Revue Numérique de Recherche Lasallienne (4) 2012: 39-63 39 APPROCHE ETHIQUE DE

Revue Numérique de Recherche Lasallienne (4) 2012: 39-63 39 APPROCHE ETHIQUE DE LA RESPONSABILITE DE L’EDUCATEUR EN AFRIQUE DE L’OUEST. PROPOSITION DU MODELE CHRETIEN VECU PAR J.B. DE LA SALLE Fr. Marc Somé fsc District de l’Afrique de l’Ouest Burkina Faso RÉSUMÉ Le but de cette réflexion est de penser la qualité de l’enseignant dans le sens de la responsabilité face à la crise de l’éducation qui perdure en Afrique de l’Ouest. Cette réflexion se situe dans le cadre de la rédaction d’une dissertation théologique sur le thème : « Approche éthique de la responsabilité de l’éducateur en Afrique de l’Ouest. Proposition du modèle chrétien vécu par Jean-Baptiste de La Salle». On expose ici les motivations, la problématique, l’hypothèse, l’objectif, l’état de la question, la démarche méthodologique, le projet de plan et sa justification et une bibliographie. La réflexion continue… Mots clés : éthique, responsabilité, éducateur, Afrique, pratiques, enseignement, crise des valeurs Introduction Le Forum mondial sur l’Éducation tenu à Dakar (Sénégal) du 26 au 28 avril 2000 a retenu six (6) objectifs devant servir de cadre d’action jusqu’en 20151. Dix ans après la Conférence de Jomtien (Thaïlande, 1990), les experts de l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture (UNESCO) se questionnaient à Dakar en ces termes : « Le monde est-il sur la bonne voie ? » La question est capitale parce que l’éducation par l’école est toujours en crise en dépit des réflexions et des flux totaux d’aide accordés à ce secteur qui s’élèvent à 50 milliards de dollars US2. Il semble que le recrutement massif d’enseignants n’a pas suffi pour résoudre la crise éducative. En effet, les experts de l’UNESCO affirment que les enseignants et le personnel de soutien éducatif constituent le groupe le plus nombreux de fonctionnaires dans le monde entier. Malgré tous les efforts consentis par l’UNESCO et les différentes conférences des Ministres africains de l’éducation, ce secteur suscite des inquiétudes en Afrique de l’Ouest. Les tentatives de solution ne manquent pas. Elles s’orientent en général dans le sens de l’augmentation du nombre des enseignants et de leur formation pédagogique : les participants au Forum de 2000 à Dakar notaient que les enseignants appartiennent 1 Cf. UNESCO, L’éducation pour tous. Le monde est-il sur la bonne voie ? Rapport mondial de suivi sur l’éducation pour tous, Paris, Editions UNESCO, 2002, p.13. 2 Ibid., p.174. Revue Numérique de Recherche Lasallienne (4) 2012: 39-63 40 aux groupes d’âge comptant le plus grand nombre de décès causé par le VIH/SIDA ; d’où l’urgence de recruter de nombreux enseignants.3 Cette approche quantitative présente des limites en matière d’éducation. Certes, il faut beaucoup d’enseignants pour offrir à tous les enfants et jeunes une instruction. Mais les enseignants doivent aussi exercer une action sur les élèves en vue de favoriser leur développement positif et intégral. Cette action n’est possible que si l’enseignant a une qualité humaine et une raison d’être enseignant. Le but de notre réflexion est de penser la qualité de l’enseignant dans le sens de la responsabilité face à la crise de l’éducation qui perdure en Afrique de l’Ouest. Cette réflexion se situe dans le cadre de la rédaction d’une dissertation théologique sur le thème : « Approche éthique de la responsabilité de l’éducateur en Afrique de l’Ouest. Proposition du modèle chrétien vécu par Jean-Baptiste de La Salle». Nous exposerons ce projet en présentant les motivations, la problématique, l’hypothèse, l’objectif, l’état de la question, la démarche méthodologique, le projet de plan et sa justification, et une bibliographie. I. Motivations La gestion du présent et la préparation de l’avenir ne peuvent se faire sans l’éducation des hommes. D’elle dépendent « l’identité communautaire », la survie de nos sociétés et le vivre - ensemble dans la pluralité. L’éducation en effet, est l’ensemble des moyens, des actions exercées sur des personnes, qui permettent de les humaniser en les insérant dans la société où ils participent à un monde de valeurs. L’éducation, selon Emile Durkheim, est « l’action exercée par les générations adultes sur celles qui ne sont pas encore mûres pour la vie sociale. Elle a pour objet de susciter, de développer chez l’enfant un certain nombre d’états physiques et mentaux que réclament de lui la société politique dans son ensemble et le milieu spécial auquel il est particulièrement destiné »4. L’action exercée sur le sujet pour son développement positif suppose que l’éducateur ait des motifs et des convictions pour agir. Il est supposé vouloir le bien de la société et des sujets en situation d’éducation. En effet, il faut aimer l’homme et son devenir pour lui transmettre quelque chose. Car le fondement de toute éducation est l’amour. Ceux qui s’engagent dans le service de l’éducation devraient le faire par vocation et par amour. Cependant, des élèves, au lendemain de la réussite au Brevet d’Etudes du Premier Cycle (BEPC), deviennent instituteurs5 soit par nécessité vitale soit parce que des décideurs politiques veulent des écoles pour tous et partout coûte que coûte6. Le recrutement 3 Ibid., p.154. C’est l’une des observations qui touchent à la qualité physique et à la qualité d’être des enseignants. 