Noam Chomsky Trois modèles de description du langage In: Langages, 3e année, n°
Noam Chomsky Trois modèles de description du langage In: Langages, 3e année, n°9, 1968. pp. 51-76. Citer ce document / Cite this document : Chomsky Noam. Trois modèles de description du langage. In: Langages, 3e année, n°9, 1968. pp. 51-76. doi : 10.3406/lgge.1968.2361 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1968_num_3_9_2361 NOAM CHOMSKY TROIS MODÈLES DE DESCRIPTION DU LANGAGE • Résumé. Nous étudierons plusieurs conceptions de structure linguistique, afin de déterminer si elles peuvent mener à des grammaires simples et « révélatrices » qui engendrerons les phrases de l'anglais et celles-ci seulement. Nous constaterons qu'il n'est pas possible d'utiliser comme grammaire de l'anglais une chaîne de Markov à nombre fini d'états qui produit des symboles à chaque transition d'état à état. De plus, la sous- classe de ces processus, qui produit des approximations d'ordre n de l'anglais ne serre pas non plus, quand л croit, la production d'une gram maire anglaise. Nous formaliserons la notion de « structure de consti tuants » (en anglais : phrase structure) et nous montrerons que cela nous fournit une méthode de description des langues, qui est essentiellement plus puissante, tout en restant représentable par un type de processus fini plutôt élémentaire. Cependant elle n'est applicable qu'à un petit sous-ensemble de phrases simples. Nous étudierons les propriétés for melles d'un ensemble de transformations qui appliquent des phrases munies de leur structure de constituants, sur de nouvelles phrases munies d'une structure de constituants dérivée, nous montrerons ainsi que les grammaires transformationnelles sont encore des processus de type él émentaire, que la grammaire de l'anglais est matériellement simplifiée si la description par structure de constituants est limitée à un noyau de phrases simples, à partir desquelles toutes les autres sont construites par des transformations, et que cette image de la structure linguistique *Ce travail a été financé en partie par l'armée de terre (Signal Corps), l'armée de l'air (Office of Scientific Research, Air Research and Development Command), la marine (Office of Naval Research) et en partie par un don de l'Eastman Kodak Company. Cet article a été publié dans IRE Transactions on Information Theory., 1956, II — 2, pp. 113-124; nous avons pu le traduire grâce à l'autorisation de П.Е.Е.Е.; il a été reproduit dans Readings in Mathematical Psychology, vol. II, R.D. Luce, R.R. Bush, E. Galanter Eds, Wiley, New York, 1965. 52 donne une certaine compréhension de l'utilisation et de l'interprétation du langage. 1. Introduction. Il y a deux problèmes au centre de l'étude descriptive du langage. La préoccupation fondamentale du linguiste est de découvrir des gram maires simples et « révélatrices » pour les langues naturelles. En même temps, par l'étude des propriétés de telles grammaires, et la clarification des concepts de base qui leur sont sous-jacents, il espère aboutir à une théorie générale des structures linguistiques. Nous examinerons certains caractères de ces deux démarches. La grammaire d'une langue peut être considérée comme une théorie de la structure de cette langue. Toute théorie scientifique est fondée sur un certain ensemble fini d'observations. En établissant des lois générales basées sur des concepts hypothétiques, une théorie tente de rendre compte de ces observations, de montrer comment elles sont liées entre elles, et de prédire un nombre indéfini de nouveaux phénomènes. Une théorie mathématique a la propriété supplémentaire de faire provenir rigoureusement les prédictions, du corps de la théorie. De la même manière, une grammaire est basée sur un nombre fini de phrases observées (le corpus du linguiste) et elle « projette » cet ensemble sur un nombre infini de phrases grammaticales, au moyen de « lois » générales (les règles de grammaire) données en termes de concepts hypothétiques tels que les phonèmes particuliers, les mots, les syntagmes, etc., de la langue analysée. Une grammaire correctement formulée devrait déterminer de manière non ambiguë, l'ensemble des phrases grammaticales. Une théorie linguistique générale peut être considérée comme une métathéorie dont l'objet est le problème du choix d'une telle grammaire pour chaque langue particulière, sur la base d'un corpus fini. En parti culier, elle devra considérer et essayer d'expliquer les relations entre l'ensemble des phrases grammaticales et l'ensemble des phrases observées. En d'autres termes, une théorie linguistique tente d'expliquer la faculté d'un sujet parlant d'émettre et d'interpréter des phrases nouvelles, et de rejeter d'autres nouvelles séquences comme non grammaticales sur la base d'une expérience linguistique limitée. Supposons que pour de nombreuses langues il existe certains exemples clairs de phrases grammaticales et certains exemples clairs de séquences non grammaticales, par exemple (1) et (2) respectivement, pour l'anglais. (1) John ate a sandwich. (Jean a mangé un sandwich). (2) Sandwich a ate John. (Sandwich un a mangé Jean). 