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© École de Paris du management - 94 bd du Montparnasse - 75014 Paris Tél : 01 42 79 40 80 - Fax : 01 43 21 56 84 - email : ecopar@paris.ensmp.fr - http://www.ecole.org 1 http://www.ecole.org L’EFFET HALO, OU LES MIRAGES DE LA PERFORMANCE par Philip ROSENZWEIG IMD Lausanne Auteur de The Halo Effect (2007, Free Press) Prix Accenture du meilleur article 2008 Séance du 6 mars 2009 Compte rendu rédigé par Élisabeth Bourguinat En bref L’effet halo consiste à inférer d’une impression générale une caractéristique spécifique. C’est ce qui a poussé les Américains à évaluer négativement l’ensemble de la politique du président Bush après sa gestion désastreuse des suites de l’ouragan Katrina, ou les clients d’une hot-line à sous-estimer leur temps d’attente lorsqu’ils avaient obtenu satisfaction au cours de leur appel. Même des chercheurs patentés annoncent avoir percé le secret de la performance des entreprises ou de leur longévité en s’appuyant sur des données contaminées par l’effet halo. Philip Rosenzweig montre qu’ils cèdent aussi à de nombreux autres mirages : celui de la performance absolue, qui n’existe pas dans un univers concurrentiel ; celui des lois de la physique, qui ne s’appliquent pas dans le monde des affaires ; ou encore celui de la causalité, dont le sens est parfois trompeur. Cette mise en garde sera-t-elle entendue ? Rien de moins sûr, car nous aimons tous que l’on nous raconte de belles histoires rassurantes… L’Association des Amis de l’École de Paris du management organise des débats et en diffuse des comptes rendus ; les idées restant de la seule responsabilité de leurs auteurs. Elle peut également diffuser les commentaires que suscitent ces documents. Séminaire Vie des Affaires organisé grâce aux parrains de l’École de Paris : Air France Algoé2 Alstom ANRT Areva2 Cabinet Regimbeau1 Caisse des Dépôts et Consignations CEA Chaire “management de l’innovation” de l'École polytechnique Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris CNRS Conseil Supérieur de l'Ordre des Experts Comptables Danone Deloitte École des mines de Paris EDF Entreprise & Personnel ESCP Europe Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l'Homme France Telecom FVA Management Roger Godino Groupe ESSEC HRA Pharma IDRH IdVectoR1 La Poste Lafarge Ministère de l’Industrie, direction générale des Entreprises Paris-Ile de France Capitale Economique PSA Peugeot Citroën Reims Management School Renault Saint-Gobain Schneider Electric Industries SNCF1 Thales Total Ylios 1 pour le séminaire Ressources Technologiques et Innovation 2 pour le séminaire Vie des Affaires (liste au 1er juin 2009) © École de Paris du management - 94 bd du Montparnasse - 75014 Paris Tél : 01 42 79 40 80 - Fax : 01 43 21 56 84 - email : ecopar@paris.ensmp.fr - http://www.ecole.org 2 EXPOSÉ de Philip ROSENZWEIG Après avoir enseigné à Harvard, je suis actuellement professeur à l’IMD (Institute for Management Development), à Lausanne, en Suisse, ce qui m’amène à rencontrer de nombreux cadres. Je constate que la plupart d’entre eux sont intelligents et honnêtes, mais qu’ils manquent d’esprit critique et de rigueur analytique, ce qui les rend vulnérables à certaines théories contestables. J’ai recensé ces théories dans un livre intitulé The Halo Effect… and the Eight Other Business Delusions that Deceive Managers, publié en 2007 par Free Press. L’ouvrage va sortir dans quelques jours en français chez Vuibert, sous le titre Les Mirages du management. Je vais vous présenter quelques-uns de ces “mirages”. L’expérience de Barry Staw En 1975, le professeur Barry Staw a demandé à une centaine d’étudiants, répartis en petits groupes, d’estimer le chiffre d’affaires et les bénéfices futurs d’une entreprise réelle, sur la base de ses bilans des années précédentes. Au bout d’une heure, il a relevé les copies et a demandé aux étudiants de patienter pendant qu’il les corrigeait. En revenant, il a déclaré à la moitié des groupes que leurs résultats étaient excellents, et à l’autre moitié que leurs résultats étaient très mauvais. Il avait réparti ces appréciations totalement au hasard, sans aucun rapport avec les résultats réellement obtenus. Il leur a demandé ensuite de remplir un questionnaire sur la façon dont leur groupe avait travaillé : la motivation des participants, leur cohésion, la communication entre eux, etc. Les étudiants qu’il avait félicités ont expliqué qu’ils avaient instauré de bons mécanismes de communication, qu’ils étaient réceptifs les uns aux autres, extrêmement motivés, et qu’ils s’étaient bien amusés. Les autres ont, au contraire, critiqué la façon dont leur groupe avait travaillé. La morale de l’histoire est que les gens attribuent certaines caractéristiques