Recherche et Applications en Marketing 28(1) 27 –45 © The Author(s) 2013 Repri
Recherche et Applications en Marketing 28(1) 27 –45 © The Author(s) 2013 Reprints and permissions: sagepub.co.uk/journalsPermissions.nav DOI: 10.1177/0767370112472272 ram.sagepub.com RAM Introduction La littérature marketing, influencée par le paradigme cognitif en psychologie, considère habituellement que l’attitude positive est à l’origine de l’engagement envers une marque (Amine, 1998; Aurier, Benavent et N’Goala, 2001). L’engagement résulterait d’une détermination interne de l’individu, de sa volonté ou de son intention de poursuivre la relation (Frisou, 2004). Dans cette approche, l’engagement est en quelque sorte le lien qui unit le consommateur à son attitude (‘Je suis engagé parce que mon atti tude envers la marque est positive’). Toutefois, il y a tout lieu de penser que les actes réalisés par les consommateurs sont également une source d’engagement. En effet, selon le psychologue social Kiesler, l’engagement est ‘le lien qui unit un individu à ses actes’ (1971: 30). En d’autres termes, ‘je suis engagé parce que j’ai réalisé des actes que je ne peux pas renier’. Or, dans la vie quotidienne, les consommateurs fidèles à leur marque réalisent de nombreux actes d’achat et de consommation. On peut donc se demander si l’accumulation des actes contribue à stabiliser la relation avec leur marque. Plusieurs études ont déjà montré que l’on pou vait produire un effet d’engagement comportemen tal au moyen de techniques telles que le pied dans la porte, l’amorçage ou le leurre, en incitant un con sommateur à réaliser un acte préparatoire qui l’engage dans la relation (Gueguen et Fischer- Lokou, 2003; Gueguen et Jacob, 2006; Helme- Guizon et Amato, 2004; Joule et Beauvois, 1989; Yildiz, 2007). Mais l’objet de cette recherche est différent. Nous ne nous intéressons pas aux Le lien entre le consommateur et ses actes Eric Julienne Maître de conférences, Université d’Evry-Val-d’Essonne, Laboratoire TEM-UEVE Résumé Alors que la littérature marketing explique habituellement l’engagement par des construits attitudinaux tels que la confiance et l’attachement, nous développons une approche comportementale alternative selon laquelle l’engagement résulte de l’accumulation d’actes d’achat et de consommation (Kiesler, 1971). Nous montrons que (1) le pouvoir prédictif d’un modèle comportemental, testé sur un échantillon de 432 lecteurs de presse magazine, est équivalent à celui d’un modèle attitudinal classique (variance expliquée: 0.529 vs. 0.527), et (2) l’accumulation des actes ne renforce pas l’influence des attitudes sur l’engagement (variance expliquée du modèle intégrateur attitudes–comportements: 0.546). Ces résultats suggèrent d’utiliser préférentiellement les données comportementales pour prédire l’engagement, car elles sont plus faciles à collecter. Mots-clés Actes, attachement, comportements, confiance, implication, théorie psychosociale de l’engagement Corresponding author: Eric Julienne, Maître de conférences, Université d’Evry–Val-d’Essonne, Laboratoire TEM-UEVE, IUT d’Evry, 22 allée Jean Rostand, 91000 Evry, France. Email: ericjulienne@yahoo.fr 472272 RAM28110.1177/0767370112472272Recherche et Applications en MarketingJulienne 2013 Article 28 Recherche et Applications en Marketing 28(1) comportements qui sont induits de manière externe par des techniques de manipulation, mais aux com portements qui sont réalisés spontanément par les consommateurs, sans l’influence d’un tiers. En d’autres termes, il s’agit de valider empiriquement l’existence d’un lien psychologique entre le con sommateur et ses actes d’achat et de consommation (Kiesler, 1971). Dans la littérature, l’engagement est considéré comme central pour l’adoption par les consommateurs d’un comportement de fidélité à long terme (Amine, 1998; Oliver, 1999). Si ses antécédents attitudinaux ont clairement été identi fiés, un travail reste à accomplir sur les antécédents comportementaux. L’originalité de cette recherche consiste à se demander si l’approche comportementale est capable de rivaliser avec l’approche attitudinale en termes de pouvoir prédictif. Cela permettrait en effet de dis poser d’une mesure implicite de l’engagement (au travers des comportements). Cela suggèrerait égale ment qu’il convient de privilégier les données com portementales dans les bases de données client, car elles sont plus simples et moins coûteuses à collecter que les données attitudinales (Peelen et al., 2009). Une autre voie que nous explorerons consiste à ne pas opposer ces deux approches, mais à en chercher les complémentarités, à l’instar de Frisou (2000) et Yildiz (2007), qui soutiennent que les facteurs attitu dinaux et comportementaux contribuent con jointement à la formation de l’engagement. Nous étudierons cette proposition en examinant, au plan théorique et empirique, dans quelle mesure un modèle intégrateur accroît le pouvoir prédictif global. Dans cet article, nous allons mettre en regard deux approches: la théorie attitudinale classique et la théorie psychosociale de Kiesler. Nous proposerons ainsi deux modèles alternatifs correspondant à deux approches théoriques distinctes. Nous tenterons de faire le lien entre ces deux approches grâce à un troisième modèle – intégrateur. Nous comparerons les capacités prédictives des trois modèles en les testant sur un