1 ANTÉCÉDENTS ET RÉPONSES À L’ATTAQUE DE MOUVEMENTS SOCIAUX. NIKE, OU LE CAS D’

1 ANTÉCÉDENTS ET RÉPONSES À L’ATTAQUE DE MOUVEMENTS SOCIAUX. NIKE, OU LE CAS D’UNE FIRME BIEN CHAUSSÉEE Des conditions de travailleurs jugées inhumaines et esclavagistes ont été pointées depuis le début des années quatre-vingt-dix comme un mal caractérisant le phénomène de mondialisation. Nike est l’une de ses compagnies ciblées qui est passée d’entreprise accusée de comportements non-éthiques à un catalyseur de changement dans son secteur et ce, par l’engagement dans une démarche proactive de Responsabilité Sociale. Mots-clés : Responsabilité Sociale, Mouvements sociaux, stratégies de réponse, légitimité, réputation. Liste des « Objectifs pédagogiques » visés par le cas 1. Constater une réponse de marché boursier à la matérialisation de risque réputationnel sans en déduire une relation de cause à effet. 2. Déduire des déterminants ou caractéristiques, en termes d’image et de performance, qui ont fait que Nike soit ciblée par les activistes des droits de travailleurs et non pas d’autres compagnies qui partagent les mêmes pratiques comme Adidas. 3. Approcher la réponse de Nike aux différentes allégations avec les attitudes managériales qui caractérisent la typologie de réponses identifiée par Oliver 19911 4. Identifier les arguments servant à augmenter ou réparer la légitimité. Concepts et approches mobilisés 1. Les déterminants du risque réputationnel ( Fombrun, 1990) 2. Les déterminants de vulnérabilité d’une multinationale. 3. Les arguments de légitimité utilisés dans le discours corporatif (Suchman, 1995). 4. Typologie de réactions managériales (Oliver, 1991) 1 1 Énoncé Au début des années cinquante, Bill Bowerman était un entraîneur d’athlétisme de renom à l’Université de l’Oregon, qui rêvait de concevoir des chaussures de course révolutionnaires. En 1955, il rencontre Phil Knight, coureur talentueux de demi-fond, qui en plus, a la fibre des affaires. Les deux hommes s’associent et fondent la compagnie Blue Ribbon Sports, laquelle changera son nom en 1978 pour Nike. Dés les années 80, l’entreprise entreprend la diversification de ses lignes de produits par plusieurs acquisitions (Cole Haan en 1988, Constar Sports en 1995, Converse en 2003…) et réussit son internationalisation en franchisant le seuil symbolique des 50% de ventes à l’extérieur des Etats-Unis en 2002. Devenue chef de fil dans le secteur de l’équipement sportif (Parloff, 2002) 2, elle a une longueur d’avance considérable sur ses compétiteurs. En effet, en 2000, Nike détient 30% de parts du marché de la chaussure de sport devant Reebok et Adidas (25% ensemble) (Locke, 2001)3. Pourtant, à l’exception des prototypes dans les laboratoires de recherche et développement, Nike n’a jamais fabriqué de chaussure. Dés sa fondation, le modèle d’affaire de l’entreprise est basé sur la sous-traitance à l’international. En fait, son principal métier est le design, la recherche et développement ainsi que l’élaboration de stratégies marketing originales, telles que le slogan Just Do It qui a marqué la culture populaire. Image et performance Just Do It, est un slogan régulièrement interpelé par la presse américaine. Il présente le grand avantage d’avoir un sens vague qui permet de l’adapter à toute action que l’on reporte ou que l’on évite. Le Just Do It appelle à l’action sans justification ni rationalisation et s’adresse aux contraintes et inhibitions (Goldman et Papson, 1998).4 Par une telle invitation au dépassement et en s’associant à des héros tel que Michael Jordan, Nike a réussi à construire l’impression d’avoir un centre moral solide et durable qui a inspiré une forme de loyauté particulièrement forte, surtout parmi les jeunes occidentaux épris de sport. Phil Knight, co-fondateur de Nike, dans la majorité de ses lettres aux investisseurs, souligne la passion pour le sport et l’aide d’autrui comme des valeurs inhérentes à la vision de la multinationale. Il rêve de rendre le sport accessible aux enfants défavorisés, notamment, par le biais de sa fondation NikeGo qui a fait don en 2001 de 3.2% de ses revenus avant impôts à quelques 4000 organismes à but non lucratif à travers le monde. Cette image d’entreprise motivée par des valeurs, inspirées eux même par la noblesse du sport, est jumelée à une gestion implacable. Les deux (image et gestion) catapultent le chiffre d’affaire à un niveau record de 9,2 milliards de dollars en 1997 et un bénéfice de 795 millions. Cette performance exceptionnelle (Voir annexe.1, figure.1) est attribuée à une culture d’innovation et de créativité qui 2 Parloff, R (2002) «Can we talk?», Fortune. 146(4), 102–112. 3 Locke, M.(2001) .«The Promise and Perils of Globalization: the Case of Nike». Sloan School of Management. Disponible au http://www.inti.gov.ar/cadenasdevalor/02-008.pdf 4 Goldman, R. Papson, S .