28/12/13 Y a-t-il une clinique de l’intervention sociale? / Textes / Psychasoc

28/12/13 Y a-t-il une clinique de l’intervention sociale? / Textes / Psychasoc - institut européen psychanalyse et travail social www.psychasoc.com/Textes/Y-a-t-il-une-clinique-de-l-intervention-sociale?print 1/9 Joseph Rouzel lundi 16 mai 2011 Y A-T-IL UNE CLINIQUE DE L’INTERVENTION SOCIALE? Y a-t-il une clinique de l’intervention sociale ? 1 Dans sa préface de 1925 à l'ouvrage de l'éducateur viennois, August Aïchhorn ( Jeunes en souffrance , Champ Social, 2000), Sigmund Freud différencie très clairement deux champs d'intervention: réalité psychique et réalité sociale, et deux modes d'intervention, psychanalyse et travail social. Tout en affirmant que « le travail social (dont l'éducatif) est une discipline sui generis qui ne doit pas être confondue avec l'approche psychanalytique ». Il conclue cependant que ces deux modes d’intervention « convergent vers la même intention » ( absich t). En partant de ce texte princeps nous essaierons d'éclairer ce qu'il en est des différences, mais aussi des convergences entre psychanalyse et intervention sociale. L’esprit de la clinique qui fait le titre de cette rencontre renvoie à la respiration. Esprit/respiration, même origine. Faut-il en conclure avec Lacan que la psychanalyse est le poumon artificiel de la société industrielle et néolibérale devenir passablement irrespirable ? Que faut-il en inférer en ce qui concerne l’esprit d’une clinique qui trouve son point d’appui dans la psychanalyse et vient éclairer, latéralement, le champ de l’intervention sociale, que ce soit dans le travail social ou l’enseignement. Se souvenir ici de l’invention de Freud qui prend date le 12 mai 1889 et situe la naissance de l’acte analytique. Ce jour-là alors qu’il abreuve de questions Emmy Von Neustadt, celle-ci lui demande de se taire et de l’écouter. Freud, dans ses Etudes sur l’hystérie note en retour : « J’y consens… ». Ce consentement de Freud qui situe le savoir du côté du malade et non du médecin, donne alors pour tâche à celui-ci de bricoler un dispositif qui favorise l’avènement de la vérité. Freud renoue ainsi avec ce que les premiers médecins grecs nommaient « teknè clinikè », technique clinique. Encore faut-il préciser que le terme de technique, renvoie au savoir-faire de l’artisan, au « tour de main ». Quant à la clinique qui puise son origine dans le « clinè », le lit, elle désigne cette nécessité pour le médecin de s’incliner (on retrouve dans ce verbe la même racine que dans clinique: « clin ») pour rencontrer le malade là où la maladie l’a allongé. Il s’agit donc avant tout d’une clinique de la rencontre. Si l’on considère la confrontation entre travail social et psychanalyse à partir de l’intersection de deux cercles d’Euler, on peut faire le constat suivant: Dans cette confrontation, il y a un trou, un hiatus entre les deux. Une disjonction. La psychanalyse fait entame au travail social ; le travail social fait entame à la psychanalyse. L’Institut européen psychanalyse et travail social (PSYCHASOC) que j’ai créé et que je dirige à Montpellier, intervient spécifiquement dans cette intersection, que ce soit dans les formations continues que nous animons, les séminaires ou encore les colloques et journées de travail. De plus un certain nombre des trente formateurs intervenant ont par ailleurs une pratique de psychanalyse. Cet entre-deux, ce no man’s land de quoi fait-il signe ? Qu’est-ce qui réunit et en même temps sépare ces deux champs d’intervention si ce n’est la clinique ? Lacan aborde une question semblable lorsqu’en 1950 il évoque la confrontation entre médecine et psychanalyse. Après avoir souligné que « L’action concrète de la psychanalyse est de bienfait dans un ordre dur », il dégage de cette mise en perspective un principe qui prévaut à ces deux types d’activité : « … le fondement de l’expérience qui la constitue (la psychanalyse) est le même qui définit le caractère sacré de l’action médicale : à savoir le respect de la souffrance de l’homme. » 2 Notons que le terme de « caractère sacré », comme ne manque pas de le souligner Jean-Claude Milner, n’est pas habituel chez Lacan ; sans doute renvoie-t-il aux travaux de Roger Caillois et Georges Bataille. 