Les déterminants des performances scolaires des élèves marocains Amina Benbiga,

Les déterminants des performances scolaires des élèves marocains Amina Benbiga, Said Hanchane, Nisrine Idir et Tarek Mostafa * Introduction Le Maroc fait partie des pays en développement dont le niveau des acquis des élèves reste relativement faible. En dépit des efforts engagés en vue d’améliorer en partie la qualité des apprentissages, les résultats des enquêtes internationales et nationales révèlent de faibles niveaux des acquis. Dès lors, l’objectif de cet article est de revenir sur les facteurs qui influencent les performances scolaires des élèves. Nous nous intéressons plus spécifiquement aux déterminants microéconomiques de la qualité de l’éducation à travers les performances des élèves. Les études sur les déterminants des performances scolaires sont riches d’enseignement. Les premières contributions se sont focalisées sur le rôle de l’environnement familial dans l’explication de la réussite des élèves (Coleman, 1966, par exemple). D’autres, plus récemment, ont abordé les facteurs liés à l’établissement scolaire. Pour autant, les contributions récentes mettent en avant l’importance à la fois de l’environnement familial et de l’école (Hanushek, 2003). Des travaux plus récents soulignent également l’influence des pairs sur les performances scolaires. Le présent travail s’inscrit dans cette logique. Son originalité se situe à un double niveau. La première réside dans la mise en évidence de l’ensemble des facteurs explicatifs des performances des élèves et des inégalités scolaires. Malgré l’existence d’une littérature abondante sur le sujet, cette question n’a pas été abordée, à notre connaissance, dans le cas marocain. La seconde cherche à corriger les problèmes d’endogénéité dans les modèles multiniveaux. Enfin, * Amina Benbiga, Instance nationale de l’évaluation auprès du Conseil supérieur de l’Enseignement, Rabat, Maroc ; Said Hanchane, Instance nationale de l’évaluation auprès du Conseil supérieur de l’Enseignement, Rabat, Maroc ; Idir Nisrine, Instance nationale de l’évaluation auprès du Conseil supérieur de l’Enseignement, Rabat, Maroc ; Tarek Mostafa, University of London, Institute of Education, England. 70 Amina Benbiga, Said Hanchane, Nisrine Idir et Tarek Mostafa la technique d’imputation adoptée permet de traiter de façon pertinente les valeurs manquantes dans les bases de données. Cet article est structuré en trois parties. La première aborde la littérature empirique sur les déterminants de la réussite scolaire des élèves. La deuxième partie examine le modèle utilisé et décrit la base de données du Programme national d’évaluation des acquis (PNEA). Elle examine l’approche et la méthodologie utilisée. Enfin, la troisième partie traite des résultats obtenus et nous permet de formuler les principaux enseignements pouvant être tirés de nos résultats en matière de politiques publiques. Les déterminants des performances scolaires : un regard sur la littérature empirique L’association entre origine sociale et réussite scolaire Il existe un consensus dans les études sur le lien entre le contexte familial et la réussite scolaire des élèves. La plupart convergent vers un lien étroit entre l’environnement familial de l’élève et ses performances. En effet, la corrélation entre l’origine sociale et la réussite scolaire est une des relations les plus stables et les plus avérées en sciences sociales. Les contributions empiriques ont généralement tendance à estimer l’environnement familial par le statut socio-économique (SSE), mesuré par le niveau de scolarité et la profession des parents ainsi que le revenu familial (Coleman et al., 1966 ; hakkinen et al. 2003 ; Heyneman et Loxley, 1983). Il ressort généralement de ces différentes études que le niveau de scolarité des parents est le plus significatif. Il représente en effet une source importante de disparités dans les performances des élèves (Chevalier et Lanot, 2002 ; Fuchs et Wößmann, 2004 ; Purcel et Dufur, 2001 ; Schiller et al., 2002 ; Willms et Somers, 2001 ; Yayan et Berberoglu, 2004). Les premières contributions considéraient séparément les variables liées au statut socio-économique des parents. Par exemple, l’éducation des parents n’a pas la même influence que le revenu de la famille sur la réussite des élèves. Yuang (2003) pense que le SSE est un concept multidimensionnel et une mesure hiérarchique qui fonctionne à différents niveaux. L’auteur suggère qu’il serait préférable de séparer les différentes composantes du SSE. Il trouve que si le capital culturel et éducatif influence les performances des élèves, la situation économique des parents n’a aucun impact sur leur réussite scolaire. D’autres travaux confirment le rôle de l’éducation des parents sur les performances scolaires des élèves. Fuchs et Wößmann (2004) concluent, à partir des données du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA), que les effets de l’éducation des parents sur la réussite des élèves de 15 ans en lecture sont plus significatifs comparativement aux impacts de celle-ci sur leur réussite en mathématiques et en sciences. Notons également que d’autres