Décisions Marketing n°73 Janvier-Mars 2014, 27-43 Pour contacter les auteurs :
Décisions Marketing n°73 Janvier-Mars 2014, 27-43 Pour contacter les auteurs : bernard.cova@kedgebs.com et marcelsaucet@sandiego.edu DOI : 10.7193/DM.073.27.43 – URL : http://dx.doi.org/10.7193/DM.073.27.43 Cova B. et Saucet M. (2014), Le street marketing : forcément transgressif ?, Décisions Marketing, 73, 27-43. Résumé Le marketing non conventionnel représente un ensemble d’approches alternatives tendant à renouveler la com- munication des entreprises et des organisations. Dans cet ensemble, les actions dites de street marketing semblent particulièrement adaptées pour toucher une cible précise de consommateurs lors de leurs déplacements urbains. Cependant, ces actions de marketing de rue confrontent les agences et les annonceurs à un risque inédit, la mobilisation du bien commun à des fins de communication n’étant pas sans poser des problèmes règlementaires. Sur la base d’une recherche menée avec 8 annonceurs et 10 agences, cet article met en évidence les pratiques transgressives des entreprises face à la réglementation française, articule les trois grandes dimensions d’une décision de transgression pour agences et annonceurs et détaille les façons de contourner la règle et/ou de gérer la transgression à la règle. Mots-clés : autorisation, justification, règlementation, relation agence-annonceur, transgression. Abstract Street marketing, an infringing practice? Unconventional marketing is a set of approaches that represents an alternative way of communication for compa- nies and organizations. Among these approaches, street marketing seems particularly appropriate when trying to reach a target of consumers during their urban transfers. However, street marketing actions also bring a degree of risk of legal entanglements to advertisement agencies and their clients, namely, the utilization of common goods for matters of communication. Based on a research conducted with 10 agencies and 8 advertisers, this article highlights how companies attempt to circumvent French law; it provides three major elements that agencies and advertisers mobilize while making the decision to circumvent the law and details how to get around the rules and/ or manage the infringement of the law. Key words: agency-client relationship, justification, permission, regulation, transgression. Le street marketing, forcément transgressif ? Bernard Cova* et Marcel Saucet** *Kedge Business School Marseille et Université Bocconi de Milan **Ipag Business School, Paris et Université de San Diego, Californie, USA E X E M P L A I R E A U T E U R - D I F F U S I O N E T C O M M E R C I A L I S A T I O N I N T E R D I T E S - © A F M / E M S 28 – Décisions Marketing n°73 Janvier-Mars 2014 Les entreprises sont constamment à la re- cherche de nouveaux moyens de communica- tion permettant de différencier leurs offres et leurs marques sur des marchés relativement saturés. Beaucoup d’entre elles succombent aujourd’hui aux attraits d’approches dites de ‘marketing non conventionnel’ censées leur apporter cette différenciation et ce, à un coût inférieur à celui des démarches de communi- cation considérées comme conventionnelles. Notons tout de suite que ces approches mobi- lisent de manière abusive le vocable marke- ting car elles ne prennent en charge que la seule variable communication du marketing mix. Dans le vaste ensemble du marketing non conventionnel, les approches s’appuyant sur les nouveaux médias sociaux comme le marketing viral (Kaplan et Haenlein, 2011) ont particulièrement le vent en poupe. Juste derrière, les opérations de street marketing ou marketing de rue sont celles les plus plé- biscitées par les managers1. Pourtant, au contraire du marketing viral, les opérations de street marketing sont encore mal conceptualisées : leur périmètre est vague ; leurs points communs et différences avec les autres approches non convention- nelles ne sont pas toujours bien compris ; leurs avantages et limites encore à préciser. 1/ Etude SDA Bocconi, Milan – Printemps 2011 En particulier, les opérations de street mar- keting posent un problème règlementaire inédit aux agences et aux annonceurs. Ces derniers sont habitués dans le cadre de leurs actions publicitaires à faire face aux obliga- tions de la réglementation qui se préoccupe du respect d’une saine concurrence, de la défense des droits des créateurs et surtout de la protection du consommateur. Avec le mar- keting direct puis le web marketing, agences et annonceurs ont appris à tenir compte de la Commission nationale de l’informatique et des libertés qui protège la vie privée des consommateurs. Le développement du street marketing dans la plupart des grandes villes les met aujourd’hui devant un problème iné- dit : peuvent-ils développer une action de