aux groupes qu’ils considèrent comme efficaces, et des caractéristiques très différentes à ceux qu’ils considèrent comme inefficaces. On peut le comprendre, car il n’est pas évident, par exemple, d’évaluer la qualité de la communication au sein d’un groupe. On a tendance à la juger en se basant sur les résultats obtenus. La popularité de George W. Bush Après les attaques du 11 septembre 2001, la popularité de George W. Bush a augmenté de façon significative : le peuple américain a manifestement voulu serrer les rangs derrière son président. Pendant la même période, la proportion de ceux qui évaluaient positivement sa politique économique est passée de 47 à 60 % : il semble difficile, pour un être humain, d’évaluer différemment le tout et une partie du tout. En août 2005, le taux de satisfaction était de 37 % pour la politique économique du président George W. Bush, de 38 % pour sa gestion de la guerre en Irak, de 54 % pour sa lutte contre le terrorisme, de 54 % pour son leadership, et le taux de satisfaction général était de 41 %. À la fin du mois d’août 2005, l’ouragan Katrina a pratiquement rayé de la carte la Nouvelle Orléans, et la gestion de la crise par le président et par son administration a été jugée déplorable. Deux mois plus tard, en octobre 2005, le taux de satisfaction baissait de plusieurs points sur l’ensemble des critères, ceux-ci passant respectivement de 37 à 32 %, de 38 à 32 %, de 54 à 46 %, de 54 à 45 % et de 41 à 37 %. À nouveau, la perception globale a largement influencé la perception de détail. © École de Paris du management - 94 bd du Montparnasse - 75014 Paris Tél : 01 42 79 40 80 - Fax : 01 43 21 56 84 - email : ecopar@paris.ensmp.fr - http://www.ecole.org 3 Perception du temps d’attente Lors d’une enquête de satisfaction menée par l’entreprise Vodafone auprès des clients qui avaient fait appel à son service d’aide, la question principale consistait à savoir si le problème du client avait été résolu dès la première communication téléphonique, ou ultérieurement. On demandait également aux enquêtés quel avait été leur temps d’attente avant que l’opérateur ne décroche. L’analyse des résultats a montré que lorsque les clients avaient vu leur problème résolu dès le premier appel, ils étaient 58 % à estimer que le délai d’attente avait été court, et 4 % à le trouver trop long. Dans le cas inverse, ils étaient 36 % à juger que le délai avait été court et 18 % à déclarer qu’il avait été trop long. Or, le central téléphonique était équipé d’un système de réponse automatisée et la durée d’attente était strictement la même pour tous les clients. Mais leur perception était déformée selon qu’ils avaient été satisfaits du résultat global de l’appel ou non. L’effet halo Ces trois exemples illustrent le même phénomène, l’effet halo, une tendance à inférer telle ou telle caractéristique spécifique à partir d’une impression générale. Ce concept a été identifié par un psychologue américain, Edward Thorndike, à l’université de Columbia, en 1920. L’armée américaine avait souhaité étudier la façon dont les officiers évaluaient les soldats sous leurs ordres pendant la guerre de 14-18. En analysant les données, le chercheur s’est aperçu que certains soldats faisaient l’objet d’excellentes évaluations dans les domaines les plus divers, et que d’autres étaient évalués de façon très négative sur tous les sujets, ce qui lui avait paru étrange. L’effet halo est très présent dans notre quotidien. Quand l’un d’entre nous se dit : « Ce produit est fabriqué par Apple ; il est donc probablement innovant », il cède à l’effet halo, qui a été délibérément recherché à travers une politique de marque. Peut-être d’ailleurs n’a-t-il pas tort, mais au lieu d’évaluer le produit d’une façon objective, il laisse sa perception générale influencer son jugement. Culture d’entreprise et performance En 1992, John Kotter et James Heskett, professeurs de Harvard très connus aux États-Unis, publient Corporate Culture and Company Performance. La question qu’ils posent, celle de la corrélation entre culture d’entreprise forte et performance économique, n’est pas inintéressante, et la réponse peut avoir des conséquences importantes. Encore faut-il s’assurer que les données qui permettront de répondre à cette question ne seront pas contaminées par l’effet halo. Les chercheurs ont adressé un questionnaire à des centaines de dirigeants. Ils leur ont tout d’abord demandé : « Votre société a-t-elle une forte culture d’entreprise ? » Compte tenu de l’effet halo, la réponse allait de soi : les sociétés les plus uploads/Management/ mirajele-performantei-efectul-halou.pdf
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- Publié le Jul 12, 2021
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