1 L’utilisation des réseaux sociaux dans le marketing des PME : entre risque et

1 L’utilisation des réseaux sociaux dans le marketing des PME : entre risque et opportunité ? Walid A. Nakara1 Fatim-Zohra Benmoussa Annabelle Jaouen Résumé : Le développement fulgurant du web et l’avènement des réseaux sociaux ont profondément transformé les pratiques des consommateurs. Ces changements rapides ont poussé les entreprises à réagir et adapter leur stratégie marketing. L’objectif de cette recherche et d’explorer l’utilisation des réseaux sociaux dans la stratégie marketing des PME afin de déterminer l’opportunité et/ou les risques qu’elle présente. Pour répondre à cette question de recherche, nous avons déployé une méthodologie en trois étapes. Premièrement, sept entretiens semi-directifs avec des consultants en communication et en web marketing ont été réalisés comme première étape exploratoire. Puis une enquête en ligne a été effectuée auprès de 104 dirigeants de PME. Enfin, pour exploiter les données secondaires, nous avons réalisé une étude netnographique visant à analyser les pratiques des 104 PME concernées sur les médias sociaux. Les résultats montrent que face au manque structurel de moyens des PME, l’utilisation des réseaux sociaux offre un grand nombre d’opportunités en permettant une optimisation de ressources limitées. Toutefois, ceux-ci engendrent également des risques que les dirigeants doivent appréhender. Le risque de l’e-réputation est particulièrement analysé. Les résultats soulignent également la sous-utilisation des réseaux sociaux dans les PME malgré le potentiel de ces outils. Mots clés : marketing entrepreneurial, réseaux sociaux, dirigeants PME, risque, stratégie marketing 1 Auteur correspondant : w.nakara@montpellier-bs.com 2 INTRODUCTION Si l’arrivée d’Internet et son intégration dans le quotidien a changé les habitudes de vie des individus, son impact sur la gestion des entreprises s’est fait encore plus sentir. En effet, les entreprises ne peuvent prétendre à une gestion efficace sans usage adéquat et stratégique des TIC (Vacher, 2002). De manière plus particulière, la place croissante des réseaux sociaux interpelle aujourd’hui : 1,32 milliard de membres pour Facebook, 271 millions de personnes sur Twitter et une moyenne d’utilisation des réseaux sociaux qui dépasse les 6 heures par jour en 2014. Le rapport de l’individu au web s’est accentué par ces nouveaux modes de socialisation et d’échange. Ces transformations ont, dans le même sens, touché les entreprises dans leur approche gestionnaire et la fixation des objectifs d’efficacité à atteindre. En effet, les firmes ont saisi l’opportunité offerte par les réseaux sociaux comme moyen d’élargir son réseau de contacts, de faire de la veille concurrentielle et de construire une relation encore plus privilégiée avec les consommateurs. La création de valeur par ces moyens semble facilitée. Ces chiffres légitiment largement l’intérêt de la recherche pour explorer la place de ces nouvelles technologies dans le fonctionnement des firmes. L’impact d’Internet sur la gestion des entreprises a généré un nombre conséquent de travaux de recherche (e.g. Sterne, 2001 ; Miller, 2010), notamment lorsqu’il est question de la place des réseaux sociaux (e.g. Zarrella, 2009 ; Safko, 2010). Pourtant l’intégration des réseaux sociaux dans la mise en place de la stratégie marketing peut s’avérer risqué et il n’est pas synonyme d’efficacité. En effet, deux positions opposées existent quand à la crédibilité accordée aux réseaux sociaux comme outil marketing. D’une part, se présentent les entreprises qui intègrent et encouragent l’intégration des réseaux sociaux dans la conception de la stratégie marketing. Ils sont considérés comme l’outil à faible coût qui permet de communiquer et de diffuser son image sur un marché (Dutta, 2001). D’autre part, se maintiennent les entreprises, plus averses au risque et qui résistent à l’introduction des réseaux sociaux dans leur stratégie. Elles minimisent le pouvoir de ces outils et remettent en question leur crédibilité (Dunn, 2010). Dans cette seconde position, le risque perçu par les entreprises serait trop important par rapport à la valeur prétendue des réseaux sociaux. Face à cette opposition, il est intéressant de questionner la position des PME. En effet, en considérant les ressources financières et matérielles des PME comme limitées, il est pertinent d’interroger la place des réseaux sociaux comme outils aux coûts relativement faibles en comparaison à des outils marketing traditionnels (Dutta, 2010). L’objectif de cette recherche nous amène à explorer l’utilisation des réseaux sociaux par les dirigeants de PME dans la mise en place de leur stratégie marketing et de déterminer l’opportunité et/ou le risque qu’ils présentent. Il est à souligner que cette problématique qui se construit autour des PME intègre également le cas des micro-entreprises qui, bien qu’elles aient des spécificités différentes, trouvent des similarités avec les PME concernant la question de la limitation des coûts qu’impliquent les réseaux sociaux. Pour répondre à cette question de recherche, nous allons dans un premier temps faire un retour sur deux champs de recherche, celui lié aux spécificités de la pratique marketing dans les PME et celui relatif à la mobilisation des réseaux sociaux dans la stratégie marketing. Suivra ensuite la méthodologie de recherche exploratoire mise en place pour explorer la problématique. Enfin, seront présentés les résultats qui découlent de l’étude empirique. 