Delignières, D. (2008). La fixation de but. In D. Delignières, Psychologie du S

Delignières, D. (2008). La fixation de but. In D. Delignières, Psychologie du Sport (pp. 33-51). Paris : PUF. CHAPITRE VI LA FIXATION DE BUT Le goal setting, ou fixation de buts, puise ses origines dans le monde du travail, au début du siècle. Ce n'est cependant que vers les années 60 que des modèles théoriques vont être avancés pour en expliquer le fonctionnement. Les premières recherches ont été menées dans les domaines organisationnels et industriels. Depuis peu les psychologues du sport s'intéressent à ces techniques pour l'optimisation de la performance et la gestion de l'entraînement. Locke et Latham (1985)1 ont identifié quatre mécanismes par lesquels le goal- setting affecte la performance: l'assignation de buts permettrait (1) d'orienter l'attention des sujets vers les aspects pertinents de la tâche, (2) de mobiliser l'effort des sujets, (3) d'inscrire cet investissement dans la durée, c'est-à-dire d'accroître la persévérance des sujets, et (4) de favoriser la construction de stratégies inédites de résolution. On peut noter en premier lieu que si les trois premiers processus invoqués sont de nature motivationnelle, le troisième est de nature cognitive. Cependant cette analyse de Locke et Latham renvoie davantage à un constat descriptif, qu'à une véritable explication des processus par lesquels la fixation de but permet une amélioration des performances. Par exemple le fait d'observer que la fixation de but entraîne de manière corrélative une amélioration de la performance et un accroissement de la persévérance ne permet ni d'invoquer un lien causal entre les deux observations, ni a fortiori de définir le sens de cette causalité. Il semble donc nécessaire de passer d'une approche descriptive à une approche interprétative. 4.1. Intérêt de la fixation d'un but. L'intérêt de la fixation du but est en général prouvée en comparant les performances de sujets qui réalisent une tâche en poursuivant des buts précis, avec celles de sujets à qui on n'assigne aucun but particulier (ce qui ne veut pas dire que ces sujets ne s'en assignent pas eux-mêmes, de manière spontanée). Certains travaux ont clairement montré que des sujets auxquels ont assignaient des buts obtenaient de meilleures performances (voir par exemple Boyce & Wayda, 19942). Un certain nombre d'observations ont été réalisées tendant à montrer que l'amélioration des performances 1 Locke, E.A. & Latham, G.P. (1985). The application of goal setting to sports. Journal of Sport Psychology, 7, 205-222. 2 Boyce, B.A. & Wayda, V.K. (1994). The effects of assigned and self-set goals on task performance. Journal of Sport & Exercise Psychology, 16, 258-269. est lié d'une part à un accroissement et à une meilleure focalisation de l'effort, et à une meilleure adaptation des stratégies. Une fonction principale des buts est de canaliser l'attention des sujets vers les dimensions pertinentes de la tâche. D'une manière générale les sujets auxquels on assigne des buts précis se concentrent sur la tâche, évitent de se laisser distraire par les stimuli environnementaux non pertinents. De plus, les consignes de buts sont un moyen privilégié pour orienter l'activité des sujets vers les variables pertinentes de la situation. Divers travaux ont montré que l'assignation de buts de forme (reproduire telle ou telle forme de geste) dans le cadre d'une activité de nature topocinétique (dans la quelle le but est par nature centré sur les rapports avec l'environnement), pouvait entraîner une confusion chez le sujet, qui ne sait plus quelles variables il doit privilégier. Cette remarque est d'un intérêt didactique évident: si la problématique du goal setting repose principalement sur une approche quantitative, intensive du comportement, la fixation de but est également un moyen pour diriger le comportement du sujet dans l'espace de la tâche. Sur un versant plus quantitatif, les buts mobilisent et régularisent la quantité d'effort que le sujet investi dans la tâche, et accroissent la persévérance, l'effort étant fourni jusqu'à réalisation du but ou du sous-but. D’une manière générale, le sujet persiste dans ses efforts tant qu'il perçoit une dissonance entre l'objectif qu'il s'est fixé et des résultats actuels. La fixation de but va donc permettre d'installer et de structurer cette dissonance. Néanmoins le sujet ne persiste que dans la mesure où il entrevoit une possibilité de combler ce décalage. Ceci pose divers problèmes, relatifs à la difficulté du but (c'est- à-dire à son adaptation aux ressources actuelles du sujet), ou à sa proximité dans le temps. Ces deux dimensions, qui seront examinées plus bas, renvoient de manière quantitative à l'ampleur du décalage. Il est important également que le sujet ait la conviction que les facteurs susceptibles d'affecter ce décalage sont sous son contrôle: si le sujet perçoit son échec actuel comme lié à un