échantillon de 432 lecteurs de presse magazine. Les implications managériales, limites et voies de recherche seront exposées en conclusion. Proposition d’un modèle attitudinal de l’engagement Dans cette première partie, nous proposons un modèle conceptuel de l’engagement fondé sur l’approche attitudinale (Figure 1), qui se caractérise par le fait que les attitudes (la confiance et l’attachement) sont les seuls antécédents directs de l’engagement. Les comportements d’achat et de consommation sont des variables périphériques. Ils sont la conséquence de la confiance et de l’attachement, mais ne jouent aucun rôle dans la formation de l’engagement. L’approche attitudinale de l’engagement Dans le paradigme attitudinal, l’engagement est sou vent défini comme la volonté de maintenir et développer une relation avec le partenaire d’échange (Anderson et Weitz, 1992; Fournier, 1998; Frisou, 2000; Gundlach, Achrol et Mentzer, 1995; Moorman, Zaltman et Deshpande, 1992). Dans cette conceptu alisation, l’engagement contient une forte com posante motivationnelle. Cette assimilation de l’engagement à ses causes conduit certains auteurs, à la suite des travaux de Meyer et Allen en com portement organisationnel (1991), à distinguer l’engagement calculé et l’engagement affectif Confiance Engagement H1 H2 Aachement Comportements H4 H5 H3 Figure 1. Le modèle attitudinal de l’engagement. Julienne 29 (Amine, 1998; Moulins, 2004; N’Goala, 2010; Samuelsen et Sandvik, 1999). L’engagement affectif résulte du sentiment d’identification et d’affiliation à la marque ou au prestataire, il est très proche du concept d’attachement. L’engagement calculé est de nature instrumentale, il résulte d’un arbitrage entre les bénéfices et les coûts associés à la poursuite de la relation. D’autres auteurs, dont nous nous inspirons dans cette recherche, préfèrent distinguer clairement l’engagement de ses antécédents attitudinaux, en particulier la confiance et l’attachement, ce qui per met d’examiner les influences de ces deux construits sur l’engagement (Aurier, Benavent et N’Goala, 2001; Garbarino et Johnson, 1999; Lacoeuilhe, 2000; Morgan et Hunt, 1994). L’engagement se manifeste par un comportement de résistance au changement de marque La littérature mentionne à de nombreuses reprises que l’engagement se manifeste par un comporte ment de stabilité relationnelle, et plus précisé ment de résistance au changement de marque. Par exemple, Crosby et Taylor (1983) définissent l’engagement comme la ‘tendance à résister au changement de préférence à la suite d’une informa tion ou expérience dissonante’. Iwasaki et Havitz (2004) le décrivent comme une ‘tendance fonda mentale à résister au changement de préférence’ et Lacoeuilhe (2000) comme une ‘tendance à résis ter au changement [de partenaire], [ce qui] traduit une volonté de stabilité du comportement’. Selon Oliver (1999: 34), ‘la fidélité est l’engagement indéfectible de racheter avec constance dans le futur le produit ou service préféré, ce qui conduit à l’achat répété de la même marque ou du même ensemble de marques, en dépit d’influences situ ationnelles et d’actions marketing pouvant induire un changement’. L’avantage d’appréhender l’engagement au travers de sa manifestation (la résistance au changement de marque) permet d’éviter toute confusion avec ses antécédents. Ceci est néces saire pour traiter notre problématique, puisque notre objectif consiste à identifier la nature – attitudinale ou comportementale – des détermi nants de l’engagement. L’influence de la confiance sur l’engagement La confiance est une variable-clef du marketing relationnel parce qu’elle permet au consommateur de se projeter dans une relation à long terme avec la marque ou le fournisseur (Guibert, 1999). Elle con cerne l’ensemble des croyances ou présomptions du consommateur sur la relation à venir, ce qui permet de résoudre la question de l’incertitude (Frisou, 2000). Dans notre conceptualisation de la confiance, nous distinguons deux dimensions. La première concerne l’assurance du consommateur que la marque ou l’organisation fournira la qualité atten due. Il s’agit de la dimension de crédibilité de la confiance retenue dans la plupart des recherches (Fournier, 1998; Frisou, 2000; Garbarino et Johnson, 1999; Gurviez et Korchia, 2002), c’est-à-dire de ‘l’évaluation des capacités [de la marque] à remplir les termes de l’échange concernant les performances attendues’ (Gurviez et Korchia, 2002). Plus spéci fiquement, en ce qui concerne la presse magazine, cette première dimension de la confiance concerne le respect du ‘contrat de lecture’ qui unit les rédac tions et les créatifs du visuel à leurs lecteurs. Le con trat de lecture englobe les thématiques traitées par le magazine, les angles, le ton, le style et l’ambiance du magazine (Charon, 2001). La deuxième dimension de la confiance concerne l’intégrité de la marque ou de l’organisation. Le partenaire d’échange que le consommateur croit intègre est celui à qui il attribue des motivations et des intentions loyales (Gurviez et Korchia, 2002). Le comportement éthique des partenaires est en effet nécessaire aux relations de coopération fondées sur la confiance (Ring uploads/Marketing/ 3-lien-entre-le-consommateur-et-ses-actes 1 .pdf
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- Publié le Dec 06, 2021
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