3 1. Revue de littérature Deux champs de recherche sont pertinents à mobiliser pour explorer la problématique autour de l’usage des réseaux sociaux dans la stratégie marketing des PME : comprendre les pratiques marketing dans les PME et saisir la place des réseaux sociaux dans leur stratégie marketing. Ce second champ permettra de mettre l’accent sur l’opportunité ou le risque encouru par les dirigeants. 1.1. Spécificités de la fonction marketing dans les PME Les travaux autour du marketing des PME se sont largement multipliés depuis les années 80 (e.g. Neil, 1986 ; Morris et Paul, 1987 ; Joyce et al., 1990 ; Weinrauch et al., 1991 ; Gilmore et al., 2001 ; Pacitto et al., 2006). L’intérêt qui y est porté s’explique notamment par la récence de la fonction marketing dans la gestion de l’entreprise, qui n’apparait pas toujours, pour les managers, comme une nécessité dans le fonctionnement de leur activité. Pour saisir la place de la fonction marketing dans les PME, deux approches peuvent être distinguées. La première approche consiste à considérer la théorie marketing dans sa conception classique et de saisir la manière dont elle est appliquée dans les PME. En effet, l’absence d’un cadre marketing spécifique aux PME est à relever. L’étude de Romano et Ratnatunga (1995) a néanmoins permis d’identifier trois manières dont le marketing est vécu dans les PME : (1) le marketing comme une culture en donnant au consommateur une place centrale dans l’organisation, (2) le marketing comme une stratégie en se focalisant sur des techniques de segmentation, positionnement et ciblage, (3) le marketing comme une tactique dans le cadre des quatre politiques du mix. Dans ce sens, l’impact positif de la fonction marketing sur la gestion de la PME est chose prouvée. De la même façon, les PME ne faisant pas appel aux outils marketing sont plus vulnérables dans un marché compétitif (Tsai et al, 1991 ; Peterson, 1991). Ce qui est, à ce titre, pertinent de noter, est le décalage existant entre d’un côté une vision théorique du marketing, et de l’autre la mise en pratique de cette fonction dans les PME (Carson et McCartan, 1995). Deux types d’entreprises peuvent, dès lors, être identifiés. Les premières ne font pas du tout appel aux techniques marketing pour cause de manque de ressources et de manque de visibilité d’un retour sur investissement ; la question du risque est, ici, centrale. Elle est largement conditionnée par le profil du dirigeant qui, en cas d’aversion au changement, ne s’ouvre pas sur cette approche. Les secondes appliquent cette fonction de manière hasardeuse et improvisée. Elles se rapprochent dans ce sens des grandes entreprises avec des campagnes de communication ponctuelles (Patten, 1989). De cette première approche, il est important de nuancer l’idée selon laquelle les PME n’appliquent qu’un marketing bricolé en opposition à une fonction organisée dans les grandes firmes telle que décrite dans les théories (Ford et Rowley, 1979). Même si le bricolage peut être conçu d’une façon stratégique et source donc d’innovation (Jaouen et Nakara, 2014). Dans la seconde approche, il s’agit davantage de considérer les pratiques marketing à travers l’angle de la spécificité des PME (e.g. Corviello et al. 1997 ; Gilmore et al., 2001). L’idée n’est pas tant d’appliquer une démarche marketing à petite échelle (Hill, 2001) ; il est davantage question de prendre en compte les préoccupations des dirigeants et managers de PME et leurs particularités (Carson et Cromie, 1989). A cet effet, certaines caractéristiques ont été soulignées et ont fait l’objet de travaux de recherche. 4 La taille de l’entreprise est le critère de base de distinction des PME qui impacte la mise en place des procédures marketing (Andrus et Norwell, 1990). Les pratiques marketing sont, dès lors, spécifiques et informelles (Mohan-Neill, 1995) ; le dirigeant étant généralement le seul à contrôler ces décisions qui dépassent le cadre classique de gestion de l’entreprise. Ce dernier, même s’il gère correctement son entreprise, n’a pas, nécessairement les compétences nécessaires pour mettre en place une vraie stratégie marketing (Scase and Gofee, 1980). Trois types de limites spécifiques aux PME peuvent être soulignés (Gilmore et al., 2001) : (1) des ressources limitées en termes de finances, de uploads/Marketing/ lutilisation-des-reseaux-sociaux-dans-le.pdf

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  • Publié le Fev 28, 2021
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