1 L’analyse conjointe discrète : une illustration pour le marché du pneu. Hervé

1 L’analyse conjointe discrète : une illustration pour le marché du pneu. Hervé GUYON Maître de Conférences Pesor, Université Paris Sud 11 Email : herve.guyon@u-psud.fr 2 L’analyse conjointe discrète : une illustration pour le marché du pneu. Résumé : L’analyse conjointe est une approche très utilisée par les professionnels pour inférer les préférences de consommateurs. Depuis plusieurs années l’analyse conjointe discrète s’est imposée comme la plus efficace en comparaison à l’analyse conjointe traditionnelle. Ce travail se propose de faire une revue de l’analyse discrète. Nous illustrons nos propos par une étude menée aux USA sur le marché des pneus grand touristes. Mots clés : analyse conjointes, approche discrète, préférences, prévisions, pneus Abstract: Conjoint analysis is a technique heavily used in industry to infer the consumer’s preferences. Actually, choice based conjoint analysis seems more reliability than rating based conjoint analysis. This paper proposes a review of choice based conjoint analysis. We illustrate this by a study made in US on cars tires. Key words: conjoint analysis, discrete choice, preferences, predictions, tires. 3 INTRODUCTION Pour Bradlow1 (2005), l’analyse des mesures conjointes représente une des plus grandes réussites de l’utilisation managériale des résultats de la recherche académique, même si d’autres procédures méthodologiques sont parfois préférables (Cases et al., 2006 ; Boutrolle et al., 2007). Lorsque l’on procède à une analyse conjointe deux choix méthodologiques sont possibles : l’approche dite « discrète » (« discrete choice » ou « choice based », Allenby et al., 2005) et l’approche traditionnelle (« rating based ») proposée initialement par Green et Rao (1971), voir Meyer-Waarden et Zeitoun (2005) pour une revue sur l’analyse traditionnelle. La première présente l’avantage de demander un choix au consommateur plutôt qu’une évaluation ou une préférence comme dans l’approche traditionnelle (Haaijer et Wedel, 2003). L’approche discrète remonte aux travaux de Louviere2 (1988) qui ont permis l’intégration de l’analyse conjointe dans le cadre général de la Random Utility Theory (RUT), (Swait et Adamowicz, 2001). Lorsque les critères de décision sont quantifiables ou lorsqu'ils sont logiques (oui/non), la RUT permet de modéliser le comportement d'individus confrontés à des choix. Cette théorie a été développée initialement en économie pour modéliser par exemple les choix de transports (Ben-Akiva et Lerman, 1985). Mc Fadden3 a reçu le prix nobel d’économie (2000) pour ses travaux à ce sujet. Comme toute modélisation, cette approche repose sur plusieurs hypothèses fondamentales. Parmi celles-ci, on considère qu'un individu choisit l'alternative qui possède selon lui la plus grande utilité. L’efficacité relative de l’approche discrète vis-à-vis de l’approche traditionnelle n’est pas toujours réelle (Karniouchina et al., 2009 ; Moore, 2004). De plus, l’approche traditionnelle offre elle l’avantage d’être utilisable pour déterminer le capital-marque par exemple (Jourdan, 2008). Cependant l’approche discrète est la plus utilisée aujourd’hui par les instituts, notamment aux USA. Nous proposons de décrire et d’illustrer cette méthode et ses développements récents à partir d’une étude menée aux USA par un industriel du marché des pneus automobile. 1 Professeur à la Wharton School, université de Pensylvanie, co-directeur de la Wharton Interactive Media Initiative 2 Directeur du Centre for the Study of Choice (CenSoc), Université de Technologie de Sydney 3 Professeur à l'université de Berkeley (Californie) 4 L’ANALYSE CONJOINTE DISCRETE L’analyse conjointe a été popularisée en marketing par Green et Rao (1971). L’objectif est de mesurer conjointement un nombre conséquent d’attributs avec différents niveaux chacun. Ce qui n’est pas estimable en questionnant directement des consommateurs devient réalisable par un protocole expérimental intégrant simultanément toutes les variables du protocole dans un seul plan d’expérience. Dans un protocole avec moins de huit attributs dont chacun a moins de six modalités, l’analyse conjointe est considérée comme très opérationnelle. Différentes approches d’analyse conjointe ont été proposées. L’approche traditionnelle propose de faire noter aux interviewés un ensemble de profils. Les estimations des utilités allouées aux différentes caractéristiques des profils se fait par régression linéaire. Cette approche traditionnelle est reconnue comme très performante, cependant elle a été supplantée depuis une dizaine d’années par les approches dites discrètes, notamment aux USA. L’approche discrète a bénéficié des progrès effectués en économie dans la modélisation des choix, initiés par les travaux de Mc Fadden au cours des années 1970. Ces travaux sur la modélisation des choix ont été transposés au marketing dans les années 1980. Les bases méthodologiques des Mesures Conjointes Discrètes Dans le cadre des Mesures Conjointes discrètes, le plan d'expérience cherche à s’approcher le plus possible de la réalité. Pour ce faire, on présente aux interviewés des produits (profils) similaires aux produits