11 MANAGERIS N° 33 • DÉCEMBRE 95 The Knowledge- Creating Company How the Japane

11 MANAGERIS N° 33 • DÉCEMBRE 95 The Knowledge- Creating Company How the Japanese Companies Create the Dynamics of Innovation Ikujiro Nonaka et Hirotaka Takeuchi L ongtemps, la compétitivité de l’entreprise n’a été dictée que par ses moyens financiers et sa capacité de production. Aujourd’hui, les marchés sont devenus extrêmement mouvants et concurren- tiels. L’innovation doit être perma- nente. Dans ce contexte, la capacité à créer du savoir est devenue le princi- pal avantage concurrentiel des entre- prises. • Comment le savoir se crée-t-il au sein de l’organisation ? • Comment favoriser la création de savoir dans l’entreprise ? I I I MANAGERIS S y n t h è s e Sommaire 1. Deux formes de savoir page 12 2. La spirale d’apprentissage page 12 3. Les outils pour passer du tacite à l’explicite page 13 4. Favoriser la création de savoir dans l’entreprise page 14 Ikujiro Nonaka et Hirotaka Takeuchi sont tous deux professeur à Hitotsubashi Uni- versity. Éditions Oxford University Press, 1995, 284 pages. Ouvrage sélectionné par : David A. Aaker, Professor of Marketing Strategy, University of California, Berkeley T H È M E S T R A I T É S P A R L ' O U V R A G E Stratégie Marketing Conception et Production Hommes et Organisation Finance et Contrôle L’entreprise créatrice de savoir 1. Deux formes de savoir Dans une économie mondiale tou- jours plus mouvante, les avantages concurrentiels sont constamment remis en cause. Les marchés se transforment, les technologies se succèdent, les concur- rents se multiplient, les coûts de pro- duction sont sans cesse révisés à la baisse, les différentiations s’estompent. Dans ce contexte, il apparaît de plus en plus en plus clairement que seule la capacité de créer du savoir constitue un avantage concurrentiel durable. Pour être performante, l’entreprise doit géné- rer régulièrement un savoir inédit et l’incorporer dans de nouvelles techno- logies et de nouveaux produits. Force est de constater cependant que les managers occidentaux, malgré les déclarations de principe sur le “capi- tal intellectuel”, ne savent pas gérer la création de savoir. Le retard en matiè- re d’innovation pris par les pays occi- dentaux sur le Japon en est une preuve. Cette difficulté à organiser efficace- ment la création de savoir tient à une chose : une compréhension incomplè- te de ce qu’est le savoir. En effet, les managers occidentaux assimilent le savoir à de l’information for- melle et quantifiable : données fac- tuelles, principes universels, procédures codifiées. Dans les entreprises occi- dentales, le savoir se résume à ce qui est chiffrable, intelligible. En un mot, à ce qui est exprimable. On dit de ce savoir qu’il est explicite, puisque directement compréhensible et exprimable par chaque individu dans l’organisation. L’étude des méthodes de manage- ment de groupes japonais performants met en lumière l’importance d’un second type de savoir : le savoir tacite. A la dif- férence du savoir explicite, le savoir tacite n’est pas directement formulable et intelligible. Il est propre à chaque indi- vidu. Ce savoir est constitué d’une part de son expertise technique informelle, que l’on a coutume d’appeler “savoir- faire”. Et d’autre part de ses croyances et aspirations personnelles, qui struc- turent sa représentation du monde. La manière de voir le monde, d’aborder des problèmes, constitue en effet une forme particulière de savoir. Ces deux types de savoir, explicite et tacite, coexistent dans toute organi- sation. Afin de maximiser la création de savoir, l’entreprise doit tirer parti de chacun d’eux. A la différence des entre- prises occidentales, les groupes japonais ont compris toute la richesse de cette approche. Ils parviennent tout à la fois à exploiter le savoir explicite et à cap- ter le savoir tacite diffus dans l’organi- sation. Cette conception duale du savoir semble plus pertinente : les groupes japonais tels que Canon, Honda, NEC, Sharp, Matsushita, ou Kao, sont renom- més pour leur capacité de répondre rapidement aux besoins des clients en développant de nouveaux produits et technologies. 