1 DE NOUVELLES PERSPECTIVES POUR LE CONTRÔLE DE GESTION COMMUNAL Caroline TAHAR

1 DE NOUVELLES PERSPECTIVES POUR LE CONTRÔLE DE GESTION COMMUNAL Caroline TAHAR Maître de conférences CREM UMR 6211 IGR – IAE Université de Rennes 1 caroline.tahar@univ-rennes1.fr Résumé En quelques décennies la gestion publique a beaucoup évolué. La place et le rôle des usagers sont désormais reconnus. De plus, la volonté d’améliorer la performance des services publics a conduit à l’utilisation d’outils de gestion. Parallèlement des interrogations apparaissent concernant l’évolution du contrôle de gestion. Nous avons cherché à répondre à la question suivante : quelles perspectives tracer pour le contrôle de gestion communal ? À travers une recherche-intervention menée dans les services municipaux d’une ville de taille moyenne, nous proposons de mettre en place des systèmes de pilotage de la performance qui s’intéressent aux opérations et aux processus et soit centrés sur la valeur pour l’usager des services publics. Mots clés Performance – usagers – valeur – processus – contrôle de gestion Abstract For a few decades management in public sector has evolved a lot. The place and role of users are now recognized. Besides, in order to improve public performance, measures of performance and management systems are set. In the same time, queries appear on the evolution of management control. In this paper, we try to answer the following question: which perspectives can be opened up for management control in municipal services? Through an intervention research in municipal services of a medium-sized town, we propose to set up performance management systems which pay more attention to processes and operations and focus on value for the user of public services. Key words Performance – users – value – process – management control 2 Dès 1953, Pierre Mendès-France1, Président de la commission des finances de l’Assemblée Nationale, évoque la nécessité de rationaliser les dépenses publiques. Mais ce n’est que depuis la fin des années soixante que des réformes importantes se succèdent au sein de l’administration. Leur but déclaré est d’adapter, moderniser, rationaliser l’administration et la rendre plus efficace. Dans le même temps, l’usager des services publics voit sa place et ses droits reconnus, ce qui entraîne de profondes transformations des relations des administrations avec leurs bénéficiaires. Cette évolution implique l’usage d’outils de gestion pour rendre les organisations publiques plus performantes. Ainsi, le contrôle de gestion s’y généralise. Cependant le pilotage de la performance publique interroge. En 1999, Lorino met en exergue la nécessité d’en renouveler les méthodes classiques. Quinze ans plus tard, à travers cet article, nous cherchons à répondre à la question suivante : quelles sont les perspectives du contrôle de gestion communal ? Quelles voies nouvelles doit-il emprunter pour améliorer la performance publique ? Pour y répondre, nous nous appuierons sur une étude longitudinale réalisée au sein d’une mairie. Basée sur une recherche-intervention, elle révèle une évolution du contrôle de gestion communal. Centré sur la valeur pour l’usager, il appréhende la performance publique dans sa globalité. Il étend son champ d’action à des aspects opérationnels et s’intéresse aux processus de délivrance du service. Après avoir retracé les principales réformes de la gestion publique et mis en évidence les interrogations qui pèsent actuellement sur la recherche en contrôle de gestion (1), nous présenterons cette étude longitudinale (2). En nous appuyant sur les résultats qui en sont issus, nous proposerons des perspectives pour le contrôle de gestion communal, celles d’un système global de pilotage de la performance ancré dans les processus opérationnels et centré sur l’usager (3). 1. Des services publics en quête de performance Des réformes de la gestion publique se succèdent depuis plusieurs décennies avec pour but l’amélioration de la performance publique. À travers elles, la figure de l’usager apparaît. D’un administré passif, il devient un acteur du service public avec des droits et un rôle (1). Cette nouvelle gestion publique implique l’usage d’outils de gestion dans les administrations. Ainsi, le contrôle de gestion s’y généralise au moment même où des interrogations apparaissent sur l’évolution de la recherche dans ce domaine (2). 