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E N T R E T I E N XAVIER URBAIN CEO Ceva Logistics Supply chain management et prestataires de services logistiques1 L’article, rédigé à partir des échanges avec Xavier Urbain, présente les réflexions et la vision de l’un des dirigeants français du monde de la prestation de services logistiques. Depuis plus de trente ans, il dirige en effet des prestataires de services logistiques et est donc le témoin privilégié des grandes évolutions de ce secteur au niveau mondial. Dans le cadre de cet entretien centré sur le supply chain management et la création de valeur, Xavier Urbain a privilégié trois thèmes : 1) la notion de SCM et son appréciation chez les prestataires de services logistiques par rapport à la vision traditionnelle des industriels et distributeurs, 2) l’intégration des prestataires de services logistiques au sein des supply chains des clients, 3) les facteurs clé de succès pour créer de la valeur, ceux d’hier et d’aujourd’hui mais aussi ceux de demain. DOI: 10.3166/rfg.2019.00309 © 2018 Lavoisier 1. Cet article est issu des échanges entre Xavier Urbain et Laurent Livolsi. D epuis plus de 30 ans, Xavier Urbain dirige des sociétés de prestations de services logistiques en France et à l’international. Il est incontestablement l’un des meilleurs connaisseurs de ce secteur et de son évolution. Il fait partie de ces grands dirigeants français dans le domaine, qui ont créé ou pilotent des entreprises de taille européenne ou mondiale, avec Éric Hémar (ID Logistics), Vincent et Cyrille Bolloré (Bolloré Logistics), Francis et Stanislas Lemor (Stef), Alain Picard et Marie- Christine Lombard (respectivement DG de SNCF Logistics et Géodis), Patrick Daher (Daher) ou encore Jean-Christophe Machet (FM Logistic). La liste pourrait être plus longue, mais nous n’oublierons pas aussi une figure emblématique comme Norbert Dentressangle avant qu’il ne vende ND Logistics au groupe américain XPO Logis- tics. Les prestataires européens sont parmi les leaders mondiaux, et la France a une vraie expertise même si celle-ci n’est pas toujours reconnue et valorisée à sa juste place… Nous avons voulu, avec Xavier Urbain, évoquer le positionnement des prestataires de services logistiques en termes de supply chain management et au sein des supply chains. Parmi tous les thèmes qu’il aurait été possible d’aborder, nous avons fait le choix de trois. Le premier concerne d’abord le terme lui-même. De quoi parle-t-on quand on évoque le supply chain management, en distinguant la vision classique des chargeurs et celle des prestataires de services logisti- ques ? Le deuxième porte sur l’évolution des relations entre chargeurs et prestataires, avec le constat d’une intégration croissante de ceux-ci dans les stratégies supply de leurs clients. Ce deuxième point témoigne de la montée en compétences des prestataires et de leur capacité à créer de la valeur pour leurs clients, et les clients de leurs clients. Enfin, le troisième et dernier thème a trait aux facteurs clés de succès dans le métier de la prestation de services logistiques et transport. Il s’agit de revenir sur les compétences stratégiques développées pour créer de la valeur pour les clients et d’interroger les enjeux de demain face aux instabilités politiques, à la révolution digitale et aux questions environnementales et sociales. I – ÉVOLUTION DU SCM La notion de supply chain management demeure confuse, et s’il existe de nom- breuses définitions, la considération qu’en ont les professionnels reste hétérogène. Bien sûr, chez les chargeurs, pour reprendre la terminologie classique, il s’agit de rassem- bler les fonctions traditionnelles (achat, production, marketing et logistique) sous la houlette d’un chef d’orchestre en charge du pilotage des opérations, ce qui aura des conséquences sur les exigences vis-à-vis des prestataires de services logistiques. Mais, si l’on considère de façon plus globale que le supply chain management est affaire de transversalité au sein des entreprises alors la démarche concerne aussi les prestataires de services logistiques et vise à décloisonner leurs traditionnelles business units centrées souvent sur les métiers du transport. 1. Supply chain management chez les chargeurs Pour les prestataires de services logistiques, avant de parler de supply chain manage- ment, il faut revenir à la logistique qui a été 206 Revue française de gestion – N° 277/2018 la première réflexion de leurs clients. Il y a des années, de nombreuses années puisque l’on peut revenir jusqu’aux années 1980, la logistique était un métier émergent, une fonction (chez les industriels et les dis- tributeurs) peu ou pas reconnue dans ses contenus et possibles impacts stratégiques. C’était plutôt une fonction considérée comme devant permettre de traiter les flux et apporter les bons produits au bon moment en quantité et qualité. La notion de supply chain à l’époque n’était donc pas une idée développée. La question s’est donc d’abord posée, et de plus en plus au fil