PANORAMA Alors que la survie de certaines entreprises peut être remise en cause
PANORAMA Alors que la survie de certaines entreprises peut être remise en cause par le changement climatique, les enjeux du management des risques se hissent à un niveau stratégique. Avec des problématiques plus complexes, plus diverses, mais qui souvent s’interconnectent. Quand le risque devient stratégique Cécile Desjardins @DesjardinsCecil R éunis à Deauville jusqu’à la fin de la semaine à l’occa- sion des « Rencontres » de l’Amrae, leur association profes- sionnelle, les responsables des ris- ques en entreprise sont confrontés à une situation particulièrement complexe cette année. Tout d’abord parce que le mar- ché de l’assurance « grands ris- ques » fait grise mine. Si tous les renouvellements de couverture ont finalement été bouclés, cela s’est souvent fait dans la douleur, avec de fortes augmentations de primes (voir page 35). Le paysage des ris- ques ? Il ne cesse de s’élargir, de se compliquer, de s’interconnecter. Tous les sujets semblent désormais se répondre et se croiser, rendant l’analyse plus difficile, et les coûts d’un éventuel sinistre, plus élevés. Effets domino Ainsi, l’interruption d’activité, depuis plus de dix ans sur le podium du Baromètre annuel des risques d’Allianz, peut trouver son origine dans la plupart des autres risques cités. « Même s’il a été cette année sur- passé par le risque cyber, le sujet de l’interruption d’activité reste très pré- gnant, avec des origines qui peuvent être multiples : le cyber, justement, mais aussi les incendies, explosions, catastrophes naturelles, ou même un problème sur la chaîne d’approvi- sionnement, relève Corinne Cipière, CEO France de Allianz Global Cor- porate and Specialty (AGCS). De façon générale, on constate que si beaucoup d’entreprises ont amélioré et modernisé leur organisation, cela a généré de nouvelles vulnérabilités, avec des effets domino. » les auront des conséquences dévasta- trices… Nous n’avons que dix ans pour inverser la trajectoire : il nous faut agir », estime Florence Tondu- Mélique, PDG de Zurich France. De fait, le sujet fait planer sur les entre- prises une ombre aux enjeux multi- ples : au-delà des risques de dom- mages, une importante menace stratégique pèse sur beaucoup de sociétés « marron », dont les busi- ness models pourraient être balayés à un horizon de dix ou vingt ans. Identifier les signaux faibles Dans ce contexte, les responsa- bles des risques ont un nouveau rôle à prendre, qui va bien au-delà de la prévention, de la gestion des incidents, ou encore de leur cou- verture. « Il leur faut identifier les signaux faibles, avoir une vision holistique des enjeux et combattre les biais cognitifs par des éléments scientifiques pour finalement pré- venir et conseiller la stratégie de l’entreprise », estime Florence Tondu-Mélique. Sachant que, sur la prochaine décennie, le passage à une économie durable aura des impacts matériels très lourds et des conséquences sur la stratégie de nombreuses entreprises. « Le risque climatique va modifier les business models et la valeur des actifs. Les dirigeants l’ont compris et beaucoup réfléchissent à des carto- graphies globales des risques liés au changement climatique, entraînant les risk managers à un niveau plus stratégique et plus proche des boards que dans le passé », estime Brigitte Bouquot, la présidente de l’Amrae. Votre mission, si vous l’acceptez : assurer la résilience de l’entreprise, en cas d’incendie ou d’armageddon numérique mais aussi jusque dans la disruption climatique. n Au niveau mondial, les tensions géopolitiques ne retombent pas, mais l’année a aussi été marquée par des conflits locaux ou des émeutes qui se sont parfois étalées dans le temps. « Les évolutions légis- latives et réglementaires sont perçues comme un risque croissant. Le risque politique est aujourd’hui fortement ressenti en France, avec les “gilets jau- nes” comme avec les grèves liées aux retraites. Mais beaucoup d’autres pays sont concernés, du Chili jusqu’à Hong-Kong… », souligne Corinne Cipière. Enfin, en ce début 2020, l’actualité nous rappelle l’impor- tance du risque de pandémie avec, à la fois, des enjeux vitaux et des con- séquences économiques qui peu- vent être rapides et majeures. A plus long terme, et malgré quel- ques irréductibles, le risque climati- que s’impose désormais. Selon la récente étude du Forum de Davos (« Global Risks Report »), les cinq premières préoccupations des diri- geants à une échéance de dix ans sont toutes liées à l’environnement. En tête ? Les événements météoro- logiques extrêmes et l’incapacité des gouvernements et du monde économique à prévenir le change- ment climatique. « Si nous franchis- sons la barre de 1,5 degré de réchauffe- ment climatique, les événements extrêmes et les catastrophes naturel- Au-delà des risques de dommages, une importante menace pèse sur beaucoup de sociétés dont les business models