Hicham SAOUD Doctorant en Sciences de Gestion Directeur de Recherche : Professe
Hicham SAOUD Doctorant en Sciences de Gestion Directeur de Recherche : Professeur Annie BARTOLI Laboratoire de Recherche en Management LAREQUOI Document préparé dans le cadre du séminaire RECEMAP – IAE Lyon 2 & 3 juin 2005. UNIVERSITE DE VERSAILLES SAINT- QUENTIN-EN-YVELINES Laboratoire de Recherche en Management Hicham SAOUD LAREQUOI- UVSQ Fondateur de l’école française de sociologie des organisations, Michel Crozier de par sa longue et riche expérience de recherche et d’intervention est devenu une référence incontournable. Après l'obtention d'un diplôme commercial (1943), Michel Crozier consolide sa formation par des études supérieures d'économie et d'administration, ainsi que par des études de Lettres. En 1947, il obtient une bourse pour mener une recherche sur les syndicats américains. Il découvre alors les Etats-Unis où il écrit d'ailleurs -en langue anglaise- la première version de son fameux ouvrage Le phénomène bureaucratique (1963). Cette dernière étude s'est très vite imposée, et fait aujourd'hui partie des ouvrages classiques de la théorie des organisations. Un autre livre s'en suivra, L'acteur et le système (1977), dans lequel, avec Erhard Friedberg, il formalise sa méthode d'analyse sociologique. Auteur de nombreux autres ouvrages, Michel Crozier s'attache principalement à comprendre les blocages de la société française, à présenter des diagnostics et à proposer des solutions. Les titres de certains de ses livres sont mêmes devenus des expressions courantes : La société bloquée (1970); On ne change pas la société par décret (1979); Etat moderne, Etat modeste (1987); L'entreprise à l'écoute (1989); La crise de l'intelligence: essai sur l'impuissance des élites à se transformer (1995). L’œuvre de M. Crozier permet l’étude approfondie des mécanismes bureaucratiques, des multiples freins au changement, de la crise du service public, des styles de management et d’autorité ou encore les processus de décision au sein de l’organisation. Loin d’être une synthèse exhaustive de l’œuvre de M. Crozier, le présent papier est un essai de présentation et de lecture de la contribution de la pensée Crozierienne au management public. Ce papier est structuré en deux grandes parties. La première partie est consacrée à la constitution du corpus théorique de l’analyse stratégique des organisations de M. Crozier. Nous définirons en premier temps les principaux concepts de cette théorie puis nous analyserons en deuxième temps la pratique et la contribution de l’analyse stratégique et systémique des organisations au management public à travers la reprise de trois cas d’intervention de M. Crozier : le cas de la décentralisation, le cas de la SNCF et le cas d’Air France. Trois cas qui nous permettront de conclure que l’œuvre de M. Crozier n’est pas seulement un ensemble de propositions théoriques mais une véritable méthodologie de Recherche-Action. Dans la deuxième partie nous essayerons d’analyser l’évolution de la pensée Crozierienne. En effet, la lecture de l’œuvre de M. Crozier fait ressortir deux grandes étapes : une première étape (décennies 60 et 70) où l’ensemble des travaux de M. Crozier sont essentiellement descriptifs (analyse descriptive) : Le phénomène bureaucratique (1963), La société bloquée (1970), L'acteur et le système (1977). Et une deuxième étape où la plupart de ses publications sont tournées vers l’action : On ne change pas la société par décret (1979); Etat moderne, Etat modeste (1987); L'entreprise à l'écoute (1989); La crise de l'intelligence (1995). Et enfin nous allons clôturer notre papier par la confrontation/rapprochement entre la voie Crozierienne de la réforme et de modernisation de l’Etat par la modestie et la voie instrumentale du New Public Management (NPM). La contribution de l’analyse sociologique de Michel Crozier au Management Public 2 Hicham SAOUD LAREQUOI- UVSQ Première Partie : La constitution du corpus théorique de l’analyse sociologique Crozierienne 1- Définition des principaux concepts et outils de l’analyse sociologique des organisations de M. Crozier Acteur et pouvoir : «On analyse les situations concrètes en termes de stratégie-jeu et de pouvoir-incertitude. L’acteur est l’élément clé de notre analyse. A cet égard, je précise que je souscris à l’idée qu’on ne peut connaître la réalité qu’à partir des gens qui la vivent, qui peuvent en parler et dont on peut comprendre le comportement. Il n’y a donc pour moi que des individus qui peuvent être acteurs. Ils sont certes influencés par leur appartenance à des groupes, mais des groupes ne sont pas des acteurs. Pour comprendre le comportement de l’acteur, on fait appel au raisonnement stratégie-jeu, c’est-à-dire qu’un acteur a un comportement stratégique qu’on va comprendre à partir des jeux de relations dans lesquelles il est impliqué. Cela permet notamment de comprendre en quoi sa stratégie est rationnelle. Et pour comprendre cela, il faut comprendre