2. La spirale d’apprentissage L 4 formes de création de savoir Il y a création de savoir dans l’entre- prise lorsqu’un individu ou un groupe acquiert un savoir dont il ne disposait pas auparavant. Que ce soit par la combi- naison de savoir qu’il possédait déjà. Ou plus simplement par transmission de savoir connu par d’autres. Compte tenu de la double nature du savoir, explicite ou tacite, la création du savoir au sein de l’organisation peut ainsi prendre quatre formes (figure A) : Du Tacite au Tacite : Parfois, un indi- vidu partage son savoir faire, son art, avec une autre personne. Le savoir tacite de l’un est transmis directement sous forme de savoir tacite à l’autre. Cet appren- tissage, au sens propre du terme, se fait de maître à apprenti, par l’observation, l’imitation et la pratique. A aucun moment il n’y a formulation explicite du savoir. Cette Initiation est une forme limi- tée de création de savoir pour l’organi- sation. En effet, au cours du processus, aucun des protagonistes ne va explici- ter son art et le rendre directement accessible à tous. Ce savoir ne pourra donc pas être exploité au niveau collectif de l’entreprise. De l’Explicite à l’Explicite : un individu peut combiner divers éléments de savoir explicite pour constituer un nouveau savoir, explicite lui aussi. Ainsi, lors- qu’un contrôleur de gestion rédige un rapport à partir d’informations financières disparates, il crée un nouveau savoir en faisant la synthèse d’éléments existants. On parle alors de Combinaison. Du Tacite à l’Explicite : Lorsqu’un arti- san essaie d’expliquer son art, il tente de convertir son savoir tacite en savoir explicite. De même, le contrôleur de ges- tion peut chercher à traduire son expé- rience du pilotage économique de 12 The Knowledge-Creating Company MANAGERIS S Y N T H È S E D E L ' O U V R A G E Figure A : 4 formes de création de savoir Explicitation Internalisation Combinaison Initiation SAVOIR TACITE SAVOIR EXPLICITE SAVOIR TACITE SAVOIR EXPLICITE … Au Du … Création de savoir par conversion d'un type de savoir en l'autre 13 The Knowledge-Creating Company MANAGERIS l’entreprise (savoir tacite) en une nou- velle procédure de contrôle budgétai- re (savoir explicite). On parle alors d’Explicitation du savoir tacite. De l’Explicite au Tacite : Peu à peu, le savoir explicite diffusé dans l’organisa- tion est assimilé par le personnel. Ce nou- veau savoir vient compléter la somme des savoirs dont dispose l’individu. Il est internalisé et devient partie intégrante du référentiel de chacun. Le savoir expli- cite devient tacite. Ainsi, la procédure budgétaire mise au point par le contrô- leur de gestion devient, après quelque temps, un élément du savoir tacite du personnel de l’entreprise. A ce stade, on parle d’Internalisation. L Tirer parti des 4 formes de création de savoir La figure B décrit l’approche suivie par une équipe de développement au sein de Matsushita Electric Company. Cet exemple illustre concrètement la valeur qu’il y a à tirer parti des 4 types de créa- tion de savoir. Dans les entreprises occidentales, la création de savoir se limite le plus sou- vent à une seule des quatre formes décrites ci-dessus : La Combinaison de savoirs explicites pour créer un nou- veau savoir explicite. Mais les groupes japonais ont constaté que la création de savoir dans l’entreprise est beaucoup plus importante lorsqu’il y a aussi Expli- citation ou Internalisation. C’est-à-dire lorsqu’il y a conversion d’un type de savoir en l’autre. Par exemple, lorsque l’expérience de l’ouvrier est explicitée dans le but de remettre en cause le pro- cessus de production à l’échelle de l’entreprise (Explicitation). Ou enco- re, lorsque des procédures et des méthodes explicites sont assimilées par les employés (Internalisation), aug- mentant ainsi leur niveau de savoir. Les découvertes des groupes japo- nais ne s’arrêtent pas là. Ils ont également mis en lumière que les quatre types de transmission de savoir se complètent pour former une spirale d’apprentissa- ge (figure C). La spirale débute par la conversion de savoir tacite en savoir explicite. Lors de cette étape fonda- mentale, le savoir tacite est extrait de l’inconscient de certains individus pour devenir un savoir explicite, utilisable par la collectivité. Explicité, diffusé, assimilé, ce nouveau savoir devient après quelque temps tacite. La spirale peut alors reprendre mais cette fois à partir d’une base de savoir plus large. L’exemple de Matsushita exposé figure B présente l’amorce d’une telle spirale. 3. Les outils pour passer du tacite à l’explicite Le passage du savoir tacite au savoir explicite se fait en deux grandes étapes. La première consiste à “accoucher” le savoir tacite en faisant appel à deux formes particulières de langage : la métaphore et l’analogie. La seconde étape consiste à exprimer sous forme de modèle le savoir qui a été ainsi exprimé. Figure B : Le robot boulanger de Matsushita En 1985, la Matsushita Electric Company a lancé un projet de robot familial à faire le pain. L'équipe en charge du projet a rapidement découvert que la qualité du pain dépendait du pétrissage de la pâte. Elle ne parvenait cependant pas à reproduire uploads/Management/ man-33b-the-knowledge-creating-company.pdf

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  • Publié le Jui 15, 2021
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