pourraient être balayés à un horizon de dix ou vingt ans. Getty Images LE RISQUE LIÉ À LA CHAÎNE D’APPROVISIONNEMENT découle de la défaillance d’un des maillons de la chaîne logistique, financière ou d’informations, de l’entreprise et de son environnement. Exemple emblématique : en 2017, l’incendie d’une usine à Most, en République tchèque, entraîne quelques millions d’euros de coût directs, et une facture de 1,2 milliard d’euros pour l’industrie automibile. Cette usine appartenant au groupe Recticel, fournisseur de rang 2 d’un grand nombre de constructeurs automobiles, pour qui elle produit des tableaux de bord… Un Baromètre réalisé fin 2019 par les Arts et Métiers ParisTech et le cabinet KYU Associés révèle que ces perturbations génèrent en moyenne des coûts de 3 millions d’euros. Or, 65 % des entreprises françaises n’auraient pas de cartographie de leur chaîne d’approvisionnement, 55 % ne connaissent pas la localisation des sites de leurs fournisseurs, 70 % ne connaissent pas leurs fournisseurs de rang 2. Pourtant, seules 35 % des perturbations rencontrées ces cinq dernières années proviendraient de sous-traitants de rang 1 : les fournisseurs de rang 2 seraient à l’origine de 15 % des défaillances et ceux de rang 3 et plus de 5 %. LE RISQUE CLIMATIQUE est LA menace qui s’impose à moyen et long termes sur nos économies, comme le montre la récente étude du Forum de Davos. « Les risques environnementaux apparaisent dans le dernier “Global Risks Report” comme les risques les plus importants à long terme : ils occupent les 5 premières places du classement en termes de probabilité et 3 sur 5 en termes d’impact. De fait, on constate aujourd’hui que le changement climatique frappe plus fort et plus vite que prévu », indique Florence Tondu-Melique, PDG de Zurich France. De fait, les entreprises commencent à être directement touchées. « A travers tous les événements dommageables – inondations, cyclones, épisodes neigeux, etc. – qui découlent du changement climatique mais aussi parce de nombreuses activités sont “météosensibles” comme le tourisme, l’agriculture, la construction ou le transport », précise Frédéric Durot, directeur du département dommages du groupe Siaci Saint Honoré. A moyen et long termes, les conséquences du risque climatique sont aussi d’ordre stratégique. « Certains groupes vont devoir faire évoluer leurs business models pour manager leur résilience », prévient Frédéric Durot. TROIS PROBLÉMATIQUES QUI PEUVENT COÛTER CHER LE CYBER se place pour la première fois en tête du Baromètre mondial des risques d’Allianz, alors qu’il n’était même pas dans les classements avant 2014. Avec un coût estimé à 6.000 milliards de dollars pour 2021, il recouvre des formes multiples : violations de données, attaques par ransomwares, usurpations d’identité, mais aussi amendes ou litiges liés à la protection de la vie privée. Marek Stanislawski, directeur mondial adjoint du risque cyber chez AGCS, dénonce des tentatives d’extorsion considérables, expliquant que « il y a cinq ans, la rançon exigée se serait élevée à quelques dizaines de milliers de dollars. Aujourd’hui, elle peut atteindre plusieurs millions ». En France, l’augmentation des sinistres est perceptible. « Les incidents cyber déclarés sont en hausse constante depuis cinq ans et surtout depuis deux ans, quelle que soit la taille des entreprises ! Sur les derniers mois, nous avons aussi constaté une augmentation des sinistres avec pertes d’exploitation, dans des proportions parfois susceptibles de remettre en cause la survie des entreprises », indique Brune Costes, directrice commerciale d’AIG France. Andriy Onufriyenko/Getty Images, Fred Dufour/AFP, Daniel Cole/AP/SIPA SPECIAL GESTION DES RISQUES MERCREDI 5 FÉVRIER 2020 LESECHOS.FR/ Les Echos Mercredi 5 février 2020 SPÉCIAL GESTION DES RISQUES/ /35 Julie Le Bolzer @JulieLeBolzer L e système d’information de gestion des risques (SIGR) serait-il indispensable à la panoplie du « risk manager » ? François Beaume, professionnel des risques depuis vingt ans et vice- président de l’Amrae, en est con- vaincu, lui qui a implémenté ce type de solutions dans toutes les organisations où il est passé. « Cet outil sert à capter et corréler les nombreuses données dont se nour- rissent nos fonctions, ce qui est indispensable à l’heure où le marché de l’assurance, un peu crispé, néces- site de disposer d’informations pré- cises pour négocier », dit-il, ajoutant que ces progiciels constituent des vecteurs de productivité pour des équipes de gestion des risques souvent sous-staffées. Apparus au début des années 2000, à la suite de la promulgation aux Etats-Unis du Sarbanes-Oxley Act (SOX) encadrant le traitement des informations financières, ces systèmes ont été uploads/Management/2020-ann-e-strat-gique-pour-le-risk-management.pdf
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- Publié le Nov 03, 2022
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