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Copyright © Cahiers de recherche sociologique, 1992 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 16 nov. 2021 03:09 Cahiers de recherche sociologique Jean-François Chanlat (dir.), L’individu dans l’organisation : les dimensions oubliées, Laval, Presses de l’Université Laval, Éditions Eska, 1990, 842 p. Gérard Ouimet Entreprises : approches théoriques et études de cas Numéro 18-19, 1992 URI : https://id.erudit.org/iderudit/1002314ar DOI : https://doi.org/10.7202/1002314ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Département de sociologie - Université du Québec à Montréal ISSN 0831-1048 (imprimé) 1923-5771 (numérique) Découvrir la revue Citer ce compte rendu Ouimet, G. (1992). Compte rendu de [Jean-François Chanlat (dir.), L’individu dans l’organisation : les dimensions oubliées, Laval, Presses de l’Université Laval, Éditions Eska, 1990, 842 p.] Cahiers de recherche sociologique, (18-19), 301–304. https://doi.org/10.7202/1002314ar Cahiers de recherche sociologique, nos 18-19, 1992 Comptes rendus Jean-François Chanlat (dir.), L'individu dans Vorganisation: les dimensions oubliées, Laval, Presses de l'Université Laval, Éditions Eska, 1990,842 p. La facture de cet ouvrage détonne énormément avec le populaire courant de pensée américain de Y Organizational Behavior, Pour faire contrepoids au fonctionnalisme mécaniste de ce courant, Jean-François Chanlat propose une nouvelle conceptualisation à la fois critique et humaniste du rapport entre individu et organisation allant bien au-delà de la conception à l'américaine d'une dynamique aconflictuelle des activités dans l'organisation. Selon cette nouvelle conception, l'organisation ne peut être considérée comme un corps constitué de multiples organes internes, soit en l'occurrence les divers départements, et le fonctionnement de l'entreprise ne peut être conçu comme régi par une régulation d'ordre symbiotique dans laquelle toute action converge vers une concertation synergique. Dans cette conception, l'organisation apparaît davantage comme un lieu tant physique que psychique, où des acteurs autonomes jaugent quotidiennement les différentes possibilités d'action, en fonction de la correspondance de leurs potentialités et des aléas conjoncturels. Les dimensions oubliées ou occultées par l'Organizational Behavior américain définissent l'être humain en tant qu'être: 1) de parole, 2) d'espace et de temps, 3) de désir et de pulsions, 4) d'altérité, 5) de symbole, et 6) de plaisir et de souffrance. La très grande force du livre de Chanlat est de postuler "l'unité de l'être humain" et de mettre en lumière les dimensions humaines constitutives de cette unité. Il s'agit d'une contribution capitale à une compréhension subtile et profonde de la réalité organisationnelle. Ces dimensions précitées sont les attributs d'un être, simultanément générique (unique en tant qu'espèce) et singulier (distinct de tous ses congénères), ne pouvant être adéquatement saisi que dans sa globalité, d'où la nécessité de recourir à de multiples grilles analytiques, ce que fait très bien ce livre mettant à contribution la linguistique, la psychologie, la psychanalyse, la sociologie, l'anthropologie et l'histoire. L'être humain, un être de parole Les textes d'Alain Chanlat et de Renée Bédard (La gestion, une affaire de parole) et de Jacques Girin (Problèmes du language dans les organisations) livrent une conception saisissante de l'activité langagière en tant que condition sine qua non à la constitution même de l'être humain. C'est par la parole que l'être humain 302 Entreprises; approches théoriques et études de cas d'une part établit sa quête identitaire (le parler relationnel) et, d'autre part, transmet à autrui ses savoirs (le dire informationnel). Ces auteurs soulignent, avec des exemples fort à-propos, à quel point la parole est le propre de l'être humain; qu'elle est essentielle à son équilibre psychique de même qu'à son bon fonctionnement au travail; et qu'elle est malheureusement réprimée à tort, au nom de l'efficacité, par bon nombre de dirigeants. Si ces deux textes sont écrits avec un réel souci de clarté et de simplicité conceptuelles, il en va tout autrement de ceux de Richard Déry (De l'information à l'argumentation) et de Pierre Feyereisen et Jacques-Dominique De Lannoy (Langage du corps, gestualité et communication) dont le traitement conceptuel est nettement plus abstrait. Quant au texte d'Anni Borzeix et Danièle Linhart (Les identités en paroles. Entreprises et pratiques langagières), je dois souligner que l'étroitesse de leurs assises théoriques les conduit à un traitement descriptif et peu révélateur concernant la nature des variables causales à la base des manifestations observées. L'être humain, un être spatio-temporel Cette deuxième dimension contient quatre textes portant sur T'encadrement" du travail au sein des organisations. Il s'agit des textes de Gustave-Nicolas Fischer (Espace, identité et organisation), Giovanni Gasparini (Temps et travail en Occident), Emmanuel Kamdem (Temps et travail en