Communication Numéro Vol. 26/2 (2008) Vol. 26/2 ...............................

Communication Numéro Vol. 26/2 (2008) Vol. 26/2 ............................................................................................................................................................................................................................................................................................... Pascal Lardellier Pour en finir avec la « synergologie ». Une analyse critique d’une pseudoscience du « décodage du non- verbal » ............................................................................................................................................................................................................................................................................................... Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. 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Référence électronique Pascal Lardellier, « Pour en finir avec la « synergologie ». Une analyse critique d’une pseudoscience du « décodage du non-verbal » », Communication [En ligne], Vol. 26/2 | 2008, mis en ligne le 01 octobre 2009. URL : http:// communication.revues.org/index858.html DOI : en cours d'attribution Éditeur : Editions Nota bene http://communication.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne à l'adresse suivante : http://communication.revues.org/index858.html Document généré automatiquement le 25 octobre 2009. La pagination ne correspond pas à la pagination de l'édition papier. © T ous droits réservés Pour en finir avec la « synergologie ». Une analyse critique d’une pseudoscience du « déc (...) 2 Communication, Vol. 26/2 | 2008 Pascal Lardellier Pour en finir avec la « synergologie ». Une analyse critique d’une pseudoscience du « décodage du non-verbal » Le corps dit tout haut ce que l’esprit pense tout bas […]. Le synergologue devient, le temps de la lecture des gestes de l’autre, le devin dont parlent les légendes. Derrière son regard d’analysant et derrière ses paroles qui « disent » ce qu’est l’autre, son discours a l’air si magique qu’il a l’air incroyable. En réalité cela s’explique très bien pour qui a pris conscience de certaines vérités. Philippe TURCHET, La synergologie. 1 En guise d’exergue, nous proposons une citation extraite de « l’ouvrage de référence » de Philippe Turchet, « inventeur de la synergologie 1 ». Celle-ci affirme en substance qu’elle est une science s’attachant à expliquer les « codes inconscients » de la communication non verbale en situation de face-à-face. Soit. Et pourtant, n’importe quel scientifique raisonnablement blanchi sous le harnais des travaux académiques éprouve en lisant ce court condensé de prose synergologique la fascination célèbre évoquée par Michel Foucault en incipit des Mots et des choses (1966), fascination à peine objectivée face à l’incroyable incohérence de la liste d’animaux de « l’encyclopédie chinoise » évoquée par Borgès : en substance, le philosophe s’exclamait : « ceci n’est pas du registre de notre épistémè ! » (Foucault, 1966). 2 Car on semble se trouver là de l’autre côté de la raison et de l’entendement. Ainsi donc, un « scientifique » colporte un présupposé aux accents mystico-naturalistes – « Le corps dit tout haut ce que l’esprit pense tout bas » –, pour continuer en évoquant l’incroyable pouvoir offert par cette « science ». Car la toute-puissance prétendument acquise grâce à la synergologie octroierait à « celui qui sait » le « pouvoir magique » d’un « devin », pouvoir consistant à « lire dans autrui à livre ouvert »… Enfin, pour conclure, « il faut avoir pris conscience de certaines vérités », et tout ira mieux dans votre vie et vos relations… On conviendra que Ray Birdwhistell, dont la kinésique procède aussi, toutes choses égales d’ailleurs, « à la lecture des gestes de l’autre », fit état des résultats de l’analyse de la célèbre « scène de la cigarette de Doris 2 » avec plus de mesure et de modestie que l’emphatique Philippe Turchet ; et ce, quelques décennies avant que la synergologie, qui « fait du passé table rase », ne fut portée sur les fonts baptismaux. 3 Et pourtant, celle-ci, parangon de « similiscience de la communication non verbale », véritable caricature théorique, a acquis une visibilité éditoriale réelle, et elle rencontre un écho favorable dans certains milieux professionnels (formation continue, recrutement). Elle avoue même vouloir entrer à l’université, où il lui arrive d’être lue et discutée par des étudiants faisant un usage peu précautionneux de l’encyclopédie participative Wikipédia. Tout cela est opportun pour elle, car comme son suffixe l’indique, la synergologie aspire à la scientificité 3. À cette fin, elle détourne – ou contourne – les références théoriques admises et discutées dans ces cénacles académiques. Elle abuse ainsi celles et ceux à qui elle s’adresse, leur vendant pour scientifique ce qui manifestement ne l’est pas. Car en règle générale, ceux qui ont recours à elle ne gravitent pas dans l’orbe universitaire, et sont donc de ce fait plus faciles à circonvenir. 