le jeu dans lequel il est engagé. Un comportement complètement irrationnel vu de Sirius, apparaît comme rationnel en fonction du contexte, des partenaires, etc... L'autre couple de concepts, pour nous, c'est le pouvoir-incertitude. Pour comprendre pourquoi les gens agissent dans un univers de contraintes, et bien il faut voir le comment de leur action, et c'est à travers l'utilisation du pouvoir qu'ils agissent. On ne peut pas agir sans pouvoir. Je définis le pouvoir en terme "relationnel": on n'a pas de pouvoir hors de relations avec autrui, et ce que l'on appelle pouvoir, c'est une relation dans laquelle les "termes de l'échange" vous sont favorables. Il y a donc toujours de la réciprocité dans le pouvoir. Vous ne pouvez pas avoir du pouvoir sur quelqu'un sans que ce quelqu'un puisse avoir du pouvoir sur vous. Pouvoir-incertitude, çà signifie que dans un ensemble organisé, on a du pouvoir parce que l'on maîtrise une zone d'incertitude. Si vous êtes la personne qui contrôle une telle zone, et bien vous aurez du pouvoir sur ceux qui sont affectés par l'incertitude que vous contrôlez. Mais, comme il y a rarement situation de monopole, chacun essaie d'influencer en fonction des incertitudes qu'il contrôle, d'où la complexité des points de vue des actes et des contradictions en ce qui concerne la rationalisation». Interview avec M. Crozier parue dans «Le Journal de Genève et Gazette de Lausanne » en 1994 Analyse stratégique : «Dans "analyse stratégique", il y a deux termes. Il y a d'abord "analyse", qu'il convient d'opposer à "théorie". Cette première opposition signifie que nous mettons l'accent sur la description des situations que nous analysons, c'est-à-dire que notre point de vue n'est pas prescriptif. Il y a ensuite "stratégique", terme qui est à opposer à planification, et qui permet de dépasser le "déterminisme". Cette seconde opposition signifie que pour nous les comportements sont orientés, qu'ils sont intentionnels, l'intérêt consistant en l'occurrence à savoir à quoi ils aboutissent. J'admets que le terme "stratégie" n'est sans doute pas heureux puisqu'il évoque la guerre, mais nous n'en avons pas trouvé de meilleur. Si l'on s'en tient toutefois à la définition suivante de la stratégie: "l'art des rapports de force" -en interprétant "force" le plus largement possible, c'est- à-dire en incluant le jeu des influences-, alors ce terme me semble tout à fait acceptable. Le stratège a un ennemi -contrairement au planificateur qui se contente de dérouler toutes ses opérations-, aussi doit-il donc compter avec l'"incertitude" relative au comportement de l'ennemi ou du partenaire. Si nous voulons "analyser stratégique", c'est parce que nous voulons comprendre les comportements comme ayant une intentionnalité, mais aussi comme La contribution de l’analyse sociologique de Michel Crozier au Management Public 3 Hicham SAOUD LAREQUOI- UVSQ étant variables: l'intentionnalité existe toujours mais la direction est variable en fonction du contexte ami-ennemi ». Interview avec M. Crozier parue dans «Le Journal de Genève et Gazette de Lausanne » en 1994 Système d’action concret : «Un système d’action concret est un ensemble humain structuré qui coordonne les actions de ses participants par des mécanismes de jeux relativement stables et qui maintien sa structure, c’est-à-dire la stabilité de ses jeux et les rapports entre ceux-ci, par des mécanismes de régulation qui constituent d’autres jeux». Crozier & Friedberg L’acteur et le système Apprentissage collectif : C’est une notion développée à partir des notions de "jeu" et de "système". Elle est basée sur un double constat: les gens ont des comportements donnés parce qu'ils sont pris dans des jeux qui constituent système et parce que personne ne souhaite perdre. Dès lors, pour changer, il faut changer le jeu et non les personnes. Selon Crozier, changer le jeu c’est apprendre à jouer autrement. Et comme personne n'a envie de jouer autrement tout seul, car ainsi il serait sûr de perdre, ça veut dire que c'est un apprentissage collectif. Changement : Pour Michel Crozier et Edhard Friedberg, le changement est un phénomène systémique. Pour qu’il y ait changement, il faut que tout un système d’action se transforme, c’est-à-dire que les hommes doivent mettre en pratique de nouveaux rapports humains, de nouvelles formes de contrôle social. Il ne s’agit pas de décider une nouvelle structure, une nouvelle technique, une nouvelle méthode, mais de lancer un processus de changement qui implique action et réactions, négociations et coopération. Dans cette vision, le changement sera le résultat d’un processus collectif à travers lequel sont mobilisées, voire crées, les ressources et capacités des participants nécessaires pour la constitution de nouveaux jeux dont la mise en œuvre libre permettra au système uploads/Management/crozier-par-saoud.pdf
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- Publié le Dec 09, 2021
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