Afrique), et John Hassard (Paradigme ethnographique du temps de travail). D'une grande articulation, ils renseignent sur: l'existence des mécanismes d'appropriation de l'espace par les travailleurs; les temps mathématique et social ayant cours en Occident; les systèmes temporels monochrone et polychrone; et le caractère cyclique et qualitatif du temps social. Ils sont d'une très grande richesse conceptuelle et manifestent une indéniable complémentarité entre eux. Ce n'est pas le cas du texte de Jacques Girin (La communication dans une tour de bureaux) qui est peu substantiel tant au niveau de la forme que du contenu et qui se borne à décrire sèchement la transmission de l'information dans une tour de bureaux. Ce texte sans cadre théorique, n'est appuyé que par une timide bibliographie (deux petites références!) et laisse l'analyse à l'état embryonnaire. L'être humain, un être de désir et de pulsions Cette troisième dimension est sûrement celle qui contient les textes les plus complémentaires et, partant, les mieux agencés. Ainsi les textes de Lapierre (Intériorité, gestion et organisation. De la réalité psychique comme fondement de la gestion) de Kets de Vries et Miller (De la confusion dans les rapports entre deux personnes/L'envie, grande oubliée des facteurs de motivation en gestion), de Pauchant (La psychologie du self), et de Sievers (La motivation: une ersatz de significations) permettent au lecteur une appréhension multidimensionnelle des rapports de l'homme au travail. De plus, le grand souci des auteurs à l'endroit de Comptes rendus 303 l'emploi constant de précisions définitionnelles favorise grandement l'élaboration de liens idoines entre les postulats théoriques des différentes approches exploitées. Par contre, le texte de Dufour (Les relations interpersonnelles dans les organisations) traite beaucoup trop succinctement de son objet, bien que les problèmes soulevés par l'auteur soient tout à fait cardinaux. L'être humain, un étranger pour autrui Cette quatrième partie traite des problèmes liés au phénomène de l'altérité (hétérophobie, racisme, sexisme, intégration culturelle à l'étranger et gestion des conflits). Tous les textes de cette section présentent deux grandes qualités analytiques: d'une part leurs cadres de réflexion sont très bien circonscrits et, d'autre part, les notions théoriques sont judicieusement exemplifiées. Toutefois, malgré la force de chacun de ces textes, cette partie du livre présente un déséquilibre thématique non-négligeable — trois des six textes portent sur la situation des femmes sur le marché du travail — ce qui engendre une certaine redondance au niveau des préoccupations soulevées. Concernant les autres textes, il importe de souligner que l'analyse de Sylvie Vincent (Le rapport à la différence — Hétérophobie et racisme dans les organisations), solidement appuyée sur les études de Memmi, Delacampagne et Langaney, livre une éclairante grille d'interprétation du phénomène de ségrégation raciale ayant cours dans nos sociétés. La réflexion proposée par Allain Joly (Être cadre à l'étranger) s'avère particulièrement percutante, par ses descriptions pathétiques des divergences culturelles comportementales et éthiques, instillées en grande partie par l'implaccable logique de production capitaliste. Enfin, le texte de Rondeau permet de saisir les origines de même que l'évolution des différents types de conflits propres aux organisations modernes. L'être humain, un être symbolique Tous les textes développés dans cette cinquième dimension présentent des problématiques originales inspirées de situations concrètes de travail. Les textes les plus intéressants sont ceux d'Omar Aktouf (Le symbolisme et la "culture d'entreprise". Des abus conceptuels aux leçons du terrain) et de Stewart Clegg (Pouvoir, symbolique, langage et organisation). Aktouf fait une critique très étoffée, par de multiples exemples et renvois paradigmatiques, de l'emploi de la notion de culture d'entreprise. Condamnant l'homogénéisation des composantes inscrites dans cette notion, l'auteur souligne insidieusement le rôle foncièrement idéologique des mythes organisationnels centripètes. Quant à Clegg, il indique à quel point l'exercice du pouvoir est tributaire de la nature symbolique de l'action, modulée quant à elle par l'expression langagière. 304 Entreprises: approches théoriques et études de cas En ce qui concerne les autres textes de cette section, soit ceux de Dupuis, Bouchard, Sainsaulieu et Amado, Faucheux et Laurent, il convient ici de souligner leur apport à la compréhension de l'incidence sociologisante des modes de propagation des pratiques quotidiennement déterminées selon des paramètres spatio- temporels (habitus). L'être humain, un être de plaisir et de souffrance Enfin, la dernière section concerne la souffrance humaine dans les organisations. Là encore, les textes proposés sont de grande qualité tant au chapitre des fondements théoriques que de la pertinence des données empiriques. Divergentes uploads/Management/ les-dimensions-oubliees-laval-presses-de-l-x27-universite-laval.pdf