4 Wikipédia http://fr.wikipedia.org/wiki/Synergologie propose un article de promotion zélée de cette auto-proclamée « nouvelle discipline dans le champ du non-verbal et des sciences de l’information et de la communication ». Ce document numérique révèle en creux la stratégie de légitimation mise en place par les tenants de cette pseudo-théorie. Depuis longtemps, des disciplines (dont l’éthologie humaine ou la kinésique) étudient fort bien ce qu’elle se pique Pour en finir avec la « synergologie ». Une analyse critique d’une pseudoscience du « déc (...) 3 Communication, Vol. 26/2 | 2008 d’analyser : la gestualité de deux protagonistes durant une interaction (Cosnier et Brossard, 1984 ; Feyereisen et de Lannoy, 1985 ; Le Breton, 2004). 5 Faisant croire à un dialogue fécond avec les représentants de la sphère académique, le texte déposé « en ligne » explique aussi que la synergologie a fait l’objet d’un dépôt de brevet « afin d’empêcher qu’elle soit diffusée sans une formation rigoureuse ». Et dans un fol excès de suffisance, il est expliqué aux internautes que […] son entrée dans le champ universitaire se fera à mesure que se fera sentir le besoin d’appréhender la communication non verbale humaine comme un champ de connaissance à part entière et non plus comme un outil pour certaines disciplines, ce qui devrait rendre idoine cette protection. 6 Décidément, l’art d’être tantôt contre l’université, et tantôt tout contre elle … 7 Car la synergologie sait fort bien jouer sur la confusion des genres, comme la fable de la chauve-souris de La Fontaine : tantôt souris et tantôt oiseau, selon le danger qu’ils représentent ou l’attrait qu’ils suscitent. Ainsi, on apprend que « la synergologie travaille dans la lignée des observations de l’École de Palo Alto, des travaux de Ray Birwhistell, Edward T. Hall, Gregory Bateson, Paul Watzlawick, mais elle ne s’en réclame pas ouvertement ». Ou encore qu’elle est en accord avec les théories issues du courant de la « Nouvelle communication ». Manières de dire les choses qui annexent et dédouanent en même temps … 8 Mais surtout, cet article numérique, qui prêche ostensiblement pro domo, affirme que cette discipline « utilise des critères de mesure» dont la validité scientifique est probante et « entend être évaluée elle-même sur le terrain de la science». Ce qui permet d’ailleurs de dénoncer au passage « grâce à la synergologie quelques contre-vérités flagrantes énoncées ici ou là dans le domaine du non-verbal ». Tout à sa prétention, qui la fait fétichiser Karl Popper et souhaiter « rétablir des vérités scientifiques » en tordant le cou à des erreurs, la synergologie, très sûre d’elle, entend donc être évaluée « sur le terrain de la science ». Eh bien, nous répondrons à son invitation dans ces pages. 9 Yves Winkin (2003) mène depuis quelques années un combat sans concessions contre les dérives de la programmation neurolinguistique (PNL). Il n’en sera pas question ici. Mais ce qu’il disait de celle-ci, je le pense et le redis de tous les « obsédés du décodage du non-verbal », et de la synergologie au premier chef. Lorsque des universitaires se mettent à jouer sur les deux tableaux, lorsque des praticiens veulent se donner des lettres et commencent à confondre les travaux théoriques de Bateson ou Chomsky avec les extrapolations prescriptives de Bandler et Grinder, lorsque des consultants en ressources humaines présentent la PNL aux entreprises comme une technique scientifique de changement et d’innovation, alors j’estime que c’est mon droit, sinon mon devoir de chercheur scientifique de réagir. Et pas à fleurets mouchetés. Parce que ces confusions sont pernicieuses. Il y a fraude intellectuelle lorsque, profitant de la naïveté ou du manque de formation spécifique de leurs interlocuteurs, les chirologues, morphopsychologues et autres physiognomonistes vendent leur discours comme de la connaissance scientifique (2003 : 26). 10 Jetons sans animosité le gant aux synergologues, en leur proposant les règles de la controverse universitaire, où l’on débat avec des arguments qui se fondent eux-mêmes sur des critères d’examen rationnel des réalités étudiées. Et puisse un débat s’ensuivre là où la recherche vit en respectant les lois du genre : uploads/Management/la-synergologie-une-analyse-critique-d-une-pseudoscience-du-decodage-du-non-verbal.pdf

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  • Publié le Jan 08, 2022
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