L'inefficacité de la rétractation de la promesse unilatérale de vente. - « Comm

L'inefficacité de la rétractation de la promesse unilatérale de vente. - « Comme un coup de tonnerre dans le ciel des obligation » 24 juin 2011, 00:32 La Semaine Juridique Edition Générale n° 25, 20 Juin 2011, 736 Etude par Yann Paclot agrégé des facultés de droit, professeur à l'université Paris XI et Emmanuelle Moreau maître de conférences à l'université Paris XI, Counsel DS Avocats Vente Sommaire Dans la promesse unilatérale de vente, le promettant ne s'oblige pas à vendre au bénéficiaire, mais consent à la vente dès la formation de la promesse. Par suite, contrairement à la position adoptée par la troisième chambre civile de la Cour de cassation depuis son arrêt du 15 décembre 1993, réitérée le 11 mai 2011, la rétractation du promettant avant la levée de l'option ne constitue pas la violation d'une obligation de faire, mais la négation de la force obligatoire de la promesse. Cette analyse emporte une double conséquence : non seulement la rétractation du promettant doit être inefficace, car il n'est pas au pouvoir de la volonté individuelle de s'opposer à la force obligatoire du contrat, mais encore, la vente à un tiers, pendant la durée de l'option, doit être frappée de nullité. 1. - Le 15 décembre 1993, un coup de tonnerre a retenti dans le ciel (serein ?) des obligations. La troisième chambre civile de la Cour de cassation venait en effet de juger qu'en matière de promesse unilatérale de vente portant sur un immeuble, la rétractation du promettant, antérieure à la levée de l'option, ne permettait pas au bénéficiaire d'obtenir la réalisation forcée de la vente. Au soutien de sa décision, la juridiction avait affirmé que, tant que le bénéficiaire n'avait pas déclaré acquérir, l'obligation du promettant ne constituait qu'une obligation de faire et que la levée de l'option postérieure à la rétractation excluait toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d'acquérir. La doctrine civiliste réprouva unanimement cette prise de position qui méconnaissait la nature de la promesse unilatérale de vente. Pour tenter de dissiper le trouble provoqué par cet arrêt singulier, on voulut l'imputer à la maladresse de rédaction du pourvoi : au lieu de soutenir que la volonté du promettant de ne plus contracter avec le bénéficiaire était dénuée d'effet - car le promettant avait consenti au contrat de vente dès la formation de la promesse - le pourvoi s'était fondé sur l'existence d'une obligation de donner au profit du bénéficiaire, comme si la promesse de vente lui avait conféré un droit réel. 2. - Cette lecture fut démentie, comme l'espoir qu'elle avait suscité, d'abord par un arrêt du 26 juin 1996. En apparence, cette décision marquait un retour à l'orthodoxie, en décidant que la vente promise était parfaite, alors que le promettant s'était rétracté avant la levée de l'option. Mais un auteur sagace le releva sans tarder : cette impression n'était qu'un leurre, car la question de l'incidence de la rétractation sur la formation de la vente n'avait pas été posée devant la cour d'appel. En jugeant que la vente était parfaite, cette dernière s'était bornée à tirer les conséquences de la levée de l'option dans le délai de la promesse. Le pourvoi formé par le promettant ne pouvait donc qu'être rejeté. Mais, pour signifier qu'elle n'entendait pas revenir sur sa jurisprudence de 1993, la troisième chambre civile avait spécifié que la cour d'appel n'avait pas « à procéder à une recherche qui ne lui avait pas été demandée », d'où il fallait déduire que la solution du litige eût été différente si la question de la rétractation avait été soulevée devant les juges du fond. 3. - Un arrêt du 28 octobre 2003 montra ensuite que la troisième chambre civile restait sourde à la critique. Elle y affirma que le manquement du promettant à son obligation de maintenir « son offre » pendant toute sa durée contractuelle s'analysait en la violation d'une obligation de faire qui ne pouvait se résoudre qu'en dommages et intérêts. En conséquence, la troisième chambre civile approuva la cour d'appel d'avoir refusé « d'ordonner la vente forcée » de l'immeuble litigieux. 4. - Quelques années plus tard, sans revenir sur cette position, la troisième chambre civile admit dans son arrêt du 27 mars 2008 que les parties à une promesse unilatérale de vente étaient libres de convenir que « le défaut d'exécution par le promettant de son engagement de vendre pouvait se résoudre en nature par la constatation judiciaire de la vente » : une stipulation contractuelle explicite pouvait donc faire obstacle au jeu de l'article 1142 du Code civil, tel qu'interprété par la Cour de cassation. La validité de telles clauses, qui s'étaient développées dans la pratique pour limiter les effets dévastateurs de l'arrêt de 1993, était donc reconnue par la jurisprudence. 