiscale © Michael Tellmann, Attac dossier lignes d’attac 119 3 Le monde selon Amazon octobre 2019 Rapports déséquilibrés avec ses fournisseurs En réalité, Amazon se sait suffisamment indispensable pour ses client·e·s qu’elle peut se permettre cette modification unilatérale des tarifs. Cette pratique est assez révélatrice du comportement d’une firme tentaculaire envers ses four- nisseurs. Autour de 10 000 petites et moyennes entreprises françaises écoulent leurs marchandises par la plateforme de e-commerce. Syndrome d’une multinationale habituée à dicter sa loi, elle a été condamnée en septembre dernier par la France à une amende de 4 millions d’euros pour clauses abusives envers ses fournisseurs. En effet, Amazon impose un rapport désé- quilibré avec ses vendeuses et vendeurs et ces clauses abusives peuvent même parfois pousser certain·e·s ven- deuses et vendeurs à la faillite. Dans les faits, Amazon peut changer les contrats quand bon lui semble et imposer aux vendeuses et vendeurs, du jour au lendemain, des délais de livraison plus courts ; elle impose au fournisseur d’avancer immédiatement les frais en cas de problème de livraison, de colis abîmé ou de délais non tenus ; elle se donne le droit de suspendre le contrat des vendeuses et vendeurs à tout moment, par exemple en cas d’avis négatif d’un·e client·e. En mars dernier, la firme refusait de signer la charte de bonne conduite avec les PME françaises que proposait le gouvernement. Mais la possibilité d’accéder à un marché de 28 millions de visiteur·euse·s uniques par mois demeure trop alléchante pour les vendeuses et vendeurs, qui acceptent les conditions du géant américain. Lutter pour mettre Amazon hors d’état de nuire Au final, il apparaît urgent que des mesures soient prises pour mettre les multinationales comme Amazon hors d’état de nuire. Dans un premier temps, il est indispensable qu’elle paye sa juste part d’impôts en France, dans des proportions au moins aussi élevées que les PME auxquelles elle fixe des clauses abusives. Nous avons estimé les impôts qu’aurait dû payer Amazon en France, si les pouvoirs publics avaient la volonté politique d’instaurer une taxation unitaire des multinationales2 : au lieu de 12,8 millions d’euros d’impôt sur les sociétés, ce sont 21,9 millions d’euros qu’Amazon aurait dû régler en 2017 . A. L. et Raphaël Pradeau 1  https://france.attac.org/nos-publications/notes-et-rapports/article/ la-taxe-gafa-une-fausse-solution-a-l-evasion-fiscale 2  https://france.attac.org/nos-publications/notes-et-rapports/article/ la-taxation-unitaire-pour-lutter-contre-l-evasion-fiscale-des- multinationales Pratique pour faire apparaître artificiellement ses revenus au Luxembourg plutôt qu’en France ! Attac a également montré que la taxe GAFA, instaurée à grand renfort de communication par le gouvernement français, ne réglerait en rien ce problème, puisqu’elle est symbolique et ne concerne qu’une partie de l’acti- vité de ces entreprises. Ainsi, nous avons estimé que seulement 21 % de l’activité d’Amazon en France ren- trerait dans l’assiette de calcul de la taxe GAFA. Ce n’est donc certainement pas avec une taxe à 3 % sur une partie de leur chiffre d’affaires que les multina- tionales comme Amazon seront imposées “comme tout le monde” ni ne paieront leur “juste part d’impôts” . Pour- tant, ce montant symbolique n’a pas empêché Amazon d’essayer de ne pas supporter cette taxe. En juillet, la France a définitivement adopté la taxe GAFA. Moins de trois semaines après, Amazon décide de la répercuter sur les tarifs appliqués aux vendeuses et vendeurs de sa plate-forme : à partir du 1er octobre, Amazon appliquera à tous une hausse de 3 %, corres- pondant au montant de la taxe sur son chiffre d’af- faires prévue par la nouvelle loi. C’est la première des entreprises visées par la taxe à faire ce choix. Amazon justifie sa décision en assurant n’être “pas en mesure” d’absorber ce nouvel impôt. C’est une vaste blague, surtout quand on sait que la firme de Jeff Bezos a enregistré dans le monde en 2018 un chiffre d’affaires de 205 milliards d’euros et un bénéfice de 8,8 milliards d’euros, en hausse de 237 % en un an ! dossier lignes d’attac 119 4 Le monde selon Amazon octobre 2019 Plongée au cœur d’un entrepôt Extrait du livre de Jean-Baptiste Malet, En Amazonie. Infil- tré dans le “meilleur des mondes”, Fayard/Pluriel, édition revue et augmentée (avril 2019). Jean-Baptiste Malet est journaliste, lauréat du prix Albert- Londres pour L’Empire de l’or rouge (Fayard, 2017). « Pour les intérimaires, les choses sont simples. Nous sommes plus d’un millier à avoir été recrutés à uploads/Management/ le-monde-selon-amazon 1 .pdf

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  • Publié le Dec 13, 2021
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