53 Dans ce cas, nous pouvons vérifier la théorie linguistique proposée, en observant pour chaque langue si oui ou non la grammaire construite selon la théorie rend compte des exemples clairs. Par exemple si un volumineux corpus se trouve ne pas contenir (1) et (2), nous nous demand erons si la grammaire qui a été déterminée par rapport à ce corpus, projette le corpus de manière à ce qu'il contienne (1) et à ce qu'il exclue (2). Même si de tels exemples clairs ne constituent que des vérifications faibles de la seule adéquation d'une grammaire à une langue donnée, ils constituent des vérifications très fortes pour toute théorie linguistique générale et pour l'ensemble des grammaires auquel celle-ci conduit, étant donné que nous insistons pour que dans chaque langue les exemples clairs soient convenablement traités, de manière fixe et prédéterminée. Nous pouvons nous orienter vers la construction d'une caractérisation opérationnelle de la notion de « phrase grammaticale » qui nous fournira les exemples clairs que nécessite les travaux linguistiques significatifs. Observons, par exemple, que (1) sera lu avec l'intonation normale d'une séquence du corpus, tandis que (2) sera lu avec une intonation de fin de syntagme sur chaque mot, comme pour toute séquence de mots n'ayant rien à voir les uns avec les autres. D'autres critères distinctifs du même type peuvent être donnés. Avant de pouvoir espérer rendre compte de manière satisfaisante de la relation générale entre phrases observées et phrases grammaticales, il nous faut apprendre beaucoup plus de choses sur les propriétés for melles de chacun de ces ensembles. Cet article traite des propriétés for melles de l'ensemble des phrases grammaticales. Nous nous limitons à l'anglais et nous supposons la connaissance intuitive des phrases de l'anglais et des non-phrases. Nous demandons alors quelle sorte de théorie linguistique est nécessaire à la construction d'une grammaire de l'anglais qui décrirait l'ensemble des phrases de l'anglais de manière intéressante et satisfaisante. La première étape de l'analyse linguistique d'une langue consiste à donner un mode de représentation de ses phrases qui soit fini. Nous supposerons que cette étape a été franchie, et nous ne nous occuperons que de langues données en transcription phonémique ou alphabétique. Ainsi, par langage nous entendrons un ensemble de phrases (fini ou infini), chacune de longueur finie et toutes construites sur un alphabet de symboles fini. Si A est un alphabet, nous dirons que tout ce qui est obtenu par concaténation de symboles de A est une séquence sur A. Par grammaire du langage L nous entendrons un mécanisme quelconque qui produit toutes les séquences qui sont des phrases de L et seulement celles-ci. Quelque soit la manière ultime dont nous construirons une théorie linguistique nous exigerons à coup sûr que toute grammaire d'un langage soit finie. Il s'ensuit que seul, un ensemble dénombrable de grammaires est disponible pour toute théorie linguistique, donc qu'une infinité 54 non dénombrable de langages ne sont pas, dans notre sens, descriptibles en terme du concept de structure linguistique donnée par une théorie quelconque. Ainsi, étant donnée une théorie de la structure linguistique, il est tout à fait normal de poser la question suivante : (3) Existe-t-il des langues intéressantes qui sont en dehors du domaine de description du type proposé? En particulier, nous nous demanderons si l'anglais est une telle langue. Si c'est le cas, alors le concept de structure linguistique qui est proposé doit être considéré comme inadéquat. Si la réponse à (3) est négative, nous pouvons alors poser des questions telles que : (4) Pouvons-nous construire des grammaires raisonnablement simples pour toutes les langues intéressantes? (5) Existe-t-il des grammaires « révélatrices », dans le sens que les structures syntaxiques qu'elles produisent, peuvent se rattacher aux structures sémantiques, et permettent une compréhension de l'utilisation et de l'interprétation du langage, etc.? Nous examinerons d'abord divers concepts de structure linguistique en termes de la possibilité et de la complexité de la description (ques tions (3) et (4)). Ensuite (§ 6), nous considérerons brièvement les mêmes théories en termes de (5), et nous verrons que nous aboutissons de manière indépendante aux mêmes conclusions quant aux pertinences linguis tiques relatives. 2. Processus de Markov à nombre fini d'états. 2.1. Les grammaires les plus élémentaires qui, au moyen d'un appareillage fini, engendrent un nombre infini de phrases, sont celles qui sont basées sur une notion familière de langage; ces grammaires sont considérées comme des types particulièrement simples de source d'i nformation : processus de Markov à nombre d'états fini 4 uploads/Philosophie/ chomsky-noam-trois-modeles-de-description-du-langage-in-langages-3e-annee-n09-1968-pp-51-76.pdf
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- Publié le Dec 20, 2022
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