déficit d'habileté ou à un manque d'effort, facteurs susceptibles d'être contrôlés par lui et améliorés, il persévérera en direction du but. Par contre, s'il a l'impression que cet échec est lié à des facteurs stables (comme une aptitude ou une caractéristique morphologique) ou à des facteurs externes en dehors de son contrôle (la chance, les décisions de l'arbitre, la force des adversaires), il aura tendance à se détourner de la tâche. Un autre facteur susceptible de moduler l'efficacité des buts est leur expression publique. Il semble que les buts affichés publiquement soient plus efficaces, ceci étant lié au rôle de la pression sociale qui pousse à la réalisation des expectations annoncées. On a ainsi montré que buts publics accroissent davantage que les buts privés la persévérance dans la tâche. 4.2. Difficulté des buts et performance. D'une manière générale, on décrit une relation monotone croissante entre la difficulté du but et la performance: plus on assigne des exigences élevées à un sujet, meilleure est sa performance. Il faut ici clairement distinguer difficulté de la tâche et difficulté du but. La difficulté de la tâche renvoie aux caractéristiques objectives de la situation, c'est-à-dire un ensemble de contraintes qui vont affecter la marge de liberté d'action du sujet. La difficulté du but définit, pour un niveau de difficulté de la tâche donné, un standard de performance. Par exemple, dans une tâche de temps de réaction, la difficulté de la tâche peut être représentée par le nombre d'éventualités auxquels le sujet est confronté: cette difficulté est mesurée en terme de quantité moyenne d'information à traiter à chaque essai. La difficulté du but peut correspondre à un taux d'erreur maximum accepté (la variable dépendante est alors la vitesse), ou encore à une vitesse de réponse minimale (la variable dépendante est alors le taux d'erreur). Certaines expériences ont tenté de faire varier de manière indépendante ces deux dimensions. D'une manière générale, difficulté du but et difficulté de la tâche affectent toutes deux la performance, mais en sens inverse: à difficulté de la tâche constante, les buts difficiles conduisent à une meilleure performance que les buts faciles. Par contre, à difficulté de but constante, la performance est moins élevée dans les tâches difficiles que dans les tâches faciles. D’une manière générale, les effets de la fixation de but semblent importants quand la tâche est facile, mais plus faible si la tâche est complexe. L'explication la plus fréquemment avancée suppose que pour les tâches simples, l'accroissement de l'effort débouche plus ou moins directement sur une amélioration de la performance. Le processus est moins direct en ce qui concerne les tâches complexes: le sujet doit dans un premier temps élaborer un nouveau plan, développer des stratégies plus efficaces, avant qu'une amélioration de la performance puisse apparaître. Cet effet qui a été premièrement mis en évidence dans le cadre industriel a été confirmé par Burton (1989)3, dans une expérience sur le basket, qui montre que l'utilisation de buts spécifiques quantitatifs, plutôt que de buts généraux, est une stratégie efficace lorsque la tâche est peu complexe, mais relativement inefficace avec des tâches de haute complexité. Les tâches de complexité moyennes donnent des résultats intermédiaires. Dans cette logique, il ne faut pas s'attendre, avec des tâches sportives complexes, à obtenir un effet de la fixation de but avant un certain temps. Le goal setting est une stratégie qui doit s'inscrire dans la durée. L'inconsistance parfois relevée dans les résultats de la littérature sont en partie imputable à de trop courtes durées d'observation. 4.2.1. Difficulté du but et investissement d'effort. L'amélioration des performances, dans les travaux sur le goal-setting, est fréquemment interprétée comme consécutive à un accroissement de l'investissement d'effort. Kukla (1972)4 propose un modèle permettant de rendre compte de la manière dont l'effort consenti par le sujet est modulé par l'estimation qu'il fait de la difficulté de l’objectif qui lui est assigné. L'auteur critique les théories classiques de l'expectation- valence, selon lesquelles le choix d'un comportement donné serait lié à l'analyse des utilités et probabilités de succès associés à chacun des comportements possibles. Dans le cadre de ces théories, utilités et probabilités préexistent à la décision. Or si une telle approche peut avoir quelque validité dans le cas des jeux de hasard, dans la 3 Op. cit. 4 Kukla, A. (1972). Foundations of an attributional theory of performance. Psychological Review, 79, 6, 454- 470. plupart des tâches la probabilité de succès dépend simultanément de l'habileté du sujet et de l'effort qu'il consent à uploads/Management/ locke-and-latham.pdf

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  • Publié le Jul 17, 2022
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