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HAL Id: hal-01367773 https://hal-amu.archives-ouvertes.fr/hal-01367773 Submitted on 16 Sep 2016 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. La théorie du droit Boris Barraud To cite this version: Boris Barraud. La théorie du droit. La recherche juridique, L’Harmattan, 2016. ￿hal-01367773￿ Boris Barraud, « La théorie du droit », in La recherche juridique (les branches de la recherche juridique), L’Harmattan, coll. Logiques juridiques, 2016, p. 17 s. manuscrit de l’auteur (droits cédés aux éditions L’Harmattan) 2 Boris Barraud, « La théorie du droit » (manuscrit de l’auteur) La possibilité de théories à caractère scientifique Au début du XXe s., l’auteur d’une thèse très novatrice exigeait de ses contemporains qu’ils « permett[ent] à la théorie juridique une part d’hypothèse, c’est-à-dire un peu d’art et de philosophie. Peut-être ainsi contiendra-t-elle une idée- force »1. La théorie devrait donc se situer à la frontière de l’art et de la philosophie, notamment dès lors qu’elle émet des hypothèses et entend proposer quelque idée- force. Par conséquent, la scientificité serait incompatible avec la recherche de théorisation. Au contraire, il faut croire que toute théorie gagne en puissance logique, explicative et de conviction à mesure qu’elle gagne en scientificité. Et ce qu’elle perd en caractère ne serait que de peu de poids face à ces gains précieux. C’est ainsi que l’auteur de ces lignes a pu proposer une théorie du droit, la théorie syncrétique du droit, qui, bien plutôt que de se rapprocher de l’art ou de la philosophie, entend se rapprocher de la science en reposant sur une méta-théorie scientifique et en constituant une science des théories2. Est de la sorte poursuivie l’ambition kelsénienne d’ « élever la théorie du droit […] au rang d’une véritable science »3. Il est remarquable, sur ce point, que la première édition de Théorie pure du droit porte en sous-titre « Introduction à la science du droit ». Une théorie du droit peut être une science du droit. Toutefois, si la théorie syncrétique pourrait légitimement revendiquer l’application à son égard de l’étiquette générique de « science du droit »4, il est préférable de parler de « théorie scientifique du droit ». Que « la théorie du droit est une discipline de la science du droit »5 est une affirmation acceptable uniquement à condition d’adhérer à une conception foncièrement large de cette science du droit et de ne pas la confondre avec la science du droit positif. Or, parmi la littérature juridique et parmi les discours des chercheurs en droit, « science du droit » veut très généralement dire « science du droit positif ». Il est donc raisonnable de n’appeler aucune théorie du droit « science du droit », tandis que, au sein du présent ouvrage, science du droit et science du droit positif seront rigoureusement distinguées, la première n’étant qu’une branche de la seconde, la seconde étant loin de se réduire à la première. Par suite, voir dans la théorisation une activité scientifique, une activité objective et empirique à finalité descriptive, est fort original et il faut théoriser la théorie plus avant, au-delà de la science. La théorie du droit peut être scientifique mais, le plus souvent, elle ne l’est guère ou que peu. Max Weber invitait à distinguer 1 P. CONDOMINE, Essai sur la théorie juridique et sa fonction, th., Université de Lyon, 1912, p. 160. 2 B. BARRAUD, « L’échelle de juridicité : un outil pour mesurer le droit et fonder une théorie syncrétique (première partie : présentation) », Arch. phil. droit 2013, p. 365 s. ; B. BARRAUD, Théories du droit et pluralisme juridique – t. II : La théorie syncrétique du droit et la possibilité du pluralisme juridique, PUAM (Aix-en-Provence), coll. Inter-normes, 2017. 3 H. KELSEN, Théorie pure du droit, 2e éd., trad. Ch. Eisenmann, Dalloz, 1962, p. 12. 4 Par exemple, A. AARNIO, « Dogmatique juridique », in A.-J. ARNAUD, dir., Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, 2e éd., LGDJ, 1993. 5 O. BEAUD, La puissance de l’État, Puf, coll. Léviathan, 1994, p. 9. 