Les Digous exemple illustratif de la mondialisation par la bas La mondialisatio
Les Digous exemple illustratif de la mondialisation par la bas La mondialisation par le haut porte sur l’action des États et des multinationales en vue de favoriser la libre circulation des marchandises et des capitaux. La mondialisation par le bas peut être définie comme un flux transnational de personnes et de marchandises qui impliquent des quantités relativement faibles de capital et des transactions peu institutionnalisées, informelles, parfois « semi-légales » voire « illégales ». La Chine se transforme progressivement en une société de consommation 2. Les produits fabriqués à l’étranger, allant du prêt-à- porter à la nourriture, considérés comme étant authentiques et de meilleure qualité, sont fortement valorisés par les consommateurs chinois issus des classes moyennes et supérieures. D’un côté, l’État chinois promeut le développement des partenariats et le commerce international sous diverses formes (signature de contrats de vente, création d’antennes de marketing, etc.) (La mondialisation par le haut) De l’autre côté, émergent de nombreuses activités économiques transfrontalières promues par des acteurs ordinaires, à titre individuel, en groupe ou en réseau. (La mondialisation par le bas) Une nouvelle forme de mondialisation par le bas. Plus précisément, nous nous intéressons à un groupe d’agents commerciaux résidant à l’étranger et vendant des produits étrangers aux consommateurs chinois de Chine via des plateformes ou logiciels de transaction en ligne. Nommés daigou en mandarin, littéralement traduit comme « acheter au nom de quelqu’un d’autre », ces agents commerciaux, résidents en séjour de longue durée en France, jouent en effet un rôle d’intermédiaires entre fabricants/commerçants français et consommateurs chinois. Leur existence a modifié le modèle traditionnel du commerce international – caractérisé par une chaîne de transaction allant du producteur à l’exportateur du pays A, puis à l’importateur, au commerçant de gros, au commerçant de détail et enfin au consommateur du pays B – en reliant directement le producteur du pays A et le consommateur du pays B. La suppression des étapes intermédiaires traditionnelles d’une transaction transfrontalière permet en effet au consommateur d’économiser du temps et de l’argent. Selon une enquête menée en Chine par Bain & Company 10, les transactions via les daigous ont augmenté de 20 milliards de RMB (3 milliards de dollars) en 2014 : en l’espace de douze mois, la consommation de produits de luxe via les daigous est passée de 55 à 75 milliards de RMB (8,8 milliards de dollars à 12 milliards de dollars). D’après un reportage réalisé par la BBC en octobre 2016 11 portants sur le phénomène en Australie, on estime qu’il y a dans ce pays environ 40 000 daigous, quasi exclusivement originaires de la Chine continentale, jeunes immigrés ou étudiants. les daigous ne remplissent pas les conditions nécessaires pour bénéficier de la détaxe. Ils sont ainsi à la recherche de passeports de touristes chinois leur permettant de baisser le coût d’acquisition des produits grâce à la détaxe à laquelle ces derniers ont droit. D’autant plus que certaines marques (notamment des produits de luxe), familières du mode d’achat daigou, limitent le nombre d’achats par pièce d’identité durant un temps déterminé 32. Pour être mis en contact avec des touristes chinois, les daigous sont amenés à collaborer avec des g Le partenariat créé entre guides touristiques et daigous est similaire à celui établi entre ces derniers et les vendeurs de certaines marques. Même si la politique de la boutique leur interdit de collaborer avec les daigous, certains vendeurs, en vue d’augmenter leur chiffre de vente, maintiennent de « bons contacts » avec eux, en leur proposant des nouveautés, en les invitant aux ventes privées, ou en les prenant en photos lors d’essayages – souvent demandés par les clients chinois des daigous quand il s’agit de produits de luxe – contre une rémunération (entre dix et vingt euros par essai) guides touristiques. Convaincu que l’e-commercialisation représente l’avenir des échanges économiques, le gouvernement chinois favorise d’autres formes d’activités économiques transfrontalières que celle des daigous, notamment l’e-commerce via des plateformes mettant en contact direct les producteurs étrangers et les consommateurs chinois. L’État chinois a par ailleurs mis en œuvre des politiques d’accompagnement pour favoriser la création de plateformes d’e- transactions. Par exemple, tous les Chinois diplômés et qualifiés à l’étranger – dont font partie les daigous ici étudiés – peuvent bénéficier d’aides financières pour la création d’entreprise et d’exonération d’impôts pendant les premières années 36. La nationalité chinoise ainsi que les titres scolaires sont ici valorisés comme ressources distinctives permettant de bénéficier des politiques étatiques d’investissement et de commerce, marquant une mondialisation par le haut. e mode d’achat daigou est exemplaire d’une économie transnationale par le bas. Il est structuré par des flux de biens, d’informations, de personnes et de capitaux entre différents marchés qui fonctionnent comme des nœuds dans un système mondial non hégémonique 40. 41 Santelli E., « Entre ici et là-bas : les parcours d’entrepreneurs transnationaux. Investissement éc (...) 51À partir de l’étude des pratiques intraprofessionnelles mais également interprofessionnelles de la filière daigou, nous avons montré la capacité des agents daigou à « être ici et là-bas en même temps 41 », la reconfiguration des réseaux commerciaux transnationaux (incluant les réseaux souterrains du commerce informel) à l’ère numérique d’une société chinoise de consommation, les trajectoires et logiques migratoires différenciées et hiérarchisées au sein des daigous, et le rôle moteur joué par ces derniers dans le processus de mondialisation avant même la mise en œuvre de politiques de régulation et de dispositifs de contrôle. À ce titre, étudier les activités et les pratiques de ces acteurs ordinaires offre un autre regard sur l’international, complémentaire à ce qui peut être saisi « par le haut », à savoir l’analyse des actions des États et des multinationales. En termes de « propriétés sociales », les daigous étudiés ici, tous qualifiés, ne sont pas issus des classes populaires, acteurs usuels de la mondialisation par le bas. De par sa nouveauté, son ampleur, l’intensité des capitaux véhiculés, ainsi que la complexité des réseaux économiques qu’elle occasionne, l’activité des daigous mérite d’être étudiée. L’analyse de cette filière économique nous semble particulièrement féconde pour interroger les nouveaux sens à donner aux acteurs de la mondialisation par le bas (lorsque ces derniers sont qualifiés), ainsi que pour enquêter sur les caractéristiques spécifiques de la société chinoise de consommation (manque de confiance envers les produits locaux, ethos consommateur d’une Chine en moyennisation, etc.). uploads/Marketing/ les-digous 1 .pdf
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- Publié le Jan 01, 2022
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