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1 La régulation de la concurrence au Maroc : Evolution du cadre législatif et réglementaire Mohamed El Merghadi Secrétaire Général du Conseil de la Concurrence 2 L’expérience du Maroc dans le domaine de la concurrence : une lente évolution. La prise en compte des règles de la concurrence et des modalités de sa régulation a émergé comme préoccupation à la fin des années 80.Une préoccupation consécutive à l’application du programme d’ajustement structurel que les autorités publiques ont été conduites à mettre en chantier afin de permettre à l’économie marocaine sur de renouer avec l’équilibre macroéconomique et de l’ouverture grandissante sur l’extérieur. Lors de la mise en application des premières composantes de ce programme, le besoin s’est fait sentir d’introduire des changements profonds en matière de règles du jeu économique au Maroc, particulièrement dans le sens de faire de la formation des prix une affaire de règles internes au marché et non le fruit d’une injonction ou d’une intervention administrative. Dans cette perspective, les pouvoirs publics ont veillé à mettre en place de nouvelles modalités de formation des prix en corrélation avec le climat d’ouverture ascendante que connaît le pays avec notamment le relâchement du rôle orientation et de commandement qu’exerçait l’Etat sur les sphères des affaires et de la finance. En 1989 très exactement, fut élaboré le premier projet de loi qui annonce le principe de la liberté des prix et qui ébauche l’ère de l’application des règles et principes préliminaires de la concurrence. Partant de là, les pouvoirs publics ont pris la décision de mettre en place tout un arsenal législatif sur les prix et la concurrence comme pilier logique et nécessaire des options que le Maroc a choisies afin de moderniser son économie, de faciliter son processus d’intégration dans l’économie mondiale et de mettre son appareil productif au diapason des impératifs des mutations de la scène économique interne et internationale. Progressivement s’est constituée la plateforme qui va initier l’élaboration de la loi 06.99 relative à la liberté des prix et de la concurrence. Cette plateforme semble annoncer le commencement d’une révision profonde de l’arsenal des lois économiques au Maroc en direction d’une meilleure concordance avec la philosophie de la législation en vigueur dans l’espace nord méditerranéen d’une part, et avec l’esprit des lois réglementant les affaires au niveau international, de l’autre. Dans ce contexte, la constitution marocaine de 1996 a consacré le principe de la liberté économique. Son article 15 prévoit que « le droit de propriété et la liberté de l’initiative privée sont garantis », ce qui signifie qu’en principe, toute personne a le droit d’accéder à n’importe quel secteur ou marché sans entraves, et sans qu’elle soit victime d’une prépondérance ou domination illégale par le biais de pratiques injustes ou discriminatoires. Dans ce cadre, il est à souligner que la concurrence est l’une des modalités d’application des principes de la démocratie dans le domaine économique qui garantit à toute personne le droit d’accès aux marchés et d’offre des produits 3 en toute liberté, le dernier mot devant revenir au consommateur qui peut choisir le produit ou la marchandise qui lui conviennent tant sur le plan du prix que sur celui de la qualité. C’est du reste ce que l’adoption de la loi 06.99 relative à la liberté des prix et de la concurrence, promet de consacrer au Maroc. Les dispositions de cette loi sont conformes au contenu de l’accord de partenariat conclu entre le Royaume du Maroc et l’Union Européenne dans le sens du respect des principes de la transparence, de la loyauté et de la juste compétition dans les transactions, adoptés dans le cadre des recommandations de l’Organisation Mondiale du Commerce et de la CNUCED1. Si nous voulons placer la loi relative à la liberté des prix et de la concurrence dans son cadre général, il y a lieu de souligner qu’elle se situe dans le contexte des réformes de l’environnement institutionnel de l’économie marocaine. Elle constitue l’un des facteurs de sa requalification et de l’affermissement de son aptitude à la compétition en vue de la réalisation d’un développement durable et de la création des conditions de viabilité dans un paysage économique international caractérisé par la mondialisation et la globalisation. Lors des dernières décennies, y compris au cours des conjonctures de récession et de crise, il y a une quasi unanimité en ce que l’ordre concurrentiel reste la meilleure voie 1 A la différence des accords de libre échange qui lient le Maroc à d’autres pays, l’accord de libre échange et de partenariat avec l’union