L’adoption du BIM dans les agences d’architecture en France Élodie Hochscheid1,
L’adoption du BIM dans les agences d’architecture en France Élodie Hochscheid1, [1], et Gilles Halin1,2 1 MAP-CRAI (UMR n° 3495), École Nationale Supérieure d’Architecture de Nancy, 2 rue Bastien Lepage, 54000 Nancy, France 2 Université de Lorraine, 54000 Nancy, France Résumé. Les modèles d’adoption et d’acceptation des innovations permettent d’identifier des facteurs qui jouent un rôle dans le choix d’adopter une technologie innovante. Nous exploitons ces modèles ainsi que les observations que nous avons faites lors d’entretiens avec des architectes pour dresser un état de l’art non quantitatif de l’adoption du BIM dans les agences d’architecture en France. Mots-clés. BIM, France, adoption, implémentation, diffusion, changement, facteurs, agences, architecture, architectes, changement, résistance, acceptation. Abstract. Innovation adoption models help identifying factors that influence the adoption and acceptance of a technology. We exploit these models and the observations we made during interviews with architects to make a non-quantitative state of the art of BIM adoption in architecture firms in France. Keywords. BIM, France, adoption, implementation, dissemination, change, factors, architecture firms, architects, change, resistance, acceptance. 1. Introduction Le Building Information Modeling (BIM) est un ensemble de technologies et processus de travail qui sont de plus en plus utilisés dans le secteur de la construction de nombreux pays. Les études comparant le niveau d’adoption du BIM de différents pays sont maintenant courantes, mais la France y est peu représentée car elle ne fait pas partie des leaders dans ce domaine. 1 Corresponding author: elodie.h@crai.archi.fr SHS Web of Conferences 47, 01009 (2018) https://doi.org/10.1051/shsconf/20184701009 SCAN’18 © The Authors, published by EDP Sciences. This is an open access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License 4.0 (http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/). Ces dernières années ont été marquées par une accélération de l’adoption et de la diffusion du BIM. Ces phénomènes sont souvent abordés via des approches quantitatives, alors que les approches qualitatives, portent un fort potentiel (Miettinen et Paavola, 2014). Des témoignages d’architectes ont montré une adaptation des modes d’exercice (évolution des compétences, profils professionnels et organisations) lors de la large informatisation de la profession d’architectes dans les années 1990-2000 (Tapie, 2000). Sylvain Maresca, sociologue, a étudié l’évolution des pratiques et l’impact du numérique sur la profession de photographe (Maresca et Sagot-Duvauroux, 2011). Son travail met en évidence des difficultés similaires chez les photographes à celles constatées chez les architectes aujourd’hui avec la diffusion du BIM. Avec un recul temporel plus important sur la photographie numérique que sur la maquette numérique, ses travaux ont mis en évidence une profonde transformation de la profession de photographe. Les architectes pourraient connaître une évolution similaire de leurs profession et cadre de travail. L’étude de l’évolution des pratiques chez les architectes est rare, mais nécessaire, et de nombreuses recherches restent à mener sur le sujet pour comprendre cette transition et l’accompagner au mieux. Cet article propose, au travers d’une étude bibliographique, d’identifier les mécanismes à l’œuvre lors de l’adoption d’une innovation, et en particulier du BIM. Après avoir clarifié l’usage des termes diffusion, adoption et implémentation associés à celui de BIM, nous proposons une synthèse des facteurs qui influencent la décision d’adopter cette technologie. Pour étudier spécifiquement le cas de la France, nous proposons ensuite une synthèse des publications françaises qui ont pour vocation de faciliter l’adoption du BIM. Nous restituons également une partie des entretiens que nous avons menés, qui ont révélé les stratégies d’évitement du BIM mises en œuvre par les architectes. 2. Diffusion, implémentation, adoption, une confusion Différents mots et un vocabulaire particulier sont employés dans la littérature pour qualifier le passage au BIM, ce qui peut entraîner une confusion terminologique. Les termes diffusion, adoption et implémentation, utilisés pour décrire l’intégration d’une innovation dans un système social, sont également associés au BIM qui est considéré comme une innovation dans le secteur de la construction (Succar et Kassem, 2015). Nous proposons une définition de ces trois termes afin de délimiter le cadre de notre étude. 2.1 Diffusion du BIM La diffusion est le processus par lequel une innovation est communiquée aux membres d’un système social au travers de certains canaux pour arriver à une compréhension commune de celle-ci (Rogers, 2003). Cela correspond à la propagation de cette innovation. C’est, d’une part, l’augmentation du nombre d’entreprises qui l’exploitent (diffusion interentreprises) et d’autre part l’intensification de l’exploitation de l’innovation au sein d’une entreprise (diffusion intraentreprise, Stoneman et Diederen, 1994). 