ANALYSER LES TEXTES DE COMMUNICATION Dominique Maingueneau Paris, Nathan, 2000

ANALYSER LES TEXTES DE COMMUNICATION Dominique Maingueneau Paris, Nathan, 2000 ENONCÉ ET CONTEXTE 1. Le sens d’un énoncé Un processus asymétrique : “Celui qui interprète l’énoncé reconstruit son sens à partir d’indications données dans l’énoncé produit, mais rien ne garantit que ce qu’il reconstruit coïncide avec les représentations de l’énonciateur » (p.6). Le contexte est donc très important, pas de sens fixe de l’énoncé hors contexte. Le statut pragmatique de l’énoncé : les conditions matérielles de présentation d’un texte sont essentielles pour que l’énoncé reçoive ce statut. Un énoncé n’est pas seulement verbal mais aussi pragmatique cad qu’il entretient une relation avec son destinataire. Exemple de l’énoncé « Ne pas fumer » : il ne suffit pas de le percevoir comme une interdiction réglementaire « il faut aussi également présumer qu’il est sérieux, que l’instance qui le communique a réellement l’intention de signifier ce qu’il signifie, d’agir d’une certaine façon sur le destinataire. 2. Les marques linguistiques L’infinitif : n’exprime pas forcément une injonction ou une interdiction. Il peut être un souhait, un ordre, un conseil. Nous comprenons que « Ne pas fumer » est une interdiction car nous baignons dans un interdiscours, un ensemble immense d’autres discours, qui vient étayer cette interdiction. L’ancrage dans la situation d’énonciation : la plupart du temps les phrases sont porteuses de marques de temps et de personne, des marques qui les ancrent dans la situation d’énonciation. « Ici, hier, je, tu… » ne sont interprétables que si l’on sait à qui, où et quand l’énoncé est dit. 3. Les contextes Le cotexte : c’est le contexte linguistique. Le contexte n’est pas forcément l’environnement physique, le moment et le lieu de l’énonciation. Exemple page 11 : « OSS 117 se dirige vers le bar d’un pas nonchalant. Cette pièce est un espace non fumeur » Il faut trouver l’antécédent de « cette pièce », ici, c’est le bar. Si il y le choix entre deux antécédents, on doit s’appuyer sur notre connaissance du monde et sur des règles de sens commun pour configurer le cotexte. 3 sources d’info : contexte situationnel (environnement physique), cotexte, savoirs antérieurs à l’énonciation. 4. Les procédures pragmatiques Une interprétation dérivée : ex « Cette pièce est un espace non fumeur ». Le lecteur de cela doit comprendre que c’est une interdiction et non pas une simple assertion. Il doit faire appel à des ressources qui ne sont pas strictement linguistiques. Il doit mobiliser des règles pragmatiques, un raisonnement sur la situation où il se trouve. Des instructions pour interpréter : le destinataire n’est pas passif, il doit définir lui-même le contexte duquel il va tirer les info nécessaires pour interpréter l’énoncé. « A priori, il n’y a jamais une seule interprétation possible d’un énoncé et il faut expliquer suivant quelles procédures le destinataire parvient à celle qui est la plus probable, celle qu’il doit préférer dans tel ou tel contexte » (p.14). LES LOIS DU DISCOURS 1. Le principe de coopération Un ensemble de normes : il y a un savoir mutuellement connu entre l’émetteur et le récepteur de l’énoncé « chacun postule que son partenaire se conforme à ces règles et s’attend à ce que l’autre s’y conforme » (p.17). Ces règles sont des conventions tacites. On les appelle lois du discours. Grice1 les fait dépendre d’une loi supérieure qu’il appelle principe de coopération. « En vertu de ce principe, les partenaires sont censés partager un certain cadre et collaborer à la réussite de cette activité commune qu’est l’échange verbal, où chacun se reconnaît et reconnaît à l’autre certains droits et devoirs » (p.18). Les sous-entendus : les lois étant partagées mutuellement par les interlocuteurs, elles permettent de faire passer des contenus implicites. Un type d’implicite qui se tire d’une mise en relation de l’énoncé avec le contexte d’énonciation (ex : un panneau « Ne pas rêver » chez un gourou indien), et qui respecte les lois du discours est un sous entendu. Ce qui est différent d’un présupposé qui lui est inscrit dans l’énoncé et est soustrait à toute contestation (Pierre ne fume plus  présupposé : avant, il fumait) 1 Grice, Logique et conversation, in Communication, n°30, 1979. 