1 Exemples de mise en œuvre d’un enseignement de la morale à l’école élémentair

1 Exemples de mise en œuvre d’un enseignement de la morale à l’école élémentaire - 30 situations pédagogiques - Pierre HESS 2 3 Réflexions et orientations pédagogiques Contrairement à une idée reçue, l’instruction morale ne saurait consister en une simple transmission de règles de conduite à appliquer quelles que soient les situations et les contextes. Un tel enseignement est loin d’être aussi univoque ; en effet, les problématiques morales n’ont de sens, à l’école, que si elles permettent d’envisager plusieurs possibles. Placé en face de choix, d’alternatives à résoudre, l’élève s’appuiera, souvent de manière très spontanée, sur son vécu, son expérience, ses valeurs, dans une analyse fréquemment fruste et sans nuance d’une situation. Il appartiendra à l’enseignant d’aider les élèves à faire évoluer leur approche initiale pour leur faire envisager des points de vue complémentaires ou opposés, pour leur faire prendre conscience que telle règle supposée absolue n’est peut-être qu’une ligne de conduite générale, et qu’il convient de prendre en considération les éclairages multiples qu’apportent souvent des éléments de contexte auxquels on n’a pas songé d’emblée. On évitera ainsi de sombrer dans le dogmatisme, largement responsable du rejet dont souffrent les termes « morale » ou « leçon de morale », qui sont souvent considérés comme surannés, ridicules, et inopérants au sein d’une authentique démarche éducative. On évitera aussi de sombrer dans le relativisme systématique, qui consisterait à faire croire aux élèves que toutes les idées se valent, que toute morale ne dépend que de celui qui l’énonce et de sa façon de voir les choses. Pour éviter ce double écueil, il s’agira non d’imposer une vision toute faite de ce qui est bien et de ce qui est mal, mais d’aider les élèves à construire leur jugement grâce à une réflexion à la fois collective et individuelle relative à des situations précises et diverses. On n’hésitera pas à transmettre des idées fondamentales, en particulier celles qui font l’objet de très larges convergences au sein de l’humanité, telles que celles qui sont exprimées dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, et qui transcendent les cultures, voire les époques. Mais forger son jugement consiste avant tout à apprendre à exercer sa réflexion sur des réalités pour lesquelles l’élève ne dispose pas a priori de toutes les cartes. C’est pourquoi le rôle de l’enseignant est primordial. L’élève ne construit pas sa hiérarchie de valeurs tout seul. Pour confronter des analyses, pour s’appuyer sur des exemples, pour mettre en mots des notions diffuses, pour percevoir les enjeux des alternatives, il a absolument besoin d’être outillé et guidé. La parole de l’adulte elle-même n’y pourvoira pas toute entière. Mais l’appui que constituent des récits de vie, des situations extraites du quotidien, le réservoir inépuisable 4 qu’offrent les textes littéraires, les références fréquentes au droit seront à même d’apporter à l’élève des jalons pour sa réflexion. Cependant, l’adulte ne perdra pas de vue que l’ambition de cette dernière, lorsqu’elle a pour objet la morale, dépasse largement les seuls repères juridiques. Si le droit peut utilement nourrir la recherche de solutions concernant la vie collective et le respect d’autrui, il n’apporte guère de réponse aux grandes questions essentielles sur lesquelles l’homme s’interroge, et il ne s’appesantit pas sur ses vertus. Le droit peut résoudre des problèmes liés aux contraintes sociales ; les dilemmes moraux sont d’une autre portée. Leur dimension personnelle, souvent intime, n’est pas en contradiction avec leur caractère universel et ne saurait justifier qu’ils soient esquivés dans le cadre scolaire. Il ne s’agit pas d’enfermer la pensée de l’élève dans des réponses définitives, mais de l’aider à progresser dans sa réflexion et la construction de ses valeurs. NB : Une partie des situations présentées ci-dessous a été publiée, sous une forme différente, dans l’ouvrage « L’instruction morale à l’école » (Scérén, collection « Ressources Formation - Enjeux du système éducatif », avril 2012). 