street marketing efficace sans enfreindre le cadre règlementaire ? L’exemple de Red Bull fêtant en avril 2008 l’avis favorable à la com- mercialisation de son produit en France par un défilé de 145 Mini Cooper S aux couleurs de Red Bull sur les Champs Elysées et provo- quant ainsi un bouchon monstre au niveau du rond-point de l’Etoile est dans toutes les têtes (Photo 1). Red Bull n’a pas demandé l’autori- sation pour faire cela. Il l’aurait demandée à la Mairie de Paris et à la Préfecture qu’il ne l’aurait probablement pas obtenue. Red Bull a préféré tenter le coup au risque de payer de lourdes amendes pour perturbation de l’ordre Photo 1 : Intervention des forces de police lors de l’opération Red Bull aux Champs Elysées en avril 2008 Source : www.minimoving.info E X E M P L A I R E A U T E U R - D I F F U S I O N E T C O M M E R C I A L I S A T I O N I N T E R D I T E S - © A F M / E M S Communication – 29 public. Le résultat : un bouche-à-oreille im- pressionnant sur le Net. Par voie de conséquence, cet article a la vo- lonté d’aider les managers à envisager leurs opérations de street marketing tout en leur permettant de mieux comprendre les diffi- cultés réglementaires qui leur sont associées. De manière à positionner clairement le street marketing, il le situe tout d’abord dans l’en- semble des approches non conventionnelles de communication. Ensuite, il s’attache à pré- ciser les dimensions d’un marketing de rue et notamment son caractère transgressif. Enfin, sur la base d’une étude qualitative réalisée avec des responsables d’agences et d’annon- ceurs ayant développé récemment des actions marquantes de street marketing, il précise les risques et opportunités de telles approches, ainsi que leur prise en compte dans la relation agence-annonceur. Marketing non conventionnel et street marketing Il existe aujourd’hui tout un ensemble d’ap- proches de communication qui, au même titre que le street marketing, s’autoprocla- ment non conventionnelles et alternatives aux approches traditionnelles. Elles revendiquent le qualificatif de « non conventionnelles » car elles utilisent des moyens de communication dits below the line, des plus anciens (bouche- à-oreille, homme-sandwich, etc) aux plus actuels (flashmob ou happening), alors que les approches conventionnelles se centrent sur les grands médias dits above the line. De plus, leurs promoteurs (Gambetti, 2010) mettent l’accent sur le fait qu’elles font vivre aux consommateurs des expériences directes quand les approches conventionnelles font vivre des expériences indirectes car média- tisées. Dans ce foisonnement de nouveaux termes en perpétuelle extension, le guerrilla marke- ting introduit par Levinson (1984) fait figure de pionnier : un système non conventionnel de communication à petit ou très petit bud- get, s’appuyant sur l’imagination – flirtant parfois avec les limites de la réglementation ou/et de l’éthique - plutôt que sur les moyens financiers. Près de 30 ans après le lancement du guerrilla marketing, les approches de marketing non conventionnels sont organi- sées selon quatre grands types (Cova, Gior- dano et Pallera, 2012) : un premier type, qui a connu un immense développement durant la dernière décennie, s’articule autour du mar- keting viral ou bouche-à-oreille électronique (Kaplan et Haenlein, 2011) ; un second type recycle les approches dites d’ambush mar- keting (Burton et Chadwick, 2009) fondées sur l’utilisation détournée d’un évènement ou d’un bien (privé ou public) dans le domaine sportif (marketing embusqué ou marketing d’embuscade) ; un troisième type concerne les approches de stealth marketing (marke- ting furtif) qui masquent, autant que faire se peut, leur caractère marchand (Roy et Chat- topadhyay, 2010) ; enfin un dernier et qua- trième type renvoie au street marketing que nous allons développer. Ces quatre grands types de communication ne sont pas indépen- dants les uns des autres et se retrouvent peu ou prou combinés dans la majorité des cam- pagnes non conventionnelles : par exemple, une action peut créer l’évènement dans la rue (street) en cachant le plus possible son aspect commercial (stealth) et en utilisant de manière abusive un lieu public (ambush) avec pour but final de générer le buzz sur le net (viral). Ce faisant, ce type d’action n’est pas sans poser question aux professionnels de la communication (Petty et Andrews, 2008 ; Sprague et Wells, 2010) : en effet, de telles actions enfreignent souvent la règlementa- tion en place. Le street marketing fait ainsi un usage « sauvage » (Black et Nevill, 2009) de la rue qui semble, à la fois, la uploads/Marketing/9-article-street-marketing.pdf
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- Publié le Mai 03, 2021
- Catégorie Marketing
- Langue French
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