1 EVALUER POUR EVOLUER Eléments de docimologie ” Jean THERER - - 1999 Objectifs
1 EVALUER POUR EVOLUER Eléments de docimologie ” Jean THERER - - 1999 Objectifs généraux Ces quelques notes et leur discussion collective visent essentiellement à aider les enseignants et les formateurs à : identifier le rôle et les fonctions de l'évaluation aux différentes phases d'un processus d'enseignement-apprentissage ; élaborer des procédures d'évaluation adéquates aux objectifs de formation ; identifier et prendre en compte les principaux facteurs susceptibles de biaiser l'évaluation pédagogique. 1. POURQUOI ÉVALUER ? 1.1. Problématique générale Les problèmes soulevés par l'évaluation sont multiples et interpellent, non seulement les formateurs, mais aussi les moralistes, les psychologues, les statisticiens… Question préjudicielle : est-il légitime de juger, d'évaluer, plus spécialement un adulte, en situation d'apprentissage ? Déjà la bible nous met en garde : "Tu ne jugeras point…". Plus récemment, depuis mais 1968, certaines doctrines pédagogiques prônent la suppression pure et simple des examens. Cette position est bien sûr indéfendable. L'évaluation fait partie intégrante de notre culture où tout est prétexte à des évaluations diverses : attribution "d'étoiles" aux restaurants, de "palmes" aux films, de "labels" aux biens de consommations... Que nous le voulions ou non, nous portons continuellement des jugements sur les êtres et les choses et, réciproquement, nous sommes sans cesse évalués. En conséquence, la question n'est pas de savoir s'il convient ou non d'évaluer, mais bien de savoir quelles sont les conditions pour que nos évaluations soient aussi pertinentes et objectives que possibles. Toutefois, avant d'analyser ces 2 conditions, il importe de porter un regard critique sur nos pratiques évaluatives habituelles, notamment sur les examens qui jalonnent toute notre existence. 1.2. Conception classique : l'évaluation normée (sélection) Le rôle prioritaire des examens dans la pédagogie traditionnelle, c'est la sélection des élèves ou des étudiants. Cette sélection s'opère à partir d'épreuves qui privilégient les performances restitutives des candidats. Le but est de classer des individus dans une distribution statistique où les notes élevées restes exceptionnelles et minoritaires. Les épreuves sont d'ailleurs construites pour aboutir à un tel classement. Une" telle évaluation est dite normative ou "normée". Cette conception classique de l'évaluation reste défendable dans certaines conditions, mais elle suscite de nettes critiques et nos examens traditionnels paraissent de plus en plus contestables aux yeux des spécialistes. Pourquoi ? Ils privilégient la sanction, exprimée par un chiffre illusoire, aux dépens du diagnostic. Que penser d'un médecin qui se bornerait à informer son patient que sa santé vaut "12 sur 20" ? - Ils sont souvent centrés sur la rétention éphémère de connaissances factuelles (exemple : quand commence le Moyen Age ?). A quoi bon ? Des chercheurs ont démontré que 80!% de telles connaissance factuelles ont disparu dans les 15 mois après l'examen (De Landsheere, 1971, p. 40). - Ils génèrent l'échec et le redoublement. Exemple : on dénombre 65!% d'échec dans l'enseignement secondaire en Belgique francophone ; en d'autres termes, un tiers seulement des élèves du secondaire terminent leurs études à 18 ans. - Ils sont souvent injustes. De multiples recherches expérimentales témoignent du désaccord flagrant entre divers correcteurs qualifiés et même "l'infidélité" d'un même correcteur (Piéron, 1963). Faut-il pour autant proscrire tous les examens ? Certainement pas. Ce serait d'ailleurs utopique. Malgré leurs défauts manifestes, les examens gardent d'ardents défenseurs qui invoquent notamment les arguments suivants. Les examens sont socialement incontournables. Nous vivons dans une société qui pratique sans cesse l'évaluation (examens médicaux, permis de conduire, permis de chasse, concours…). Ces évaluations garantissent un minimum de compétence et assurent une certaine sécurité aux partenaires sociaux. Qui oserait se fier à un pilote d'avion non sélectionné ? Refuser d'évaluer, c'est laisser le champ libre aux pires abus (nominations politique, népotisme…). Les examens sont psychologiquement souhaitables. Ils donnent un feed-back qui favorise l'apprentissage. Ils permettent de faire l'épreuve de la réalité. Tous les échecs ne sont pas négatifs… 3 Les examens sont relativement équitables. Les délibérations et les jurys nuancent les évaluations extrémistes. Les effets du hasard tendent à s'annuler dans une série d'épreuves. En résumé, dans l'état actuel des recherches, on peut affirmer que l'évaluation normée reste une nécessité dans toutes les situations où une sélection sociale s'avère légitime (recrutement de spécialistes de haut niveau, sélection sportive…) En formation des adultes et dans l'enseignement supérieur, cette conception de l'évaluation ne peut être ni exclusif, ni dominante. Une approche complémentaire, axée sur l'acquisition de compétences, devrait modifier profondément l'éthique et la pratique des examens. 