Programme à option : module libre en histoire de l’art Séverine Chave Art & Psy

Programme à option : module libre en histoire de l’art Séverine Chave Art & Psychanalyse Prof. Themelis Diamantis La catharsis : un pont entre théâtre et psychanalyse TABLE DES MATIERES 1 Introduction ..................................................................................................................................... 2 2 Définition(s) et principales caractéristiques .................................................................................... 3 2.1 La nécessité du revécu ............................................................................................................ 3 2.2 L’opposition entre l’apollinien et le dionysiaque .................................................................... 4 2.3 La modification du Moi ............................................................................................................ 4 3 Catharsis et théâtre : quelques jalons historiques .......................................................................... 5 3.1 Platon : les prémisses de l’opposition entre apollinisme et dyonysisme ................................ 5 3.2 Aristote : la Poétique ............................................................................................................... 6 3.3 Nietzsche : Apollon et Dionysos .............................................................................................. 8 3.4 Le dionysiaque : Artaud et le théâtre de la cruauté .............................................................. 10 3.5 L’apollinien : Brecht et l’esprit critique ................................................................................. 12 4 Catharsis et psychanalyse .............................................................................................................. 12 4.1 Freud et Breuer : la méthode cathartique ............................................................................ 12 4.2 La psychanalyse freudienne .................................................................................................. 13 5 Catharsis et théâtre contemporain ............................................................................................... 16 5.1 Performance et théâtre performatif : la mort de la sublimation esthétique........................ 16 5.2 Apollinisme et dyonysisme au XXIe siècle : la question du texte .......................................... 17 6 Conclusion ..................................................................................................................................... 19 7 Bibliographie .................................................................................................................................. 21 7.1 Sources .................................................................................................................................. 21 7.2 Littérature secondaire ........................................................................................................... 21 2 1 INTRODUCTION « Catharsis ». Le terme renvoie immédiatement à la Poétique d’Aristote. Pourtant, le philosophe grec ne fait que l’évoquer dans une unique phrase : « Et, en représentant la pitié et la frayeur, elle (la représentation) réalise une épuration (catharsis) de ce genre d’émotions. »1 Ce court énoncé, en raison de son ambiguïté et de sa polysémie, n’aura de cesse d’être étudié, interprété, manipulé à travers les siècles, par des hommes de lettres, de théâtre mais aussi de science. Car le terme de catharsis est également étroitement associé à la psychanalyse, et notamment à son ancêtre, la bien-nommée « méthode cathartique », imaginée par Sigmund Freud et Josef Breuer et principalement développée dans leurs Etudes sur l’hystérie, en 1895. Si Freud se distancie de Breuer par la suite, le concept de catharsis évolue avec lui et accompagne la naissance, puis le développement de la psychanalyse. Que ce soit dans le domaine du théâtre ou dans celui de la psychothérapie, la notion de catharsis ne cesse d’être redéfinie au cours des siècles. Une constante réside cependant dans la tension entre deux pôles, deux tendances issues de deux dieux : Apollon et Dionysos. Tension qui précède même Aristote – car déjà bien présente chez Platon2 – mais qui doit beaucoup à Nietzsche et à sa Naissance de la tragédie dans sa théorisation. Depuis les origines, et aujourd’hui encore, la catharsis est donc la réunion improbable, instable et sans cesse remise en question de l’apollinien et du dionysiaque. La pensée même de Freud semble suivre un chemin progressif du dionysiaque vers l’apollinien3. Prenant racine chez Aristote – bien que le terme existe déjà au préalable, il est indéniable qu’il doit sa fortune au célèbre théoricien de la tragédie –, incessamment discutée par l’histoire littéraire, mais également largement récupérée par Freud, la catharsis a donc instauré et entretenu un lien étroit entre le théâtre et la psychanalyse. Elle jette ainsi un pont entre deux mondes, permettant un échange fertile, l’un et l’autre s’éclairant, s’enrichissant et s’utilisant mutuellement. Quels sont ces rapports et comment ont-ils évolué historiquement ? Le théâtre peut-il guérir ? S’il y a catharsis au théâtre, sur qui opère-t-elle – le public, les comédiens, l’auteur, le metteur en scène ? Qu’en est-il à l’heure du théâtre sans texte et de la performance ? Le présent travail a ainsi pour ambition de retracer l’histoire des rapports entre catharsis, théâtre et psychanalyse, en commençant par tenter de donner une définition de la première, basée sur ses composantes les plus stables. Il serait trop long de retracer ici l’intégralité des différentes approches de la catharsis dans l’histoire du théâtre ou de la psychanalyse ; nous nous bornerons donc à dégager quelques jalons fondamentaux dans ce long parcours. Il s’agira ensuite de s’interroger sur les enjeux d’un tel rapport à l’heure du théâtre contemporain. 