1 3 dimensions de la communication verbale : selon Charaudeau, au fondement de toute parole il y a un contrat de communication qui implique : - l’existence de normes régissant la communication - une reconnaissance mutuelle des participants, de leur rôle et de leur cadre de communication - l’appartenance de la parole à de multiples genres de discours 2. Les principales lois Pertinence et sincérité : loi de pertinence  une énonciation doit être le plus possible appropriée au contexte dans lequel elle intervient. Elle doit intéresser son destinataire en lui apportant des infos qui modifient la situation. Loi de sincérité  concerne l’engagement de l’énonciateur dans son acte de discours. Chaque acte de discours implique des règles. Lois d’informativité et d’exhaustivité : loi d’informativité  on ne doit pas parler pour ne rien dire, les énoncés doivent apporter de nouvelles info au destinataire. Loi d’exhaustivité  l’énoncé doit donner l’info maximale. Aucune dissimulation d’information importante n’est admise. Les lois de modalité : être clair dans la prononciation, le choix des mots, chercher la formulation la plus directe. Evidemment tout dépend le genre de discours auquel on a à faire : un article de physique quantique n’est pas exprimé de la même façon qu’une pub pour la lessive Omo (avec les singes). 3. La préservation des faces Face positive et négative : théorie des faces développée en particulier par Brown et Levinson2 qui s’inspirent de Goffman. Face négative = le territoire de chacun (corps, intimité…), face positive = façade sociale. La communication verbale supposant au moins deux personnes, il y a minimum 4 faces. La parole peut alors constituer une menace pour l’une de ces faces. Les interlocuteurs doivent négocier pour préserver leurs faces sans menacer celles de leur partenaire  stratégies discursives. Discours publicitaires, journalistiques et faces : dans le discours pub, le problème de la préservation des faces est primordial car son énonciation est par essence menacée : le fait de demander à être lu est une menace pour la face positive de l’énonciateur (risque de passer pour un casse-pieds) et pour les deux faces du destinataire (que l’on traite comme quantité négligeable mais à qui on demande de prendre son temps pour lire la pub). De plus, toute pub vise à demander de l’argent aux consommateurs lecteurs, menaçant les faces négatives des deux interlocuteurs. Pour qu’une pub soit séduisante, elle doit annuler imaginairement cette menace sur les faces. Le discours journalistique est en revanche légitimé par avance puisque c’est le lecteur qui a acheté le journal. Ce dernier se présente donc comme répondant à ses demandes, valorisant la face positive du lecteur en s’intéressant à ses goûts. DIVERSES COMPÉTENCES Les lois du discours doivent s’adapter aux types de discours. La maîtrise des genres et des lois du discours (compétence générique) est une composante essentielle de la compétence communicative. Il faut cependant lui ajouter la compétence linguistique (maîtrise de la langue) et la compétence encyclopédique (connaissance du monde)  Maîtrise de la langue + connaissance du monde + aptitude a s’inscrire dans le monde à travers la langue. 1. La compétence linguistique Un ensemble limité : ce savoir encyclopédique varie selon la sté dans laquelle nous vivons et de nos expériences. Il s’enrichit au cours de l’activité verbale puisque ce qu’on y apprend devient un point d’appui pour la compréhension et la production d’énoncés ultérieurs. Les scripts : il n’y a pas que des savoirs mais aussi des savoirs faire (« aptitude à enchaîner des actions de manière adaptée à une fin » p.28). Les scripts sont des suites stéréotypées d’action. « Leur connaissance est souvent indispensable pour interpréter les textes, surtout les textes narratifs, qui n’explicitent pas toutes les relations entre leurs constituants » 2. La compétence générique Nous savons reconnaître les genres de discours et nous comporter de manière convenable à leur égard. « Chaque énoncé possède un certain statut générique, et c’est sur la base de ce statut que nous le traitons » (p.29). C’est une manifestation nette de l’inégalité sociale : de nombreux locuteurs sont dépréciés car ils ne savent pas communiquer facilement dans certains genres de discours socialement valorisés. 3. L’interaction des compétences Les compétences interagissent pour produire une interprétation de l’énoncé. La compétence strictement linguistique ne suffit pas pour comprendre l’énoncé. Tant qu’on ne comprend pas de quel genre d’énoncé il s’agit, on ne peut pas parler de compréhension de l’énoncé. 2 Brown et Levinson, Politeness, Cambridge University Press, 1987 2 4. Lecteur modèle et savoir encyclopédique L’auteur d’un texte est donc obligé d’anticiper constamment le type de compétence dont dispose son destinataire. La proportion de compétence linguistique et de compétence encyclopédique attendues du lecteur va ainsi varier entre deux textes. Partage bien connu dans la production médiatique entre celles qui construisent leur public par exclusion (publics « thématiques ») et celles qui excluent un minimum de catégories de lecteurs uploads/Management/ maingueneau-dominique-2007-analyser-les-textes-de-communication-resumen-7426483.pdf

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  • Publié le Mar 23, 2022
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