Européenne a consacré un titre aux questions de la concurrence. Voir le quatrième chapitre – les articles 36-41 de l’accord de partenariat. pour l’emploi optimal des ressources et le chemin le plus efficace pour garantir la créativité, l’innovation et l’amélioration de la répartition des revenus à travers ce que permet la compétition entre producteurs et la concurrence à l’intérieur des marchés comme prix « naturels » concurrentiels qui garantissent au consommateur le moyen le plus adéquat pour exercer une pression tangible sur le prix et le soustraire à toute tentative d’augmentation artificielle ou intempestive et partant la meilleure formule de l’équation prix/quantité. Ce faisant, se précise le sens général de la concurrence tel que l’a adopté la loi 06.99. Il se fonde globalement sur deux principaux piliers :  La liberté d’accès aux marchés et aux secteurs sans entraves ou obstacles de quelque nature que ce soit ;  La liberté des prix et de leur formation par le biais de la libre concurrence entre les divers acteurs et dans la transparence la plus totale des marchés et la clarification intégrale des conditions du déroulement des affaires. Sur la base de cette conception, il importe de distinguer entre deux niveaux dans la loi de la concurrence :  Le niveau des principes en premier, relatif au système des valeurs qui constituent la référence ou soubassement théorique de la loi sur la concurrence et qui fondent les normes du bon comportement telles qu’elles sont reconnues et approuvées sur le plan international ; 4  Le niveau des pratiques en second lieu et qui concernent la politique de la concurrence comme mécanisme de mise en application possible des principes en fonction de l’étape que traverse l’économie et de sa capacité d’assimilation de ces principes. Concernant l’adoption de ces principes par le Royaume du Maroc, le choix s’était posé entre deux orientations ou deux écoles lors de la prise de décision relative aux préparatifs préliminaires de la loi 06.99 : - L’école ou l’option anglo-saxonne qui semble faire de la concurrence une fin en soi et une condition obligatoire parmi celles du progrès économique dans le cadre d’une conception qui fixe à priori ce qu’elle tient comme pratiques illicites et interdites par nature, et qui confère ainsi à l’autorité de la justice le rôle d’intervention pour les juguler et les sanctionner. - L’école européenne qui tient la concurrence comme un instrument parmi les outils de développement et un mécanisme parmi ceux de l’organisation des formes du marché tout en se basant sur une vision des structures institutionnelles, des comportements et des transactions en fonction de la réalisation des conditions d’une concurrence loyale qui cible le développement et le progrès de l’économie nationale, et qui confère à des institutions de type administratif le rôle de suivi et d’évaluation de l’impact du fonctionnement des conditions de la libre concurrence, sans ignorer toutefois les prérogatives de la justice. I- Les principales orientations de la loi de la concurrence au Maroc avant la constitution de 2011 Après quelques années de préparation, la loi 06.99 fut promulguée le 5 Juin 2000. En effet, l’idée de conférer une base juridique aux règles de la concurrence a évolué et a pris corps dans des projets de textes juridiques depuis la fin des années 80 puisque nous trouvons trois avant-projets en Juillet 1995 et en Février puis Mai 1996, dont quelques dispositions paraissent plus avancées ou plus osées2 que celles de la loi 06.99 qui est entrée en vigueur une année après sa promulgation et en guise des préparatifs de son décret d’application en Septembre 2001. La restitution des spécificités de la conjoncture générale que vivait le Maroc, économiquement et politiquement au milieu des années 90, constitue un élément fondamental pour comprendre les tenants et les aboutissants de l’élaboration de ce texte et de sa teneur comme projet de loi de la part du gouvernement en premier lieu, puis comme texte de loi qui a subi des amendements au niveau des deux chambres du parlement de façon qui va impacter par la suite la manière de sa mise en application et de son rayonnement au 2 Ces avant-projets ont été publiés par le Conseil de la Concurrence parmi les publications de la REMALD – Série « Thèmes actuels » - n°68/2010 : culture de la concurrence, pp. 199-235. 5 sein des sphères de l’économie et des affaires. La loi 06.99 relative à la liberté des prix et de la concurrence se compose de 103 articles répartis sur 9 chapitres. L’essentiel du uploads/Marketing/la-regulation-de-la-concurrence-au-maroc 2 .pdf

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  • Publié le Jul 12, 2021
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