1 Aristote, Poétique, cité par Vives, Jean-Michel, « La catharsis d’Aristote à Lacan en passant par Freud. Une approche théâtrale des enjeux éthiques de la psychanalyse », in Recherches en psychanalyse, n°9, janvier 2010, p. 23. 2 Cf. point 3.1. 3 Barrucand, Dominique, La Catharsis dans le théâtre, la psychanalyse et la psychothérapie de groupe, Paris, Epi éditions, 1970, p. 220. 3 2 DÉFINITION(S) ET PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES Avant d’aborder la notion telle qu’amenée par Aristote et abondamment débattue après lui, revenons aux origines du mot, c’est-à-dire à son étymologie : Catharsis est un mot grec, formé d’une préposition : cata, qui, dans les mots composés, signifie en vue de, et du verbe airo, qui a trois sens : enlever, lever ou élever, et exalter ou mettre hors de soi. […] Enfin, è catharsis a en premier lieu le sens médical de purgation (élimination des humeurs peccantes), puis le sens moral de soulagement de l’âme par la purification, et enfin le sens religieux de l’action obtenue aux cérémonies de purification et d’initiation.4 L’histoire de la notion de catharsis n’est qu’une oscillation entre ces trois sens qui, loin d’être imperméables, ne cessent de se mêler. Ainsi, le sens médical et très technique de purgation est au centre de la méthode cathartique mise en place par Breuer et Freud, alors que les travaux plus tardifs de ce dernier font référence à la catharsis de manière plus spirituelle. La tragédie de son côté est passée d’une compréhension principalement morale – guérir des passions en montrant leur funeste résultat – à une interprétation beaucoup plus métaphorique en revenant à la notion de traitement médical : « La mimèsis tragique nous ferait éprouver des passions épurées, le plaisir résultant alors du soulagement quasi physique ressenti au terme de ce traitement "homéopathique". »5 Si, comme nous l’avons dit, le sens de la catharsis évolue au fil du temps, certaines de ses composantes, bien que sujettes à quelques évolutions, semblent plus ou moins constantes. Parmi elles, relevons trois caractéristiques fondamentales inhérentes au processus cathartique : la nécessité du revécu, son équilibre entre participation et mise à distance – entre apollinisme et dyonysisme  et le changement de personnalité. 2.1 LA NÉCESSITÉ DU REVÉCU La notion de revécu, qui se transforme en représentation lorsqu’il s’agit de théâtre, est une caractéristique fondamentale de la catharsis. Celle-ci guérit en effet le même par le même : Si nous suivons pas à pas le texte d’Aristote nous arrivons à la conclusion qu’il s’agit d’une épuration du même par le même […], par la représentation du même. Les traducteurs Roselyne Dupont-Roc et Jean Lallot ont en effet très précisément montré qu’il convenait, contrairement à la tradition, de traduire mimèsis non par imitation mais par représentation. […] Les affects sont épurés par le regard du spectateur […], dans la mesure où le poète lui donne à voir des objets eux-mêmes mis en forme, transformés par la mimèsis, la re-présentation.6 De même, en psychothérapie, seul le revécu permet de réveiller l’inconscient, de libérer le refoulé, puisque le souvenir conscient, par définition, est entravé par les mécanismes de défense du sujet. Il en est question dès les débuts, lorsque Freud et Breuer font encore appel à l’hypnose7 : 4 Barrucand, Op.cit. p. 16. 5 Vives, Jean-Michel, « La catharsis, d’Aristote à Lacan en passant par Freud. Une approche théâtrale des enjeux éthiques de la psychanalyse », in Recherches en psychanalyse, n°9, janvier 2010, p. 23. 6 Ibid., p. 25. 7 Dans leurs Etudes sur l’hystérie, trad. A. Berman, Paris, Presses universitaires de France, Bibliothèque de la Psychanalyse, 1967 [1895]. 4 La communication préliminaire [des Etudes sur l’hystérie], donne en cinq points l’essentiel de la méthode cathartique. Tout d’abord, les auteurs exposent leur théorie de l’hystérie traumatique, c’est- à-dire qu’ils admettent que l’hystérie a normalement pour origine un accident qu’il est difficile de retrouver, parce que les patients n’aiment pas en parler ou parce qu’ils n’y voient pas de rapport avec leur symptôme, ou parce qu’ils l’ont oublié. […] Dans tous les cas, les divers symptômes ont avec le traumatisme initial un rapport étroit, que l’on peut secondairement rétablir grâce à l’hypnose.8 Cette notion de reviviscence sera ensuite l’un des piliers de la psychanalyse, bien que se détachant de la thèse des Etudes sur l’hystérie par l’abandon à la fois de l’hypnose et de la conception d’un événement traumatique unique à la base de la pathologie, au profit d’une vision plus globale de la personnalité. 2.2 L’OPPOSITION ENTRE L’APOLLINIEN ET LE DIONYSIAQUE La catharsis, et donc la guérison, ne peut se faire sans reviviscence affective, qui accompagne nécessairement la remémoration et la verbalisation nécessaires à la prise de conscience. Sans la reviviscence émotionnelle, la remémoration reste incomplète, purement idéative, isolée du contexte affectif de l’expérience autrefois vécue, ce qui ne permet plus au sujet de faire face à une vraie situation traumatique9. La reviviscence émotionnelle s’oppose ainsi à la remémoration intellectuelle. Toutes deux sont cependant pareillement indispensables, et elles se complètent : on retrouve la tension entre le lâcher-prise, uploads/Management/ la-catharsis-un-pont-entre-theatre-et-psychanalyse.pdf

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  • Publié le Jul 02, 2021
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