4 Emile DURKHEIM, Education et sociologie, Paris, PUF, 1966. 5 Dans le sens de celui qui institue, qui fonde, qui pose les bases d’une société, d’une communauté ! Une réunion de trois jours des coordonnateurs nationaux de l’initiative de formation des enseignants, initiée par l’UNESCO pour l’Afrique subsaharienne, s’est tenue à Dakar (Sénégal) le 06/03/06. 6 La rencontre des experts a relevé que dans plusieurs pays les moins avancés d’Afrique subsaharienne « les instituteurs ont au plus une qualification ne dépassant pas le premier niveau de l’enseignement secondaire et que plusieurs d’entre eux n’ont pas bénéficié d’une formation professionnelle » (Cf. www.UNESCO.org/EducationAfrique). Le Rapport de 2002 notait que la plupart des institutions de formation des enseignants de la région Afrique subsaharienne ont été construites dans les années 1960 Revue Numérique de Recherche Lasallienne (4) 2012: 39-63 41 d’enseignants semble se faire sans considérer la « valeur symbolique »7 des candidats. Comment permettre à l’élève de trouver des modèles, des repères et des valeurs qui orienteront sa vie si l’enseignant représente pour lui une ‘’humanité inachevée’’ ? Comment parler d’éducation lorsque l’enseignant n’a pas la capacité de communiquer ou de transmettre ‘’l’humain’’, d’éveiller la vie chez les plus jeunes ? En somme, nous avons l’impression que la crise du système éducatif va en empirant parce que la qualité et la quantité des enseignants font défaut. Cette situation de crise éducative motive notre réflexion, pour apporter notre contribution, pour comprendre et analyser l’engagement et la responsabilité des enseignants dans la promotion de l’humain. II. Problématique La situation éducative est décrite en termes de crise en Afrique de l’Ouest par l’UNESCO et plusieurs analystes8. L’abondance des diagnostics sur les causes de cette crise et la diversité des remèdes témoignent que la situation est préoccupante. En 1961 à Addis-Abeba, la conférence des Ministres africains de l’éducation, convoquée par l’UNESCO en coopération avec les anciennes métropoles, a réfléchi aux stratégies du développement de l’éducation en Afrique. Elle a adopté un plan qui vise à long terme la scolarisation universelle pour l’an 2000. Cette conférence a été suivie par sept (7) autres entre 1961 et 2000 9 . Malgré toutes ces conférences, la crise de l’éducation perdure en Afrique. En marge des conférences sur l’éducation, des analystes africains et africanistes comme Joseph Ki-Zerbo, Hilaire Sikounmo et Joseph Brandolin font des propositions de sortie de crise. Selon Joseph Ki-Zerbo, le secteur de l’éducation ne peut sortir de la crise que grâce à une démocratisation et une africanisation de l’école, à une rénovation du système et 1970 et sont actuellement délabrées et mal équipées. La réalisation des objectifs déclarés par l’UNESCO après la conférence de 2000 à Dakar pose un énorme problème. (Cf. UNESCO, L’éducation pour tous. Op.cit.). Voir aussi UNESCO, Rapport mondial sur l’éducation 1998. Les enseignants et l’enseignement dans un monde en mutation, Paris, Editions UNESCO, p.37. 7 Le BEPC est le diplôme exigé pour devenir instituteur au Burkina Faso et dans plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest comme la Côte d’Ivoire, le Mali et le Togo. Ce diplôme s’obtient généralement autour de 15 ans et 17 ans ! C’est dire qu’à l’âge de 17 ans, un jeune adolescent peut devenir instituteur (enseignant à l’école primaire). A cet âge le diplôme ne fait pas de lui une référence, il ne fait le poids devant. La valeur de l’âge est symbole de maturité, de sagesse. 8 En Afrique de l’Ouest, le Burkina Faso, le Niger, le Mali, le Tchad et la Mauritanie partagent une même histoire éducative qu’Albert ANTONIOLI, à la suite des experts de l’UNESCO, identifie comme la « bande soudano-sahélienne de l’analphabétisation». Cf. Albert ANTONIOLI, Le droit d’apprendre. Une école pour tous en Afrique, Paris, l’Harmattan, 1993, p.82. Cf. aussi Hilaire SIKOUNMO, L’école du sous-développement. Gros plan sur l’enseignement secondaire en Afrique, Paris, Karthala, 1972. 9 En 1961 : Conférence d’Addis-Abeba (ambiance de décolonisation, école moteur du développement) ; 1964 : Conférence d’Abidjan (soucis pédagogiques) ; 1968 : Conférence de uploads/Management/ marc-some-fr-4.pdf

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  • Publié le Dec 01, 2022
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