3 Boris Barraud, « La théorie du droit » (manuscrit de l’auteur) le raisonnement, opération intellectuelle de pesée des arguments, de l’intuition, « saisie immédiate et globale d’un objet de pensée »1. Partant, une théorie est déjà un raisonnement par opposition à une intuition qui, seule, quelle que soit sa congruence, peinera toujours à emporter la conviction. C’est là un premier élément permettant de séparer la théorie du droit de la philosophie du droit. L’impossibilité de théories à caractère philosophique Puisque la théorie du droit est la branche fondamentale de la recherche juridique, il est nécessaire de préciser l’expression « théorie du droit » et, au préalable, de cerner le terme « théorie ». Cela est même indispensable tant la théorie tend à fréquenter intimement la philosophie. Mais la théorie du droit n’est pas la philosophie du droit. Hart remarquait combien les notions de science, de théorie et de philosophie sont ambiguës et mal fixées2. Ce sont pourtant des dimensions différentes, même si elles peuvent s’attacher à de mêmes réalités. Seulement, comme le sens de « droit », les objets respectifs de ces disciplines varient excessivement d’un auteur à l’autre. Ainsi n’est-il pas rare qu’un scientifique se croie théoricien et qu’un théoricien se croie philosophe. Or, autant la théorie peut être scientifique — quoique la plupart du temps elle ne le soit pas —, autant elle ne saurait être philosophique. Un ouvrage récent portant le titre Philosophie du droit se divise en deux parties intitulées « I. Théorie » et « II. Pratique »3. La théorie serait donc l’une des deux branches de la philosophie, l’autre étant la pratique, ce que différents auteurs soutiennent4. Le schéma est sans doute, davantage que celui de poupées gigognes, celui de régions épistémiques parallèles mais en interaction. Toute donnée est susceptible d’une analyse scientifique, d’une analyse théorique et d’une analyse philosophique ; et il existe d’autres dimensions, à l’image de la dimension politique. Par suite, s’il est possible de parler de « théorie scientifique » — mais une théorie scientifique est une théorie avant d’être une science —, mieux vaut ne pas chercher à consacrer quelque forme de « théorie philosophique ». En effet, l’objet des prochaines pages sera notamment de montrer que théorie et science sont compatibles quand théorie et philosophie sont incompatibles — tout comme sont incompatibles philosophie et science —. Aristote définissait la « sagesse théorique » comme la « connaissance de la vérité sur les principes, la plus achevée des formes du savoir »5. La philosophie étant étymologiquement l’amour de la sagesse, il 1 Cité par G. TIMSIT, « Raisonnement juridique », in D. ALLAND, S. RIALS, dir., Dictionnaire de la culture juridique, Lamy-Puf, coll. Quadrige-dicos poche, 2003, p. 1290. 2 H. L. A. HART, Essays in Jurisprudence and Philosophy, Clarendon Press (Oxford), 1983. 3 B. OPPETIT, Philosophie du droit, Dalloz, coll. Méthodes du droit, 1999. 4 Par exemple, É. MILLARD, Théorie générale du droit, Dalloz, coll. Connaissance du droit, 2006, p. 1. 5 ARISTOTE, Éthique à Nicomaque (vers 340 av. J.-C.), Vrin, coll. Textes philosophiques, 1994, L. VI, chap. 7 (cité par J.-P. CHAZAL, « Philosophie du droit et théorie du droit, ou l’illusion scientifique », Arch. phil. droit 2001, p. 325). 4 Boris Barraud, « La théorie du droit » (manuscrit de l’auteur) semble exister un lien intime entre philosophie et théorie. Et on pourrait théoriser davantage les idées que les éléments factuels et concrets. Sur ce qu’est — et ce que n’est pas — une théorie, des éclaircissements sont donc souhaitables. La théorie lato sensu : une explication rationnelle et simple d’un phénomène Les dictionnaires de la langue française font de la théorie un « ensemble organisé de principes, de règles, de lois scientifiques visant à décrire et à expliquer un ensemble de faits »1 ; une « construction intellectuelle, hypothétique et synthétique, organisée en système et vérifiée par un protocole expérimental »2 ; un « ensemble de lois formant un système cohérent et servant de base à une science, ou rendant compte de certains faits »3. Il s’agit là de la théorie au sens large, qui englobe mais dépasse la théorie au sens strict. Une théorie peut donc être comprise, en premier lieu, comme une explication rationnelle et objective : « Un ensemble de propositions qui doivent être cohérentes pour permettre d’interpréter la réalité, et de formuler des hypothèses qui doivent être testées »4. « On appelle théorie, écrivait Kant, un ensemble de règles pratiques, lorsque ces règles sont conçues comme des principes ayant une certaine généralité »5. Là où le philosophe peut rechercher les explications dans un cadre métaphysique ou autrement uploads/Philosophie/ boris-barraud-la-theorie-du-droit.pdf

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