1.3. Conception nouvelle : l'évaluation critériée (promotion) En pédagogie moderne, l'essentiel n'est pas la sélection d'une minorité de surdoués, mais bien la promotion de tous. Un maximum d'apprenants doit pouvoir maîtriser un maximum d'objectifs d'apprentissage. En quelque sorte, l'enseignant doit combattre la "distribution normale" (la fameuse courbe de Gauss) caractérisée par un faible taux de résultats supérieurs. On parle, dans ce sens, de "pédagogie de la maîtrise" et "d'évaluation critériée". Ce qui importe ici c'est la diversité des potentialités et des démarches d'apprentissage. L'évaluation devient partie intégrante de l'apprentissage!; elle constitue une information qui aide l'apprenant à progresser et qui permet à l'enseignant d'améliorer ses propres interventions. Cette "évaluation critériée" n'est nullement assimilable au laxisme. Elle postule, au contraire, des exigences précises fondées sur des objectifs comportementaux explicites, c'est-à-dire des compétences dûment définies. Elle suppose aussi une différenciation pédagogique qui respecte la démarche mentale (style cognitif) et le rythme de travail des étudiants. Cette conception nouvelle de l'évaluation offre d'indéniables avantages : - réduction sensible du nombre d'échecs!; en principe, 80!% des apprenants devraient maîtriser 80!% des objectifs prévus!; - motivation accrue ; l'apprenant entre en compétition avec lui-même plutôt que de rivaliser avec ses condisciples!; - importance accrue des "savoir-faire" par rapport aux simples "savoirs" (restitution). Dans l'enseignement supérieur, il est possible de combiner évaluation critériée et évaluation normée. Les compétences de base seront explicitement définies!; leur parfaite maîtrise garantit la réussite (satisfaction). Il s'agit alors d'une évaluation critériée. Si, de surcroît, l'étudiant ambitionne un grade (distinction, grande distinction, plus grande distinction), il doit être capable de répondre à des questions inédites prouvant ainsi son implication personnelle. 4 2. QU'EST-CE QU'ÉVALUER ? 2.1. Champ sémantique de l'évaluation Même si tous les formateurs et les enseignants ont une connaissance empirique des examens et de la notation, il importe toutefois de préciser la terminologie usuelle. - La docimologie (dokimè = épreuve) Néologisme forgé par PIERON (1963) pour désigner "la science des examens". Au sens initial et restreint du terme, la docimologie avait un caractère négatif : étude expérimentale du manque de validité et de fidélité des examens. Au sens actuel et élargi, la docimologie a pour objet l'étude des méthodes et des techniques d'évaluation. - La docimastique Technique des examens (DE LANDSHEERE, 1971). Objet : comment construire, appliquer, corriger… une épreuve. - La doxologie Etude systématique du rôle que l'évaluation joue en éducation. Exemples études des effets stimulants ou inhibiteurs des différentes formes d'examens!; étude des réactions émotionnelles des candidats… - Mesurer C'est associer un nombre à des éléments qui peuvent être des objets, des stimulus, des protocoles de réponse… Au sens strict, la mesure est toujours quantitative. Au sens large, notamment en évaluation pédagogique, les chiffres n'ont pas la valeur de nombre réel!; ils constituent de simples points de repère. - Noter C'est attribuer, en fonction d'un barème, une appréciation synthétique à une performance ou un comportement. Exemple : insuffisance - satisfaction - distinction - grande distinction - plus grande distinction. La notation est une forme familière de l'évaluation dans les pays anglo-saxons (A - B - C-- D - E). - Coter C'est attribuer une cote, c'est-à-dire une note chiffrée. Le concept est plus restrictif que celui de notation. En principe la cotation est plus objective puisqu'elle s'opère par simple comptage de bonnes réponses dans une épreuve. Toutefois, cela ne garantit nullement l'objectivité de l'examen dans son ensemble. 2.2. Définitions fonctionnelles de l'évaluation 5 A partir de l'évolution des pratiques évaluatives esquissée ci-dessus - évolution qui est loin d'être achevée -, nous pouvons définir comme suit l'évaluation en pédagogie. - Acte délibéré et socialement organisé aboutissant à un jugement de valeur sur les mérites ou les capacités d'une personne. - Appréciation quantitative et ou qualitative d'un apprentissage en fonction d'objectifs préalablement définis, en fonction d'une décision à prendre (THERER, 1985). Ces définitions appellent quelques commentaires : - l'évaluation transcende la simple "mesure" des capacités puisqu'elle peut être qualitative et diagnostique!; - l'évaluation suppose des objectifs d'apprentissage explicites (si possible opérationnels) sinon il n'y aurait rien à mesurer!; - l'évaluation concerne tout autant l'enseignant que l'étudiant!; elle vise à optimaliser les apprentissages!; l'évaluation constitue une aide à la décision (promouvoir, sélectionner, remédier…); sans cela, elle est superflue. 2.3. Les grandes fonctions de l'évaluation En fonction des définitions qui précèdent, on peut aisément proposer diverses classifications ou typologies relatives à l'évaluation pédagogique. Nous nous en tiendrons à la terminologie classique fondée à la fois sur le type de décision à prendre et sur le moment où l'évaluation est pratiquée. On distingue ainsi trois grands types d'évaluation : prédictive, formative, sommative. 1° L'évaluation prédictive (avant : le pronostic) Elle se pratique avant l'apprentissage. Elle permet de prévoir les uploads/Management/ there-r-1999-e-valuer.pdf
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- Publié le Fev 10, 2022
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