réellement commercialisés (Allendy et al., 2005). A la différence de l’analyse traditionnelle, on ne présente pas les profils qu’une seule fois. On présente des « jeux de profils », c'est-à-dire quelques profils différents dans chaque jeu. L’interviewé ne doit choisir qu’un seul profil par jeu. Cette tâche de choisir un profil parmi quelques profils est répétée un certain nombre de fois. La grande différence entre cette approche et l’approche traditionnelle est dans l’absence de notation (ou d’ordonnancement) des profils. En analyse discrète, l’interviewé fait des choix réels (nous donnons en annexe B une partie du questionnaire qui illustre cela). L’attraction d’un produit est ainsi modélisée mathématiquement par ce que l’on appelle le multinomial logit ( MNL) qui a valu à Mc Fadden le prix Nobel d’économie en 2000. Ce modèle mathématique est utilisé pour estimer les paramètres d’une régression faite avec des variables explicatives qualitatives (ici les modalités des attributs) sur des variables de choix non ordonnées (ici les choix successifs d’un profil dans un jeu de profils). Ce modèle calcule 5 la probabilité de choisir le profil « j » lors du jeu « i » à partir d’une fonction d’utilité linéaire4. La lacune essentielle de cette approche discrète était encore récemment de ne donner des estimations des utilités que pour l’ensemble de la population. Depuis quelques années la régression bayésienne hiérarchique (HB) s’est imposée comme la solution pour contourner cette limite. Cette méthode utilise le théorème de Bayes. On suppose que la loi « a priori » de la population est proche d’une loi normale. On peut par un algorithme de simulations (MCMC) estimer les lois « a postériori » des interviewés et donner des utilités individuelles. Ainsi, tout en gardant le cadre théorique du multinomial logit model, la régression bayésienne hiérarchique associée aux Mesures Conjointes discrètes permet aujourd’hui d’estimer pour chaque individu des utilités individuelles (Allendy et al., 2005). Comme tout protocole expérimental, le protocole d’une Mesure Conjointe présente des limites comparativement au processus de choix d’un consommateur (Allenby et al., 2005) : a) Lors d’une Mesure Conjointe , le choix à faire est clairement posé, ce qui entraîne une décision plus rationnelle qu’en situation réelle. b) Les critères de choix sont déterminés par l’expérimentateur. c) La motivation du décideur est faible comparativement à l’achat réel. d) Le contexte du laboratoire est abstrait. Les prévisions issues d’une analyse de mesures conjointes Les modèles de prévisions permettent théoriquement d’anticiper le marché en fonction d’offres produits différentes. L’approche la plus populaire est d’utiliser le cadre théorique initial, le MNL. En effet, le Multinomial Logit est un modèle permettant d’avoir la probabilité théorique qu’une personne choisisse un produit. Il est donc naturel d’utiliser ce même cadre théorique pour estimer les parts de préférence de l’échantillon. Cependant le MNL souffre de l’hypothèse IIA (Haaijer, 1999). L’hypothèse IIA affirme que la similarité relative entre les produits n’a aucune influence sur les choix. Cette hypothèse n’est que très rarement vérifiée. Concrètement, l’arrivée d’un nouveau produit C très proche d’un produit A déjà existant risque de concurrencer le produit A sur sa niche. Un produit B très différent de A souffrira a priori beaucoup moins de l’arrivée du produit C (cf l’annexe 1 pour un exemple illustratif). L’hypothèse IIA n’est à envisager que pour des marchés où la similarité des profils en concurrence n’a pas de conséquences, c'est-à-dire en réalité dans pratiquement aucune étude marketing où l’on veut tester des scénarios proches. Une autre alternative, peu connue, a été 4 Pour de plus ample explications mathématiques, se référer à l’article de Bentz et Merunka (1996) 6 proposée, le Randomized First Choice (Huber, Orme et Miller, 2003). Les estimations des utilités se font comme pour une Mesure Conjointe discrète, par le MNL et la régression bayésienne hiérarchique. Les prévisions des parts de préférences utilisent les estimations ainsi obtenues, mais en les intégrant dans un algorithme itératif qui tient compte de la proximité des profils en compétition. La modélisation RFC ne souffre pas de l'hypothèse des alternatives non pertinentes (Huber, Orme et Miller, 2003). Peu de travaux académiques ont été effectués sur le RFC. Cependant il semble reconnu comme l’alternative la plus pertinente actuellement pour effectuer des prévisions (McCullough, 2002 ). LE PLAN D’EXPERIENCE AVEC UNE ANALYSE DISCRETE Les Mesures Conjointes discrètes, estimées par la régression bayésienne hiérarchique sont reconnues unanimement comme très performantes (Allenby et al., 2005). Cependant bien des questions restent d’actualité pour un manager soucieux d’utiliser une telle approche. Quelles variables introduire ? Quel plan d’expérience retenir ? Faut-il introduire une non-réponse dans les choix proposés ? Les variables du modèle Les attributs uploads/Management/guyon-rfm-analyse-conjointe-discrete.pdf

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  • Publié le Jul 10, 2021
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