(1998) «Nike culture: the sign of the swoosh», London: Sage. 1 caractérise la compagnie. En 1989, les designers de Nike conçoivent 300 modèles avec un total de 900 styles différents. En 1996, ce chiffre est passé à 1200 modèles et 3000 styles et couleurs. Dans son rapport de Responsabilité Sociale publié en 2007 (Nike, 2005-2006)5, Nike déclare que ses chaînes de production livrent plus de 50 000 produits différents. Ce degré de spécialisation accru est le résultat d’une très grande segmentation du marché qui demande une flexibilité de la production assurée par la sous-traitance à l’international. Avec sa chaîne de valeur globale qui s’étend sur plusieurs pays, Nike était à l’avant-garde de la tendance à la globalisation typique du 21e siècle. Pourtant, ses pratiques d’exploitation des travailleurs les plus vulnérables sont qualifiées d’écrasantes (Herbert, 1996) ou pire à l’image du « capitalisme industriel sauvage » du 19e siècle, tel que formulé par Press for Change6. Mais comment attribuer la création de valeur aux ouvriers des sous-traitants dans des pays tels que la Chine ou le Vietnam plutôt qu’aux équipes de recherche et développement, aux équipes de marketing et aux spécialistes de l’image, sachant qu’une chaussure non griffée n’a quasiment aucune valeur? Plusieurs défenseurs du droit de l’homme et des travailleurs ne semblent pas avoir adhéré à cet argument et ont souligné, vigoureusement, les conditions déplorables et des salaires de misères chez les sous-traitants (Voir annexe 2). Nike est ciblé par les mouvements sociaux En 1991, l’organisation non gouvernementale (ONG), Asian-American Free Labor Association, a publié un rapport rédigé par Jeff Ballinger, le premier à révéler les conditions de travail déplorables chez les sous-traitants en Asie. Phil Knight, réagit à ce rapport en s’engageant personnellement à remédier à la situation et déclare l’adoption d’un premier code de conduite en 1992. En mars 1996, une organisation de défense des droits de la personne, Press For Change, estime qu’en moyenne, chez les sous-traitants de Nike, 45 travailleurs se partagent 1,60$ pour la fabrication d’une chaussure d’une valeur de 70$ (Nike air Pegasus) et qualifie ces conditions d’esclavagistes. Sans faire une mention explicite de Press for Change, Nike répondra neuf ans plus tard à cette critique dans son premier rapport de Responsabilité Sociale (Nike, 2001 :43)7. La compagnie prend la défense de ses sous-traitants en démystifiant le coût d’une chaussure. Après le paiement du matériel, chaque chaussure coûte 6$ à l’usine incluant les locaux, les assurances, salaires et autres. Dans le même rapport, Nike reprend l’extrait des résultats de la recherche menée par Living Wage Summit, un sommet organisé par l’Université de Californie qui rassemble ONGs, universitaires et syndicats. La recherche suggère que même aux Etats-Unis, le salaire minimum ne couvre que 40% des besoins d’une famille comptant un adulte et deux enfants. À partir de 1996, Nike fait l’objet d’une couverture médiatique négative qui a culminé en 1998 (Annexe.1, figure.3). Vraisemblablement, cet acharnement médiatique a été déclenchée par une photo publiée par Life Magazine qui montre un enfant pakistanais en âge de fréquenter l’école, en train de coudre un ballon de football de marque Nike. L’affaire fait boule de neige. La photo est reprise dans d’autres médias et fait le tour de la planète. Cette photo a, d’ailleurs été, reprise dans le premier rapport de responsabilité sociale publié par Nike en 2001 avec un commentaire qualifiant cette expérience de la pire erreur de jugement jamais commise par Nike (Nike, 2001 :37). 5 Disponible à l’adress : http://www.nikebiz.com/responsibility/documents/Nike_FY05_06_CR_Report_C.pdf 6Goldman, R. Papson, S .(1998) «Nike culture: the sign of the swoosh», London: Sage.. 7 Disponible à l’adresse : http://www.nikebiz.com/responsibility/documents/Nike_FY01_CR_report.pdf 1 . La réaction Rapport de Responsabilité Sociale (Nike, 2001) La réaction de Nike aux différentes allégations concernant les salaires, le travail des enfants et les conditions de travail dans les usines de sous-traitants (annexe 2) ont évolué dans le temps. Dans son premier rapport de responsabilité sociale (Nike, 2001)8, l’entreprise a fait son mea-culpa mais manifeste encore une certaine résistance quant aux salaires (P.39). Il cite les enjeux de harcèlement sexuel et des heures supplémentaires non réglementaires et reconnaît la défaillance des systèmes de contrôle notamment dans les usines en Indonésie, exactement là où Global Alliance a relevé des cas de non- conformité au code du travail. Enfin, le rapport explique la démarche de Nike quant l’amélioration de ces systèmes, comme l’adoption de certification ISO-14000 et ISO-14001 ainsi que des audits internes et externes (Nike, 2001:43). Malgré ces initiatives, Nike ne prend pas d’engagement ferme envers les parties prenantes et place les intérêts des actionnaires comme une condition sine qua non à la considération d’une quelconque revendication. Dans le même rapport, Nike reprend l’analogie, uploads/Management/b-64.pdf

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  • Publié le Dec 07, 2022
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