5 Le courage Cycle 3 Question et éléments de réponse possibles En quoi consiste le courage de Yakouba ? → Yakouba a eu le courage de dire « non » aux valeurs guerrières des villageois, de renoncer à la lutte meurtrière, de préférer la paix à une victoire facile. Il n’a pas voulu d’un accueil triomphal non mérité. Il a renoncé à la gloire, il a renoncé à l’estime des siens, il accepte d’être méprisé, rejeté, pour gagner l’estime de soi-même. Remarques et conseils pédagogiques On pourra insister sur le fait que, dans la situation décrite, « courage » ne s’oppose pas à « lâcheté » : les autres garçons font preuve de courage en affrontant et en tuant un lion au péril de leur vie ; Yakouba fait preuve aussi de courage, d’un courage d’une tout autre nature, et d’un courage dont personne, à part lui, n’aura connaissance. Ce récit fait apparaître une alternative nouvelle : il ne s’agit pas d’affronter le lion ou de fuir par peur ; Yakouba est confronté durant toute une nuit à un dilemme difficile, car fondé sur un conflit de valeurs. On pourra demander aux élèves de mentionner ces valeurs. On pourra aussi évoquer cet adage de montagnards : « Il faut parfois plus de courage pour renoncer que pour persévérer » ; s’ils sont tout près d’un sommet vers lequel ils progressent depuis des jours ou des semaines, et que l’arrivée du mauvais temps rend le retour trop incertain et trop périlleux, les montagnards font preuve d’un très grand courage en faisant demi-tour alors que la victoire était aisément à leur portée. Maxime à discuter, à explorer « A vaincre sans péril on triomphe sans gloire » Exemple de trace écrite Lorsqu’il faut renoncer à l’estime des autres pour conquérir l’estime de soi-même, cela nécessite un très grand courage, car chacun a besoin d’être reconnu par les siens. « Yakouba » est l’histoire d’un jeune garçon africain qui, comme ses camarades, doit passer plusieurs jours dans la brousse et tuer un lion pour prouver qu’il est un homme, et être reconnu comme un guerrier par les habitants de son village. Un soir, Yakouba rencontre un lion, épuisé, qui dit au jeune garçon qu’il lui sera très facile de le tuer : « Si tu me tues, tu n’auras aucun mérite, mais tu seras un homme aux yeux de ses frères ; si tu renonces à me tuer, tu seras banni par les tiens, méprisé par tes semblables, mais tu sortiras grandi à tes propres yeux. Tu as la nuit pour réfléchir ». Le grand jour arrive. Tous les villageois attendent le retour des garçons. Le père de Yakouba attend le retour de son fils. Yakouba est le seul à n’avoir pas tué de lion. Les autres garçons deviennent des guerriers. A Yakouba, on confie la garde des troupeaux, un peu à l’écart du village. (d’après l’album de Thierry Dedieu, Yakouba, Seuil Jeunesse) 6 Le respect de soi et des autres Cycle 3 Mathieu : « Quand j’étais en sixième, les grands de cinquième m’ont dit que si je ne fumais pas, je ne ferais plus partie de leur bande de copains. Je n’avais pas du tout envie de fumer, et ça me faisait peur. On s’est caché dans les toilettes, Jérôme a allumé une cigarette et il me l’a donnée. La première fois, ça m’a fait tousser d’aspirer la fumée. Jérôme a ri et a raconté ça à tous ses copains. Peu à peu, j’ai appris à fumer sans tousser. Maintenant, je sais fumer. Et même, j’en ai besoin. Lorsque je n’ai pas de cigarettes, ça me manque. Je suis fier d’avoir surmonté ces difficultés, car ça m’a permis de ne pas être exclu du groupe des « cinquièmes ». Sébastien : « Moi aussi, ils ont essayé de m’obliger à fumer. Je leur ai dit que je n’en avais pas envie. Alors, Rémy et Fabrice m’ont traité de mauviette, de poule mouillée. Mais j’ai résisté, j’ai dit « non », parce que je ne voulais pas devenir l’esclave du tabac comme mon oncle, qui se ruine la santé, qui tousse tout le temps, et qui dépense tout son argent en cigarettes. Et je leur ai dit que s’ils voulaient me chasser de leur groupe pour ça, je n’avais pas besoin d’eux. Depuis, ils me respectent bien plus qu’avant, et j’ai maintenant de vrais amis dans ce groupe ». Questions - Pourquoi Mathieu est-il fier de lui ? En quoi consiste son courage ? - Pourquoi Sébastien est-il fier de lui ? En quoi consiste son courage ? - Pourquoi Jérôme s’est-il moqué de Mathieu ? - Pourquoi Rémy et Fabrice se sont-ils moqués de Sébastien ? - Jérôme, Rémy et Fabrice respectent-ils leurs camarades ? - Mathieu et Sébastien se respectent-ils eux-mêmes ? Éléments de réponse possibles et commentaires Mathieu a réussi à surmonter sa peur de la cigarette et la réaction de toux que la fumée avait provoquée au début. C’est là son courage, mais celui-ci est surtout dû au fait qu’il avait encore plus peur de ses camarades et de perdre leur estime qu’il n’avait peur des méfaits du uploads/Philosophie/ 30-situations-peda-pour-enseignmt-de-morale.pdf

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