5. - Puis, le 25 mars 2009, à propos d'une promesse à durée indéterminée, la troisième chambre civile a jugé que le promettant pouvait se rétracter sans mettre préalablement le bénéficiaire en demeure d'accepter ou de refuser la promesse. Marquant un revirement par rapport à une jurisprudence fort ancienne, cette décision se révélait d'une évidente logique par rapport à l'orientation prise en 1993 : la troisième chambre civile ayant décidé que le « retrait» constitue la violation d'une obligation née de la promesse, elle devait logiquement juger qu'il n'y a pas lieu d'en subordonner l'efficacité, c'est-à-dire l'anéantissement de la promesse elle- même, à une mise en demeure préalable du bénéficiaire ! Il suffit donc que le promettant se conforme à la procédure imposée par la troisième chambre civile dans cette décision, en formalisant son retrait par une déclaration de volonté, portée à la connaissance du bénéficiaire avant que celui-ci ne lève l'option. 6. - La troisième chambre civile est-elle toujours fidèle à cette idée, combattue par la quasi- totalité de la doctrine, que le promettant est tenu d'une obligation de faire et qu'il peut valablement se rétracter durant le délai de levée d'option ? L'arrêt rendu le 8 septembre 2010 a conduit à se poser la question. Dans cette espèce, le bénéficiaire d'une promesse unilatérale de vente avait levé l'option après la mort du promettant, qui avait notamment laissé pour lui succéder un héritier mineur, placé sous le régime de l'administration légale sous contrôle judiciaire. Dans la droite ligne de la jurisprudence de la troisième chambre civile, la cour d'appel avait estimé que le mineur ne pouvait consentir à la vente sans l'autorisation du juge des tutelles, jugeant que le promettant était tenu d'une obligation de faire tant que le bénéficiaire n'avait pas déclaré acquérir. Cette décision fut cassée au visa de l'article 1589 du Code civil, au motif que « le promettant avait définitivement consenti à la vente » et que « l'option pouvait être valablement levée, après son décès, contre ses héritiers tenus de la dette contractée par leur auteur, sans qu'il y eût lieu d'obtenir l'autorisation du juge des tutelles ». Pour la première fois depuis 1993, la troisième chambre civile a ainsi admis que le promettant avait « définitivement consenti à la vente », ajoutant que ses héritiers étaient tenus de la « dette contractée par leur auteur ». On s'est alors demandé si le lien avec la jurisprudence de 1993 était (enfin) rompu. 7. - Or, la troisième chambre civile vient de se prononcer à nouveau sur les effets de la rétractation, le 11 mai 2011. Alors que les juges du fond avaient constaté la perfection d'une vente, après avoir retenu qu'en vertu de la promesse unilatérale de vente le promettant devait maintenir son offre, sans aucune faculté de rétractation, leur décision a été cassée, « la levée de l'option par le bénéficiaire postérieurement à la rétractation excluant toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d'acquérir ». Certes, comme le rapporteur l'a relevé, les parties au litige avaient déposé leurs mémoires avant que l'arrêt du 8 septembre 2010 ne fût connu ; il n'en reste pas moins que la troisième chambre civile en a fait abstraction, préférant réaffirmer la formule contenue dans son arrêt de 1993. 8. - Face à une telle jurisprudence, ni la doctrine, ni la pratique, ne sauraient se complaire dans l'ambiguïté : il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée. La rétractation du promettant avant la levée de l'option entraîne-t-elle la violation d'une obligation de faire - qui ne pourrait être sanctionnée que par l'attribution de dommages-intérêts en l'absence de clause prévoyant l'exécution forcée -, ou doit-on estimer qu'elle est dépourvue de tout effet, car le promettant a consenti à la vente dès la formation de la promesse ? La réponse à cette question exige de reprendre l'analyse de la rétractation du promettant (1), avant d'en tirer les conséquences au regard de la formation de la vente, en cas de levée postérieure de l'option ou de vente à un tiers (2). 1. La rétractation : violation d'une obligation de faire ou négation de la force obligatoire du contrat ? 9. - D'un arrêt à l'autre, la Cour de cassation a donné effet à la « rétractation du uploads/Marketing/ analyse-de-la-promesse-de-vente.pdf

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  • Publié le Dec 26, 2021
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