2.2 Implémentation du BIM L’implémentation du BIM ou BIM implementation est l’ensemble des activités qui consistent à déployer le BIM en améliorant les livrables (produits) et le déroulement du travail (processus) (Kassem et Succar, 2017). Elle succède à la décision d’adoption (Klein et Joann, 1996). L’implémentation est un processus complexe pour une entreprise. 2 SHS Web of Conferences 47, 01009 (2018) https://doi.org/10.1051/shsconf/20184701009 SCAN’18 2.3 Adoption du BIM Le terme adoption fait référence à différents concepts dans la littérature. Il correspond, en fonction des auteurs : - À une décision, prise généralement par la direction d’une entreprise, indiquant que les employés devront utiliser cette innovation pour leur travail (Klein et Joann, 1996 ; Ahmed et al., 2017). - Au processus qui consiste à intégrer une innovation (Rogers, 2003), qui est une combinaison entre les concepts d’implémentation et de diffusion (Succar et Kassem, 2015). - Au moment où, après une période de préparation, la technologie a été implémentée avec succès (Point d’Adoption ou PoA) (Succar et Kassem, 2015). La capacité d’une entreprise à mettre en œuvre un processus BIM est appelée maturité, mesurée en trois niveaux (Boton et Kubicki, 2014) : 1) Modélisation orientée-objet ; 2) Collaboration orientée modèle ; 3) Intégration orientée-réseau. Dans le modèle de (Succar et Kassem, 2015), il existe trois points d’adoption (PoA) pour chacun de ces niveaux de maturité. Afin d’éviter toute confusion, nous différencierons la décision d’adopter le BIM (moment où la décision est prise par la direction de l’entreprise), l’adoption (processus qui intègre toutes les étapes par lesquelles une entreprise passe pour intégrer une technologie dans sa pratique), et la confirmation de l’adoption (qui correspond à la stabilisation de l’utilisation de la technologie dans l’entreprise ; à l’issue de cette étape, la technologie est maîtrisée et stabilisée au sein de l’entreprise). Par ailleurs, dans cet article, il est question en particulier de la décision d’adopter le BIM chez les architectes et des facteurs qui interviennent dans cette décision. 3. La décision d’adopter une technologie Une revue bibliographique des modèles comportementalistes et de la littérature spécifique au BIM nous permet d’identifier des facteurs qui jouent un rôle dans la décision d’adopter le BIM (outils, processus et organisation du travail). 3.1 Modèles comportementalistes Les modèles dits comportementalistes identifient les facteurs qui influencent l’adoption d’une technologie. Les plus connus sont la Technology Acceptance Model, Unified Theory of Acceptance and Use of Technology, Technology Task Fit (Tétard et Collan, 2009). Nous exploitons ces modèles pour identifier les facteurs qui interviennent dans la décision d’adopter le BIM dans une agence d’architecture (facteurs d’influence). La Lazy user theory (Tétard et Collan, 2009) décrit la manière dont un utilisateur choisit de manière rationnelle une solution parmi d’autres pour répondre à ses besoins. Selon cette théorie, il sélectionne la solution qui lui semble être la plus utile, et qui lui demande le moins d’effort à l’utilisation, d’où son nom : la théorie de l’utilisateur fainéant. 3.2 Processus de décision lié à l’adoption du BIM Faire évoluer ses pratiques de travail demande un effort important, et n’est donc envisagé que si la nécessité de ce changement est perçue. Lors de la phase de réflexion (figure 1), le décideur évalue : 3 SHS Web of Conferences 47, 01009 (2018) https://doi.org/10.1051/shsconf/20184701009 SCAN’18 - L’effort à fournir (temps, argent, énergie) pour implémenter2 une innovation. - L’utilité de l’innovation au vu de son activité et de ses besoins3. L’option qui demande le minimum d’effort à l’implémentation et qui a une utilité maximale sera préférée. Mais le décideur évalue ces deux points a priori et sa décision est influencée par les facteurs suivants (figure 1) : A. Le décideur (expérience, âge, personnalité, etc.), B. Les solutions elles-mêmes (technologie, processus), C. Le contexte de l’entreprise : - Le contexte interne de celle-ci (Ci) : taille de l’entreprise, types de projets réalisés, stratégie de l’entreprise, etc. qui définissent les besoins de celle-ci. Ce contexte reste à définir plus précisément dans le cas spécifique d’une agence d’architecture ; - Le contexte externe de l’entreprise (Ce) : structuration du secteur, concurrence, réglementation, etc. D. La communication liée à cette solution (documentation, communication commerciale, résultat de la diffusion). Figure 1. Processus de décision lié à l'adoption du BIM d’après (Rogers, 2003 ; Hochscheid et al., 2016) 3.3 Facteurs d’influence identifiés pour l’adoption du BIM Une courte revue bibliographique des travaux relatifs à l’adoption du BIM (tableau 1) a permis de relever les facteurs d’influence suivants : - Culturels : attachement aux méthodes traditionnelles. - Économiques et financiers : coût du matériel et des logiciels, temps nécessaires aux formations. - Légaux et institutionnels : manque de clarté quant à la définition des rôles, contrats et assurances. Manque de standards nationaux, de guides et documentation disponibles. - Techniques : uploads/Management/ shsconf-scan18-01009.pdf
Documents similaires
-
17
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Dec 30, 2022
- Catégorie Management
- Langue French
- Taille du fichier 0.5620MB