International Journal of Arts, Humanities and Social Studies Website:https://ww

International Journal of Arts, Humanities and Social Studies Website:https://www.ijahss.in/ ISSN(Online): 2582-3647 Volume 4; Issue 2; Mar-April 2022; Page No. 119-121 Open Access Original Paper Albert Camus : un coup de revolver dans un concert philosophique Adil LOUCHKLI BnouTofail Kenitra University ABSTRACT Dans cet article, nous tentons d’élucider le modèle philosophique d’Albert Camus à travers lequel il ne théorise pas la philosophie, il ne la coince pas non plus dans des rouages conceptuels, mais il la vit et la considère comme mode de vie. En ce sens, Camus procède par une exaspération du souci de soi des Anciens donnant lieu à une « éthique de l’absurde », dont les trois bases sont la révolte (refus), la passion (inespoir) et la liberté (lucidité). Cela permet de considérer que la réflexion philosophique de Camus adopte un chemin d’une philosophie du bonheur attribuant une valeur importante à un idéal de consentement au destin. D’un autre côté, le fait de considérer la philosophie chez Albert Camus comme mode de vie constitue la source d’une grande richesse dans l’interprétation de son œuvre puisque chez ce penseur lui, la révolte obéit au même idéal philosophique. L’Homme révolté n’est qu’une destruction de l’histoire de la révolte nihiliste et d’une fondation d’un mode de vie centré sur le souci d’autrui. Keywords: Révolte, liberté, Espoir, lucidité, absurde, éthique Citation: Adil LOUCHKLI (2022). Albert Camus : un coup de revolver dans un concert philosophique. International Journal of Arts, Humanities and Social Studies, 4(2), 119-121. INTRODUCTION Il est question dans cet article de voir de près la pensée d’Albert Camus et sa réception dans le monde philosophique. Ledit article nous révèle que la culture philosophique de Camus lui permet tout en abandonnant l’hermétisme en vogue dans cette époque au profit du sens de l’humain, de transférer la cruelle expérience du moment de conscience du plan personnel au plan métaphysique. Le penseur humaniste pour qui le problème fondamental est celui du sens de la vie, se demande, de son côté, quelle réponse pouvait et devait lui être faite. Certes lhomme a la passion de la logique. Mais le monde dans lequel il est jeté nen contient aucune, c’est un monde qui semble être entre les mains d’une pauvre machinerie que ne contrôle aucun machiniste. Lunivers nest nullement ordre, mais chaos ; et aux exigences rationnelles de lhomme ne répond que limmense irrationnalité du monde d’autant plus que l’injustice semble gagner le pari. Pour remédier à ce non-sens et aux absurdités de l’existence, Camus opte dans sa pensée philosophique pour le concept de la révolte. Une révolte efficace, réalisable et non pas idéale, sans être oppressive. L’esprit révolutionnaire ne doit jamais se couper du réel, pense Camus, tout en sachant que sa seule force réside dans le respect des moyens. Camus a donc bien prôné une politique non autoritaire qui protégerait tous les membres de la société contre l’injustice politique et économique et leur garantirait la liberté. Pas une politique en tant que système concret – il ne l’a pas conçue comme système – mais plutôt comme réalisation d’une société qui apporterait non le bonheur, certes, mais les conditions indispensables pour l’atteindre. En fait, il croit à l’amélioration obstinée, chaotique mais inlassable de la condition humaine. Victime d’abord, puis témoin et citoyen engagé contre toute atteinte à la dignité humaine, il est partisan d’une « politique du réel », si bien expliquée dans L’homme révolté, laquelle se doit de résoudre les problèmes humains et atteindre des buts, limités certes, mais concrets. CAMUS LE PHILOSOPHE Ayant comme point de départ un attachement à l’Antiquité philosophique, à son idéal d’une philosophie comme mode de vie, le présent chapitre interrogera plus précisément lanature philosophique de la pensée d’Albert Camus. Deux raisons principales motivent cechoix. Tout d’abord, rompant avec le tournant théorique de la philosophie post-antique, en particulier de la philosophie franco-allemande du XIXe et du XXe siècle, elle constitue uncas-limite de la philosophie. Lorsqu’ils sont étudiés avec rigueur, de tels cas ont l’intérêt denous amener, nous lecteurs, à élargir notre horizon philosophique et remettre en questionnos préjugés. C’est en sondant les frontières de la philosophie que nous pouvons mieux comprendre ce qui appartient en propre à l’acte de philosopher. En second lieu, nous sommes convaincu qu’il est | P a g e - 119 possible de tracer de nombreux rapprochements entre la philosophie de Camus et la tradition de la philosophie antique. Ce travail de recherche essayera de prouver cette intuition. L’idéal de la philosophie comme mode de vie en appelle à servir de terreau fertile dans la compréhension de nombreuses figures postérieures au néo-platonisme. Malgré