contributions montrent que les antécédents familiaux exercent un effet important sur le rendement des élèves de 9 et 13 ans (Hanushek et Luque, 2003). Plus précisément, les auteurs trouvent Les déterminants des performances scolaires des élèves marocains 71 que les étudiants issus de familles défavorisées ou dont le niveau d’éducation des parents est faible ont systématiquement de moins bons résultats. Suivant la même logique, Schiller et al. (2002) montrent que les parents instruits semblent plus aptes à fournir à leurs enfants un soutien pédagogique et social important pour la réussite scolaire, comparativement aux parents dont le niveau d’éducation est faible. Ceux dont le niveau d’éducation est plus élevé ont également un meilleur accès à une grande variété de ressources économiques et sociales (par exemple, la structure familiale, l’environnement familial, l’interaction parent-enfant) pouvant être mises à profit pour aider leurs enfants à réussir à l’école (Wössmann, 2008 ; Schuetz, Ursprung & Wössmann, 2008 ; etc.). Par exemple, Yayan et Berberoglu (2004) remarquent que lorsque le niveau de scolarité des parents et le nombre de livres à la maison sont supérieurs, les performances des élèves de la 2e année du collège augmentent en mathématiques. De même, Thompson et Johnston (2006) trouvent que les élèves dont le niveau socio-économique est élevé (nombre de livres à la maison, etc.) sont plus avantagés dans les pays de l’OCDE. D’ailleurs, la littérature sociologique indique que le nombre de livres à la maison représente une indication relativement importante du niveau socioculturel de la famille. Globalement, il existe un certain consensus sur l’effet significatif du milieu familial sur les performances des élèves. Il n’en demeure pas moins que l’impact du statut professionnel des parents et l’interaction parents-enfants n’est pas clair (Chevalier et Lanot, 2002 ; Ganzach, 2000). Dans certains travaux, l’effet de la famille peut être négatif ou non significatif. Ceci indique que le statut socio- économique des parents n’a pas d’impact sur les apprentissages des élèves, et donc sur leur réussite scolaire. Iverson et Walberg (1982) ont montré que la performance académique est plus fortement liée à l’environnement psychosociologique et au degré de stimulation intellectuelle à la maison qu’au statut socio-économique de la famille (cité par Meuret et Morlaix, 2006). Par ailleurs, plusieurs études montrent que le nombre croissant d’enfants au sein de la famille conduit à des résultats moins favorables pour les enfants. Ce résultat s’explique en partie par la dilution des ressources et du temps accordés à chaque enfant (Teachman et al., 1996). Notons que ces résultats sont conformes aux données empiriques : les enfants de familles plus nombreuses bénéficient d’un environnement moins favorable et des niveaux inférieurs de facilités verbales (Parcel Menaghan, 1994), ainsi que des taux plus élevés de comportement à problèmes et des niveaux inférieurs de réussite scolaire (Downey, 1995). D’autres travaux montrent que la relation entre l’origine sociale de l’enfant (l’éducation des parents, la structure familiale, etc.) et son rendement scolaire est plus forte dans les pays développés que dans les pays en développement (Coleman et al., 1966 ; Heyneman et Loxley, 1983). En revanche, Simmons et Alexander (1978) ont conclu que les déterminants de la réussite des élèves semblent être essentiellement les mêmes dans les deux groupes de pays (pays 72 Amina Benbiga, Said Hanchane, Nisrine Idir et Tarek Mostafa industrialisés et pays en développement). De même, les récentes études constatent que les écarts dans les niveaux nationaux de développement économique n’ont aucun effet sur la relation entre le milieu social des enfants et leur réussite scolaire (Hanushek et Luque, 2003). L’individu face à la réussite scolaire Plusieurs contributions montrent que les caractéristiques individuelles des élèves, comme leur bien-être, la perception de l’environnement scolaire, la motivation, l’implication dans les activités scolaires, le genre, le travail, etc. ont tous des effets importants sur les performances scolaires. Par exemple, Konu et Rimpela (2002) définissent le bien-être à l’école comme un phénomène à quatre dimensions : les conditions de l’école, les relations sociales, les moyens d’épanouissement personnel et l’état de santé. Pour d’autres, il dépend de nombreux facteurs, y compris leurs opinions sur les règles de l’école et leurs relations avec les enseignants et les camarades de classe (Veenstra et Kuyper, 2004). Le bien-être des élèves peut également affecter d’autres caractéristiques comme le rendement, la motivation ou l’attitude à l’égard des apprentissages (Veenstra et Kuyper, 2004). D’ailleurs, certains auteurs montrent que ce phénomène a un impact non négligeable sur le comportement de l’élève et ses résultats (Hoy et Hannum, 1997). Parallèlement, les activités scolaires et l’effort uploads/Management/ tarek-maghreb-machreq-hanchane-said-copie.pdf

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  • Publié le Oct 23, 2022
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