1967-12-14 LA MÉPRISE DU SUJET SUPPOSÉ SAVOIR. La Méprise du sujet supposé savo
1967-12-14 LA MÉPRISE DU SUJET SUPPOSÉ SAVOIR. La Méprise du sujet supposé savoir prononcée à l’Institut français de Naples le 14 décembre 1967 fut publié dans Scilicet, n° 1, pp. 31-41. (31)Qu’est-ce que l’inconscient ? La chose n’a pas encore été comprise. L’effort des psychanalystes pendant des décades ayant été à rassurer sur cette découverte, la plus révolutionnaire qui fût pour la pensée, d’en tenir l’expérience pour leur privilège, il est vrai que l’acquis en restait d’appréciation privée, les choses en arrivèrent à ce qu’ils fissent la rechute que leur ouvrait cet effort même, d’être motivé dans l’inconscient : d’avoir voulu s’en rassurer eux-mêmes, ils réussirent à oublier la découverte. Ils y eurent d’autant moins de peine que l’inconscient n’égare jamais mieux qu’à être pris sur le fait, mais surtout qu’ils omirent de relever ce que Freud en avait pourtant dénoté : que sa structure ne tombait sous le coup d’aucune représentation, étant plutôt de son usage qu’il n’y eût égard que pour s’en masquer (Rücksicht auf Darstellbarkeit). La politique que suppose toute provocation d’un marché, ne peut être que falsification : on y donnait alors innocemment, faute du secours des « sciences humaines ». C’est ainsi qu’on ne savait pas que c’en était une que de vouloir faire rassurant l’Unheimlich, le fort peu rassurant qu’est l’inconscient, de sa nature. La chose admise, tout est bon pour servir de modèle à rendre compte de l’inconscient : le pattern de comportement, la tendance instinctive voire la trace phylogénétique où se reconnaît la réminiscence de Platon : – l’âme a appris avant de naître, l’émergence développementale qui fausse le sens des phases dites prégénitales (orale, anale), et dérape à pousser l’ordre génital au sublime… Il faut entendre la momerie analytique se donner carrière là-dessus, de façon inattendue la France s’y étant distinguée de la pousser au (32)ridicule. Il se corrige de ce qu’on sache tout ce qui peut s’y couvrir : la moins discrète coprophilie à l’occasion. Ajoutons à la liste la téléologie, pour faire scission des fins de vie aux fins de mort. Tout cela de n’être autre que représentation, intuition toujours naïve et, pour le dire, registre imaginaire, est assurément air à gonfler l’inconscient pour tous, voire chanson à susciter l’envie d’y voir chez aucun. Mais c’est aussi flouer chacun d’une vérité qui miroite à ne s’offrir qu’en fausses prises. Mais en quoi donc démontrées fausses, me dira t-on, que diable ? – Simplement de l’incompatibilité où la tromperie de l’inconscient se dénonce, de la surcharge rhétorique dont Freud le montre argumenter. Ces représentations s’additionnent, comme il se dit du chaudron, dont le méfait s’écarte de ce qu’il ne m’a pas été prêté 1°, de ce que, quand je l’ai eu, il était percé déjà 2°, de ce qu’il était parfaitement neuf 3°, au moment de le rendre. Et mets toi ça que tu me montres où tu voudras. Ce n’est tout de même pas du discours de l’inconscient que nous allons recueillir la théorie qui en rend compte. 1 1967-12-14 LA MÉPRISE DU SUJET SUPPOSÉ SAVOIR. Que l’apologue de Freud fasse rire, prouve qu’il touche au bon endroit. Mais il ne dissipe pas l’obscurantisme qui le relègue aux amusettes. C’est ainsi que j’ai fait bâiller trois mois, à décrocher le lustre dont je croyais l’avoir une fois pour toutes éclairé, mon auditoire, à lui démontrer dans le Witz de Freud (le mot d’esprit, traduit-on) l’articulation même de l’inconscient. Ce n’était pas la verve qui me faisait défaut, qu’on m’en croie, ni, j’ose le dire, le talent. Là j’ai touché la force d’où résulte que le Witz, soit inconnu au bataillon des Instituts de psychanalyse, que la « psychanalyse appliquée » ait été le rayon réservé à Ernst Kris, le non médecin du trio new yorkais, et que le discours sur l’inconscient soit un discours condamné : il ne se soutient en effet que du poste sans espoir de tout métalangage. Il reste que les malins le sont moins que l’inconscient, et c’est ce qui suggère de l’opposer au Dieu d’Einstein. On sait que ce Dieu n’était pas du tout pour Einstein une façon de parler, quand plutôt faut-il dire qu’il le touchait du doigt de ce qui s’imposait : qu’il était compliqué certes, mais non pas malhonnête Ceci veut dire que ce qu’Einstein tient dans la physique (et c’est (33)là un fait de sujet) pour constituer son partenaire, n’est pas mauvais joueur, qu’il n’est même pas joueur du tout, qu’il ne fait rien pour le dérouter, qu’il ne