1.1 L’émergence de la figure de l’usager à travers les réformes de modernisation des services publics C’est en 1968, avec le lancement de la Rationalisation des choix budgétaires (RCB), que débute ce mouvement. Inspirée du Planning programming budgeting system (PPBS) américain, elle a pour objectif de mettre en place une méthode de rationalisation et de contrôle 1 Nous faisons ici référence au discours de Pierre Mendès-France à l’Assemblée Nationale du 3 juin 1953. Il y déclare que « Gouverner, c'est choisir, si difficiles que soient les choix. Choisir, cela ne veut pas dire forcément éliminer ceci ou cela, mais réduire ici et parfois augmenter ; en d'autres termes, fixer des rangs de priorité. » 3 des résultats de l’action administrative. Cependant, son répertoire d’action est plus juridique que gestionnaire (Jeannot et Guillemot, 2010). Dans les années 70, la loi commence à s’intéresser aux bénéficiaires des services publics et leur reconnaît des droits face à l’administration. En 1973, un Médiateur de la République reçoit «les réclamations concernant, dans les relations avec les administrés, le fonctionnement des administrations de l’État, des collectivités publiques territoriales, des établissements publics et de tout autre organisme investi d’une mission de service public». Cinq ans plus tard, une loi portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public reconnaît aux citoyens «la liberté d’accès aux documents administratifs» et institue la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA). L’année suivante paraît la loi relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public. Mais ce n’est qu’en 1983 qu’apparaît la notion d’usager des services publics dans un rapport parlementaire remis au Premier ministre. Il s’agit du rapport Sapin, son titre « La place et le rôle des usagers dans les services publics » (Sapin, 1983) exprime une vision nouvelle du bénéficiaire d’une prestation publique : il a un rôle et des droits. À la fin de cette même année, un décret concernant les relations entre l'administration et les usagers est publié. En 1989, le concept d’évaluation des politiques publiques est associé au service à l’usager avec le lancement de la politique de Renouveau du service public (circulaire Rocard). Cette circulaire comprend quatre axes : une politique de relations du travail rénovée, une politique de développement des responsabilités, un devoir d’évaluation des politiques publiques, une politique d’accueil et de service à l’égard des usagers. Pour Jeannot et Guillemot (2010), avec la circulaire Rocard, « les questions de gestion sont au centre de la réforme ». Un an plus tard, en 1990, un décret relatif à l’évaluation des politiques publiques met en place un dispositif d’évaluation interministériel, avec un Conseil scientifique de l’évaluation (CSE). En plus de la recherche de plus d’efficacité, s’ajoute la prise en compte des usagers. En effet, la même année, une Commission pour la simplification des formalités est créée (Cosiform). Il est remplacé 1998 par le Conseil national de l’évaluation (CNE). Cette même année, trois autres évènements témoignent de la volonté d’améliorer l’efficacité des services publics et la qualité de service rendu aux usagers. En janvier, le Programme d’action gouvernemental pour la société de l’information (PAGSI) est lancé. Il prévoit notamment la généralisation des sites internet des services publics et la mise en ligne des formulaires administratifs. Ce programme témoigne du fait que « l’amélioration des relations entre l’administration et le citoyen devient un souci constant du gouvernement » (Alcaud et Lakel, 2004). En juin, une circulaire est à l’origine de la création des Programmes pluriannuels de modernisation des administrations. Chaque programme « a pour objet de déterminer les orientations stratégiques du ministère [concerné], de formaliser une volonté collective d'assurer avec efficacité les missions entrant dans ses attributions ». L’objectif de ces programmes est « d'assurer la cohésion sociale et territoriale de notre pays et de mieux répondre à l'attente de nos concitoyens ». En décembre de cette même année, le décret relatif aux simplifications administratives prévoit pour chaque ministère des programmes annuels de simplification des formalités et des procédures administratives et crée une Commission pour les simplifications administratives (COSA). 4 En 2000, la loi relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations impose de nouvelles obligations aux services publics. Elle les oblige notamment à informer l’usager du nom de l’agent chargé de suivre leur dossier, à délivrer systématiquement un accusé de réception et à transmettre à l’autorité compétente une demande qui lui serait adressée par erreur. En décembre, un décret va plus loin dans la simplification des démarches administratives, il supprime notamment la fiche d’état civil. En plus d’améliorer les relations avec les usagers, cette simplification contribue à maîtriser les dépenses publiques (Tahar, 2013). Le portail internet de l’administration Service-public.fr est créé la même année. En 2001, la Loi organique relative aux lois de finance (LOLF), « point d’orgue d’un long processus d’institutionnalisation de la mesure de la performance » (Guénoun et Saléry, 2009) est votée par la quasi-unanimité des parlementaires. Selon ses « pères », Lambert et Migaud (2006) elle modifie profondément « la perspective de la gestion publique en substituant à la traditionnelle gestion orientée vers les moyens une gestion uploads/Management/ tahar.pdf

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  • Publié le Oct 19, 2021
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