LA GESTION DU RISQUE : UNE QUESTION D’EXPERT ? Yvon Pesqueux APORS Éditions | «

LA GESTION DU RISQUE : UNE QUESTION D’EXPERT ? Yvon Pesqueux APORS Éditions | « Prospective et stratégie » 2012/1 Numéros 2-3 | pages 243 à 265 ISSN 2260-0299 ISBN 9782954226316 DOI 10.3917/pstrat.002.0243 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-prospective-et-strategie-2012-1-page-243.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour APORS Éditions. © APORS Éditions. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) © APORS Éditions | Téléchargé le 07/11/2021 sur www.cairn.info par Salaheddine AIT BELHADJ (IP: 41.249.205.102) © APORS Éditions | Téléchargé le 07/11/2021 sur www.cairn.info par Salaheddine AIT BELHADJ (IP: 41.249.205.102) La gestion du risque : une question d’expert ? Yvon PESQUEUX a notion de risque est d’ordre général. Or, nous constatons aujourd’hui le fait qu’elle tend à devenir une question d’expert. Quel est donc le chemine- ment qui a conduit vers cela ? La gestion des risques relève tout d’abord d’un paradoxe qui consiste à ramener le “hors limiteˮ, imprévisible par nature, dans des limites. C’est sans doute ce qui permet de comprendre les logiques de “sur-réactionˮ qui fondent la gestion des risques et la “sur-référenceˮ à des procédures, “sur-référenceˮ qui appa- raît en dualité, cette dimension “sur-procédurale” ayant surtout pour effet de mettre en place une logique incrémentale dans la tentative désespérée de ramener le “hors limiteˮ dans des limites. Or le “hors limite est justement d’une autre substance organisa- tionnelle que le “en limiteˮ, d’où le fait que la gestion des risques se trouve surtout être située dans l’univers de la conformité plus que dans celui du risque et que ce processus se fonde sur l’appel à la légitimité de l’expert, légitimité à défaut de laquelle il ne tiendrait pas. C’est en cela qu’à la dualité “honneur – confianceˮ, dualité fondatrice de l’expertise, les experts de la gestion du risque tendent à substituer la dualité “conformité – réputationˮ, le risque naissant de la non-conformité pour déboucher sur un risque de réputation qui lui est lié. La gestion des risques met donc en avant les représentations du risque portées par les L L © APORS Éditions | Téléchargé le 07/11/2021 sur www.cairn.info par Salaheddine AIT BELHADJ (IP: 41.249.205.102) © APORS Éditions | Téléchargé le 07/11/2021 sur www.cairn.info par Salaheddine AIT BELHADJ (IP: 41.249.205.102) 244 Prospective et stratégie experts. Le design y prévaut, c’est-à-dire une accumulation de méthodes, de protocoles (des outils et des démarches), de dispo- sitifs, etc., design qui rapproche la gestion du risque de la gestion de la qualité et l’expert en gestion des risques de l’expert en gestion de la qualité. D’un point de vue managérial d’ailleurs, à un TQM (total quality management) correspondrait un TRM (total risk management), cette perspective ouvrant le champ à l’émergence d’un modèle organisationnel1 du risque. Une carac- téristique marque implicitement ou explicitement les protocoles de la gestion des risques : la répétitivité supposée de leurs éléments, répétitivité supportée par le recours à des experts. Les protocoles sont conçus à partir de phases qui seraient répétées dans tous les cas de figure, indépendamment des spécificités des cas2, phases validées par l’intervention de l’expert. L’axe permettant de fonder la perspective gestionnaire du risque est celui qui distingue les techniques d’évaluation du risque (risk assessment) des techniques de management du risque (risk management), ces deux volets pouvant fonctionner aussi bien ensemble qu’indépendamment, au regard de l’expertise qui sera convoquée. Mais ces deux aspects reposent sur le postulat de l’objectivation possible du (ou des) risque(s) par l’expert. Rappe- lons d’ailleurs combien le risk assessment est une tradition des deux secteurs économiques que sont l’assurance et la banque, deux secteurs qui se sont toujours traditionnellement chargés des risques. Le domaine du risk assessment est à la fois d’ordre quantitatif (c’est-à-dire essentiellement la traduction du risque en termes financiers) et d’ordre qualitatif (expression du risque en termes d’impact potentiel et de probabilité de survenance). Il va combiner deux analytiques, celle de l’occurrence et celle de l’impact. Ce sont les raisonnements probabilistes qui dominent en la matière. 1 Y. Pesqueux, Organisations : modèles et représentations, PUF, Paris, 2002 2 N. Beck & J. Brüderl & M. Woywode, “Momentum or Deceleration? Theoretical and Methodological Reflections on the Analysis of Organizational Change “, Academy of Management Journal, June 2008, vol. 51, n° 3, pp. 413-435 © APORS Éditions | Téléchargé le 07/11/2021 sur www.cairn.info par Salaheddine AIT BELHADJ (IP: 41.249.205.102) © APORS Éditions | Téléchargé le 07/11/2021 sur www.cairn.info par Salaheddine AIT BELHADJ (IP: 41.249.205.102) La gestion du risque : une question d’expert ? 