joue pas au plus fin. Suffit-il de se fier au contraste d’où ressortirait, marquons le, combien l’inconscient est plus simple, – et de ce qu’il roule les malins, faut-il le mettre plus haut que nous dans ce que nous croyons bien connaître sous le nom de malhonnêteté ? C’est là qu’il faut être prudent. Il ne suffit pas qu’il soit rusé, ou tout au moins qu’il en ait l’air. Conclure là est vite fait pour les béjaunes dont toute la déduction s’en trouvera farcie par la suite. Dieu merci ! pour ceux à qui j’ai eu à faire, j’avais l’histoire hégélienne à ma portée, dite de la ruse de la raison, pour leur faire sentir une différence où nous allons peut-être faire comprendre pourquoi ils sont perdus d’avance. Observons le comique, – je ne le leur ai jamais souligné, car avec les dispositions que nous leur avons vues plus haut, où cela serait-il allé ?, le comique de cette raison à qui il faut ces détours interminables pour nous mener à quoi ? à ce qui se désigne par la fin de l’histoire comme savoir absolu. Rappelons-nous ici la dérision d’un tel savoir qu’a pu forger l’humour d’un Queneau, de s’être formé sur les mêmes bancs que moi en Hegel, soit son « dimanche de la vie », ou l’avènement du fainéant et du vaurien, montrant dans une paresse absolue le savoir propre à satisfaire l’animal ? ou seulement la sagesse qu’authentifie le rire sardonique de Kojève qui fut à tous deux notre maître. Tenons nous en à ce contraste : la ruse de la raison abattrait à la fin son jeu. Ceci nous ramène à ce sur quoi nous sommes passés un peu vite Si la loi de nature (Dieu de la physique) est compliquée, comment se fait-il que nous ne l’atteignions qu’à jouer la règle de la pensée 2 1967-12-14 LA MÉPRISE DU SUJET SUPPOSÉ SAVOIR. simple, entendons là : qui ne redouble pas son hypothèse de façon à en rendre aucune superflue ? Est-ce que ce qui s’est imagé là dans l’esprit d’Occam du rasoir, ne nous permettrait pas, du bout que nous savons, de faire hommage à l’inconscient d’un fil qui, somme toute, s’est révélé pas mal tranchant ? Voilà qui nous introduit peut-être mieux à cet aspect de l’inconscient, par quoi il ne s’ouvre pas tant qu’il ne s’ensuive qu’il se ferme. Dès lors rendu plus coriace à une seconde pulsation ? La chose est (34)claire de l’avertissement où Freud a si bien prévu ce que nous avons commencé par relever, du rengrègement de refoulement qui s’est produit dans la moyenne clinique, se fiant à ses disciples pour y mettre du leur, d’une pente d’autant mieux intentionnée que moins intentionnelle à céder à l’irrésistible du behaviourisme pour paver cette voie. Où le propos présent fait apercevoir ce qui se formule, à qui lit Freud à notre école tout au moins : que la discipline behaviouriste se définit de la dénégation (Verneinung) du principe de réalité. Voilà t-il pas où rendre place à l’opération du rasoir, en soulignant que ma polémique ici non plus qu’ailleurs n’est digressive, pour démontrer que c’est au joint même de la psychanalyse à l’objet qu’elle suscite que le psychanalyste ouvre son sens d’en être le déchet pratique ? Car où il semble que je dénonce pour trahison la carence du psychanalyste je serre l’aporie dont j’articule cette année l’acte psychanalytique. Acte que je fonde d’une structure paradoxale de ce que l’objet y soit actif et le sujet subverti, et où j’inaugure la méthode d’une théorie de ce qu’elle ne puisse, en toute correction se tenir pour irresponsable de ce qui s’avère de faits par une pratique. Ainsi est-ce au vif de la pratique qui a fait pâlir l’inconscient, que j’ai maintenant à prendre son registre Il y faut ce que je dessine d’un procès noué de sa propre structure. Toute critique qui serait nostalgie d’un inconscient dans sa prime fleur, d’une pratique dans sa hardiesse encore sauvage, serait elle- même pur idéalisme. Simplement notre réalisme n’implique pas le progrès dans le mouvement qui se dessine de la simple succession. Il ne l’implique nullement parce qu’il le tient pour une des fantaisies les plus grossières de ce qui mérite en chaque temps d’être classé idéologie, ici comme effet de marché en tant qu’il est supposé par la valeur d’échange. Il y faut que le mouvement de l’univers du discours soit présenté au moins comme la croissance à intérêts composés d’un revenu d’investissement. Seulement uploads/Philosophie/ 1967-12-14-le-mepris.pdf
Documents similaires










-
28
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Aoû 11, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
- Langue French
- Taille du fichier 0.0756MB