3 Le sacré, là où « ça crée », dirais-je pour ma part. La clinique est à entendre avant tout comme rencontre dans « le respect de la souffrance de l’homme », ce que Emmanuel Kant nommait « la dignité humaine. » 4 Mais la rencontre de quoi ? Là le texte de Freud va nous être d’un appui précieux. Nous verrons que dans le travail social et la psychanalyse la rencontre met aux prises les professionnels qui œuvrent dans ces deux champs distincts, avec une étrangeté, que Freud nomme d’emblée comme « Das Kind », l’Enfant. Non pas un enfant, ni l’infantile, concept qu’il forgera bien plus tard, mais l’Enfant. Dans un premier temps nous dit Freud la psychanalyse s’est construite, dans son discours et sa pratique, à partir de la rencontre d’hystériques adultes et principalement de femmes ; mais assez tôt s’est ouvert, grâce à ses « amis éducateurs », comme le souligne Freud, l’intérêt de la psychanalyse pour l’Enfant. Posé ainsi il s’agit d’une véritable énigme. D’autant plus que Freud précise que l’Enfant perdure tout au long de la vie et jaillit dans les rêves, les symptômes et la création artistique. Quelle est cette étrangeté, l’Enfant, qui à la fois distingue et réunit la clinique analytique et la clinique en travail social ? Pour répondre à la question je vais suivre pas à pas le texte de Freud. Je reprend ici 28/12/13 Y a-t-il une clinique de l’intervention sociale? / Textes / Psychasoc - institut européen psychanalyse et travail social www.psychasoc.com/Textes/Y-a-t-il-une-clinique-de-l-intervention-sociale?print 2/9 un commentaire que j’ai déjà abordé il y a quelques années, lorsque j’ai republié en 2000 le texte d’Aichhorn devenu introuvable. 5 1 « Jeunes en souffrance » 1 2 Ce texte de Freud situe remarquablement les différences, mais aussi les points d’articulation entre psychanalyse et travail éducatif et sans doute au-delà, toute forme d’intervention sociale. Le contexte de la publication de l’ouvrage et de la préface est marqué chez Freud par une série d’écrits importants. 1925 est l’année où Freud rend public : Die Verneinung (La dénégation) ; « Quelques additifs à l’ensemble des interprétations des rêves » ; un hommage posthume à Joseph Breuer (In mémoriam) ; un message à l’occasion de l’inauguration de l’Université Hébraïque ; « Quelques conséquences psychiques de la différence des sexes au niveau anatomique (repris dans La vie sexuelle ) ; Inhibition, symptôme, angoisse ; et l’article « Psycho-analyse » ; Ma vie et la psychanalyse paraît en France à la NRF dans une traduction française de Marie Bonaparte. Dans sa vie et son travail en début d’année Freud est beaucoup occupé à mettre de l’ordre parmi ses disciples. Une polémique s’est élevée contre Rank à qui on reproche de faire cavalier seul, notamment lors de voyages aux USA. En juin 1925 il est distrait de ces chamailleries par un évènement douloureux. Joseph Breuer, l’ami et le maître de ses trente ans, qu’il n’a plus revu pratiquement depuis 25 ans, meurt âgé de quatre-vingt trois ans. Le fils aîné de Breuer lui transmet toute la sympathie pour ses travaux qui n’avait jamais quitté le vieil homme. « Ce que vous me dites du jugement de votre père sur mes travaux ultérieurs m’était absolument inconnu, et me fut un baume sur une blessure douloureuse qui ne s’était jamais refermée. » (Freud à Robert Breuer, 26 juin 1925). Il rend un hommage vibrant à son maître, qui en ses jeunes années lui avait apporté affection et soutien financier. Fin décembre c’est la mort d’Abraham à quarante-huit ans qui laisse un vide immense dans l’organisation de la psychanalyse. Freud en est profondément touché. Celui qu’il désignait affectueusement comme son « rocher de bronze » et en qui il avait « une confiance absolue », n’est plus. Dans sa notice nécrologique il reprendra à son endroit une citation d’Horace : « Integer vitae scelerisque purus » (Un homme intègre pur de tous vices et scélératesse). Avec Abraham disparaît « un des grands espoirs de la jeune science, encore si exposée et attaquée ; et sans doute une part, disparue à jamais, de son avenir. ». C’est dans ce contexte, dans un souci pour penser l’extension de la psychanalyse, que Freud écrit une préface à l’ouvrage d’Aïchhorn. Depuis quelque temps à travers les recherches de sa fille Anna, institutrice de formation, et de Mélanie Klein, analysée par Sandor Ferenczi, puis Karl Abraham, des échanges sur la pédagogie avec le Pasteur Pfister, Freud a été sensibilisé aux questions d’éducation. Il s’agit bien dans ce domaine, comme il l’écrit d’emblée dans cette préface, d’une Anwendung , d’une utilisation, d’une application de la psychanalyse. C’est à dire d’une mise en œuvre des concepts de la psychanalyse dans le champ social. Les concepts tels que le transfert, le principe de plaisir et le principe de réalité, le Moi-idéal, en constituent le socle ; et un texte comme « Psychologie collective et analyse du moi », une référence en ce qui concerne le travail avec les groupes éducatifs. Aïchhorn, accompagné uploads/Management/ y-a-t-il-une-clinique-de-l-x27-intervention-sociale.pdf

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  • Publié le Jui 26, 2021
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