du temps, de savoir s’il fallait continuer à faire en interne ou s’il fallait externaliser en utilisant des entre- prises de prestations de services. La tendance a été au départ de plutôt faire en interne parce que les gisements de pro- ductivité étaient nombreux et accessibles, mais aussi qu’il n’y avait sans doute pas les compétences de fonctionnement en interne pour formaliser précisément des cahiers des charges et que le marché lui-même n’était pas assez structuré. Progressivement, à partir des années 1990, l’externalisation est devenue plus classique et logique. Logique d’abord parce qu’il s’agissait, toujours pour les chargeurs, de se recentrer sur leurs core competencies et de ré-affecter un maximum de ressources sur celles-ci pour demeurer compétitifs. Logique ensuite parce que le marché de la prestation de services logistiques s’est développé et que ses acteurs ont acquis des compétences distinctives qui leurs confèrent de réelles expertises au service de leurs clients. L’externalisation s’est donc faite progressi- vement, depuis les activités de transport routier, puis d’entreposage et, bien sûr derrière pour l’aérien et le maritime. Depuis le début des années 2000, cette vision a évolué vers la supply chain c’est-à- dire que les entreprises ont désormais plus une réflexion en termes de supply chain management que de logistique. On le voit bien dans le titre des patrons supply chain. Il y a quelques années encore, le titre c’était directeur logistique et aujourd’hui c’est directeur supply chain. Donc, clairement, il y a eu une transformation extrêmement importante de l’intérêt de travailler sur la supply chain en décloisonnant les fonctions de l’entreprise, et en partant de l’aval jusqu’à l’amont, sachant que l’aval mainte- nant c’est le client final en particulier sur la partie e-commerce. L’objectif est de piloter les flux en partant du marché, de la prévision des ventes, et en planifiant ensuite l’en- semble des opérations dans la lignée des démarches de S&OP (Sales and Operations Planning). Depuis environ une dizaine d’années, on voit donc un mouvement de fond considérant la supply chain comme un élément stratégique de l’entreprise, un élément stratégique dans le sens de la création de valeur pour l’entreprise et pour le client final en intégrant l’omnicanalité et la digitalisation. Cette évolution a profon- dément modifié les attentes des chargeurs vis-à-vis des prestataires de services logis- tiques, comme nous l’évoquons ensuite, entraînant une réflexion de ceux-ci sur leur propre structure et leur décloisonnement nécessaire. 2. Supply chain management chez les prestataires de services logistiques Comme nous l’avons évoqué, les démarches d’externalisation progressive des activités transport et logistique ont conduit les prestataires de services logistiques, au-delà SCM et prestataires de services logistiques 207 des contraintes d’exploitation, à développer une offre métier souvent regroupée au sein de business units dédiées, depuis les modes de transport (routier, aérien, maritime et ferroviaire) jusqu’aux activités d’entrepo- sage. Mais quand on parle de supply chain, on parle certes toujours de flux physiques et de flux d’information mais on n’est plus dans un schéma qui est compartimenté avec d’un côté le transport routier, le maritime, l’aérien, le ferroviaire et l’entreposage… mais sur des logiques de bout en bout. Par analogie avec le ferroviaire, et pour changer de la traditionnelle métaphore de la chaîne logistique et de ses maillons, il s’agit désormais de synchroniser des wagons de la supply chain afin d’identifier de nouvelles sources d’économies en termes de coûts transport, logistique et globalement supply chain si l’on considère les enjeux de réactivité par rapport au marché avec les contraintes de stockage et de cash-flow liées. Si aujourd’hui la supply chain est devenue clairement un élément de la stratégie des entreprises, elle appelle une refonte des organisations des prestataires de services logistiques avec un décloisonnement des traditionnels découpages par activité pour proposer, au contraire, une vision plus intégratrice. Sans oublier les contraintes opérationnelles, il s’agit de proposer des offres globales liées aux métiers des clients avec des « supply » dédiées pour l’automo- bile, l’aéronautique, le luxe ou les produits de grande consommation… en intégrant la diversité des canaux de distribution possible. Une telle reconfiguration se concrétise parfois dans l’émergence de business units spécifiques qui se substituent, ou pas dans le cas d’organisations matricielles, aux appro- ches métiers traditionnelles. Les offres « supply » des prestataires de services logistiques ne sont pas seulement constituées par la capacité à réaliser les opérations traditionnelles de transport et de uploads/Management/ supply-chain-management-et-prestataires-de-services-logistiques.pdf

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  • Publié le Mar 21, 2021
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