245 Les grands courants conventionnels du risk assessment, courants venant servir de référentiels aux experts du risque, sont les suivants :  La théorie de l’utilité espérée qui part de deux moti- vations premières qui sont considérées comme étant enracinées au plus profond de nos systèmes cognitifs : l’aversion pour le risque (donc éviter les situations dangereuses) et la recherche de réalisations (donc prise de risque). Ces deux motivations interfèrent avec les processus décisionnels faisant de la préférence non pas une constante, mais une construction. Le décideur, considéré comme rationnel et conscient, maximise une fonction d’utilité sous contraintes classiques de temps et de budget en s’appuyant sur de l’information. Con- fronté à différentes situations, il recherche la maximi- sation de l’utilité espérée compte tenu d’une probabi- lité associée au risque (son aléa).  La théorie des perspectives a été fondée par D. Kahneman & A. Tversky3 en partant du constat de la non-linéarité des probabilités associées aux événe- ments auxquels les individus se trouvent confrontés. À la différence de la théorie précédente, deux phases construisent le choix : la phase de structuration des informations qui est une phase préparatoire de “refor- mulation – simplification” et la seconde, phase d’éva- luation, qui conduit à évaluer les options et choisir celle qui a le plus de valeur. En d’autres termes, des probabilités subjectives se substituent aux probabilités objectives de la théorie précédente. Ces deux courants sont complétés par les théories de l’acceptabilité du risque avec :  La théorie sociale ou psychométrique du risque qui s’intéresse aux déterminants des perceptions du risque compte tenu d’un postulat de rationalité empirique globale du risque effectuée par les individus. P. Slovic4 3 D. Kahneman & A. Tversky, “Prospect theory: an analysis of decision under risk”, Econometrica, 1979, n° 42, pp. 263-291. 4 P. Slovic, “Perception of Risk”, Science, n° 236, 1987, pp. 280-285. © APORS Éditions | Téléchargé le 07/11/2021 sur www.cairn.info par Salaheddine AIT BELHADJ (IP: 41.249.205.102) © APORS Éditions | Téléchargé le 07/11/2021 sur www.cairn.info par Salaheddine AIT BELHADJ (IP: 41.249.205.102) 246 Prospective et stratégie a ainsi proposé des items “qualité” du risque : son caractère volontaire (exposition au risque), connu (ou inconnu), la perception de ses conséquences immé- diates ou différées, l’estimation des conséquences subies par les générations futures, son caractère juste (ou injuste), son ampleur catastrophique, la confiance (ou non) dans l’évaluation du risque proposée par la communauté scientifique, son rapport “coût – bénéfice”.  Le principe de précaution (avec son analyse “coût – bénéfice”). Rappelons aussi que, conformément aux catégories du management, le risk management va prendre deux dimensions (plus une liée aux contingences sectorielles), d’où la segmen- tation de l’expertise. La dimension stratégique du risk manage- ment tend à être formalisée de plus en plus par référence à une gouvernance des risques, la dimension opérationnelle par rapport à des normes ou des méthodes et au regard de formalisation de thèmes de gestion (avec, par exemple, le PCA – plan de conti- nuation d’activité). Cette autre distinction est ce qui permet de distinguer “gouvernance des risques” de “gestion des risques” ou encore le risque “pour” les organisations du risque “de” l’orga- nisation ainsi que les fonds de commerce de l’expertise corres- pondante. C’est aussi dans le cadre du risk management qu’opère la distinction entre “audit des risques” (identification des failles et des vulnérabilités) et “analyse des risques” (intégration de l’analyse de la conséquence de la faille), deux autres volets de l’expertise. C’est cet ensemble “risk assessment – risk manage- ment” qui a donné lieu à la distinction entre les approches par la mesure de l’historique qui consiste à travailler sur l’historique des incidents (qui est en particulier imposée par Bâle II dans le secteur bancaire), les approches par la mesure des risques intrinsèques qui consiste à analyser les probabilités de surve- nance et les impacts “de” et “sur” les métiers dans le but de dresser une cartographie des risques perçus et les approches par la mesure des risques résiduels afin d’analyser les impacts “de” et “sur” les métiers et d’estimer les vulnérabilités correspondantes. uploads/Management/ pstrat-002-0243 1 .pdf

  • 21
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Dec 18, 2022
  • Catégorie Management
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.3602MB