la réception chaleureuse des travaux de Hadot dans les cercles hellénistes, peu d’intellectuelss’intéressent à la manière dont l’art de philosopher des Anciens à traverse l’histoire de la philosophie. Si Camus est surtout considéré comme l’une des grandes figures des lettres françaises, ilest important de se rappeler qu’il a aussi publié deux essais de forme philosophique, à savoir Le Mythe de Sisyphe (1942) et L’Homme révolté (1951). Il a toutefois toujours refusé de se direphilosophe. Dans une entrevue datant de 1945, il soutient successivement qu’il n’est pasphilosophe, qu’il ne croit ni à la raison ni à un système et qu’il s’intéresse uniquement à laquestion de la conduite humaine dans une perspective postchrétienne et post-rationaliste.Le refus de s’associer à la tradition philosophique s’explique par la préférence de la part deCamus pour le titre d’artiste, plus cohérent avec la majeure partie de son œuvre, avant tout littéraire. Cet attachement à l’art ne transforme pas sur le fond la visée du Mythe de Sisypheet de L’Homme révolté. À l’époque, il est pour ainsi dire dans l’ère du temps de refuserde se considérer comme un philosophe, même pour les philosophes les plus accomplis. Tenter donc une approche de la philosophie chez Albert Camus consiste d’abord à revoir sa conception de l’art et de l’artiste puisqu’il est l’un des rares penseurs à avoir donné à l’absurde et à la révolte une place importante dans la création littéraire et artistique moderne. Si les jugements d’un auteur à l’endroit de son œuvre n’ont aucune influence sur ce quile rattache à la philosophie, ils peuvent tout de même attester d’une conscience ou d’unevolonté de rupture au sein de la philosophie de son époque. Force est d’admettre, sur cepoint, que le Mythe de Sisyphe et L’Homme révolté ne sont pas des ouvrages de philosophie selon le canon philosophique de la France des années 1940-1950 convaincu du bienfondé de l’existentialisme, de la phénoménologie et du marxisme. Même si la plupart desphilosophes ne se positionnent pas sur la question de la nature de la philosophie, leurréaction à l’égard des figures iconoclastes de leur époque consiste malheureusement à s’enfaire les juges implacables. De fait, pendant longtemps, il a été question de réduire la penséede Camus au moralisme, à l’adolescencede la philosophie, enfin à une forme delittérature philosophique. Mais la possibilité d’une rupture de nature entre le projet de Camus et la philosophie occidentale du XIXe et du XXe siècle ne l’exclut pas d’emblée dela philosophie. Deleuze et Guattari ont soutenu avec justesse que le non-philosophique estpeut-être plus au cœur de la philosophie que la philosophie même. Mon intention n’estpas d’intégrer Camus à une histoire officielle de la philosophie, ni de proposer un élogede sa philosophie, mais plutôt de déterminer ce qui l’amène justement, dans sa vie et dans son œuvre, au cœur de la philosophie. Ce débat entourant la nature philosophique de l’œuvre de Camus ne serait-il qu’uneguerre de mots ? Répondre par l’affirmative consisterait à oublier que notre jugement sur le scopus des textes influence la manière dont nous les interprétons. Il suffit de penser à l’interprétation particulièrement éclairante des Pensées de Marc Aurèle proposée par Hadotdans La Citadelle Intérieure, ou ce texte est étudié comme un exercice de transformation desoi visant l’intériorisation des principes stoïciens. Cet exemple rappelle que la critique d’uneœuvre doit toujours être subordonnée à son horizon philosophique, sans quoi l’horizon del’interprète dissout le texte, lui fait violence. Il ne serait trop sage de citer l’une des remarquesintroductives de l’étude de Paul Ricoeur consacrée à L’Homme révolté de Camus : Nousn’avons pas l’intention de critiquer Camus ni de le tirer à nous : il est plus important de lecomprendre. Or, comme l’a soutenu avec justesse Thomas Hannah, son œuvre littérairene peut être comprise qu’au détour d’une certaine philosophie, aussi peu développée soit-elleen comparaison des grandes philosophies de son époque. Dès lors, même si Camusn’était qu’un simple littérateur, comme se plaisent certains à le soutenir, il nous incomberaitaussi de devoir se plonger dans le cœur philosophique de sa pensée. Au contraire de sescontemporains, Camus n’était nullement intéressé par la formulation d’un grand système de la pensée ou d’une réflexion sur tel ou tel autre sujet abstrait. Germaine Brée avait mis au jour, dès 1964, cet enracinementpratique de sa philosophie lorsqu’elle avait soutenuque son projet visait à comprendre le sens de modes d’existence. Il ne reste plus, pourle lecteur, qu’un pas à franchir : montrer que sa philosophie est inséparable de la mise enpratique de ces modes d’existence, comme l’ont conçu les uploads/Philosophie/ albert-camus-un-coup-de-revolver-dans-un-concert-philosophique.pdf

  • 17
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager