Mesure et Intégration Université Claude Bernard Lyon 1 Licence de mathématiques

Mesure et Intégration Université Claude Bernard Lyon 1 Licence de mathématiques troisième année Parcours Mathématiques générales et applications Petru Mironescu 2020–2021 Vue d’ensemble Ce texte est une introduction détaillée aux aspects les plus basiques de la théorie de Lebesgue de la mesure et de l’intégration. On peut comprendre les briques de cette théorie à partir du calcul de l’inté- grale de Riemann I :“ ż b a fpxq dx. Rappelons que, du moins si f est continue par morceaux sur ra, bs et positive, I s’interprète comme l’aire du domaine D compris entre le graphe de f et l’axe Ox. De manière théorique, pour calculer I nous com- mençons par le cas où f est une fonction en escalier, c’est-à-dire une fonction de la forme fpxq “ $ ’ ’ ’ & ’ ’ ’ % a1, si x P I1 a2, si x P I2 . . . an, si x P In, (1) avec les Ij intervalles disjoints dont l’union est ra, bs. Dans ce cas, D est une union de rectangles disjoints, de base Ij et de hauteur aj, et nous posons, « naturellement », ż b a fpxq dx :“ n ÿ j“1 ajmpIjq, (2) avec mpIjq la longueur, ou encore la mesure de Ij. Dans le cas général, nous « approchons » f par des fonctions en escalier, et son intégrale par les intégrales de ces fonctions en escalier (ceci sera brièvement rappelé dans la section 6.6). La généralisation de cette approche nécessite : a) De pouvoir mesurer des ensembles. (Dans le cas d’une fonction en escalier, il s’agit de mesurer les intervalles Ij.) b) De définir l’intégrale des fonctions « simples » (du type fonctions en escalier). Dans la théorie de l’intégration, leur nom est fonctions étagées. 3 Vue d’ensemble c) De définir un procédé d’approximation des fonctions « générales » par des fonctions étagées. Les fonctions approchables sont les fonctions mesurables. d) De définir l’intégrale des fonctions mesurables. Si tout ce programme est achevé, ce n’est que le début... Il reste encore à établir e) Les propriétés de l’intégrale ainsi définie. Ainsi, on s’attend à ce que l’inté- grale soit linéaire, qu’elle vérifie l’inégalité triangulaire, et autres propriétés fondamentales de l’intégrale de Riemann. f) Des méthodes concrètes de calcul des intégrales : intégration par parties, chan- gement de variable, calcul d’intégrales multiples à partir d’intégrales itérées (théorème de Fubini), etc. g) Et (surtout!) d’illustrer, par des applications, l’utilité de la théorie. Ce programme (minimal, dans la mesure où la théorie de la mesure et de l’intégration est bien plus riche que ce que nous verrons) sera mis en place dans ce qui suit. Et encore : l’intégration par parties (formule de Stokes) ne sera pas vue. En bref 1. Le chapitre 1 n’est pas directement lié à la théorie de la mesure. Il traite quelque notions auxiliaires comme sup, inf, les limites des suites et le dé- nombrement des ensembles. 2. Dans le chapitre 2, nous rencontrons un objet fondamental, la tribu, et étu- dions quelques-unes de ces propriétés. A posteriori, la tribu est la collection T des tous les ensembles que nous saurons mesurer. En accord avec cette philosophie, un élément de T (c’est-à-dire, un ensemble A P T ) est un ensemble mesurable. Pour que la théorie soit vraiment utile, T doit avoir des propriétés algé- briques encodées dans sa définition (par exemple, si nous savons mesurer A et B, nous savons également mesurer A X B). La propriété fondamentale qui fait la force de la théorie de la mesure est que si nous savons mesurer A0, A1, A2, ... (suite infinie), alors nous savons mesurer A0 Y A1 Y A2 Y .... 3. Le chapitre 3 est dédié aux fonctions qui, a posteriori, seront intégrées. Le début se devine facilement : une fonction étagée est une fonction de la forme, analogue à (1), fpxq “ $ ’ ’ ’ & ’ ’ ’ % a1, si x P A1 a2, si x P A2 . . . an, si x P An, (3) avec chaque Aj mesurable et les Aj deux à deux disjoints. 4 Petru Mironescu Mesure et intégration Pour passer des fonctions étagées aux fonctions mesurables, le choix de l’approximation est crucial : une fonction mesurable est une limite simple de fonctions étagées. Il reste à établir les principales propriétés des fonctions mesurables. Comme pour les fonctions continues, avec lesquelles elles partagent des caractéris- tiques communes, la somme ou le produit de fonctions mesurables est me- surable, etc. 4. Le chapitre 4 est dédié aux mesures. Une mesure µ est un « procédé » pour associer à chaque ensemble mesurable A P T sa mesure, µpAq, qui est un nombre positif (ou `8; penser à la longueur d’un intervalle infini). La pro- priété fondamentale de la mesure (qui fait la force de la théorie de la mesure) est que, si A0, A1, A2, . . . (suite infinie) sont des ensembles mesurables, alors µpA0 Y A1 Y A2 Y ...q “ µpA0q ` µpA1q ` µpA2q ` ¨ ¨ ¨ . C’est cette propriété qui permet de passer à la limite dans les intégrales; or, le passage à la limite est l’essence de l’analyse. 5. Le chapitre 5 à la fois sort du programme décrit plus haut et lui donne de la valeur. La théorie de Lebesgue de l’intégration est née pour améliorer celle de Riemann; elle doit donc la contenir. Ceci est vrai, et la preuve passe par l’existence d’une mesure qui généralise la longueur des intervalles. Le résultat fondamental du chapitre est l’existence de la mesure de Lebesgue (sur R), plus précisément d’une tribu T contenant tous les intervalles, et d’une mesure µ sur T telle que µpIq “ mpIq si I est un intervalle. 6. Le chapitre 6 est consacré à la construction de l’intégrale « abstraite ». Comme attendu, si f est une fonction étagée positive comme dans (3), nous posons, « naturellement », par analogie avec (2), ż f :“ n ÿ j“1 aj µpAjq. Le cas où f est mesurable positive est traité par approximation, mais la défini- tion de l’intégrale ż f dans ce cas n’est pas très intuitive. Le cas où f est tout simplement mesurable (mais pas nécessairement positive) est plus délicat : en général, l’intégrale n’existe pas. Toujours dans ce chapitre, nous rencontrons le premier théorème permet- tant de « permuter » lim et ż , le théorème de convergence monotone (théorème de Beppo Levi), qui affirme que si pfnqn est une suite croissante de fonctions mesurables positives, alors lim n ż fn “ ż lim n fn. (4) 5 Vue d’ensemble La suite du chapitre fait le lien entre intégrale par rapport à la mesure de Lebesgue et intégrale de Riemann, respectivement la sommation des séries et l’intégration. Ceci permet de s’apercevoir que la théorie de l’intégration est un cadre général qui permet de traiter des problèmes d’apparence diffé- rente; d’autres illustrations de ce fait apparaissent dans les chapitres 10–13. 7. L’égalité (4) est cruciale dans les applications, et à elle seule justifierait l’im- portance de la théorie de l’intégration. Dans le chapitre 7, nous étudions le célèbre théorème de convergence dominée de Lebesgue qui permet d’obtenir (4) sans hypothèse de positivité ou convergence monotone, et surtout ses conséquences concernant l’étude des intégrales à paramètre. Ces intégrales sont omniprésentes en théorie des probabilités, physique mathématique, étude des équations différentielles, etc. 8. Le chapitre 8 met les bases du calcul des intégrales multiples. Vous avez déjà utilisé sans preuve une égalité du type ż b a ˆż d c fpx, yq dy ˙ dx “ ż d c ˆż b a fpx, yq dx ˙ dy. (5) La théorie développée dans ce chapitre donne des outils pour vérifier la validité de formules du style (5) (théorème de Tonelli, théorème de Fubini) et d’interpréter les intégrales doubles ou itérées de (5) comme une seule inté- grale dans la variable px, yq par rapport à la mesure produit. Cette notion, très intuitive, est un avatar des règles habituelles pour le calcul des aires et volumes (l’aire d’un rectangle I ˆ J est le produit des longueurs mpIq et mpJq, etc.). 9. Le chapitre 9 donne une autre méthode de calcul d’intégrales : le changement de variable(s). Dans les applications les plus courantes (coordonnées polaires, cylindriques, sphériques), le changement de variables n’en est pas tout à fait un, et il faudra établir un théorème du presque changement de variables adapté à ces cas. 10. Le chapitre 10 est dédié à l’étude de certains espaces de fonctions. En topo- logie et calcul différentiel, les fonctions les plus étudiées sont les fonctions continues, dérivables (ou différentiables), de classe C1, etc. En théorie de l’intégration, nous avons déjà mentionné les fonctions mesurables. Dans les applications, les espaces les plus populaires sont les espaces de Lebesgue L p, avec 1 ĺ p ĺ 8. Ils donnent un cadre naturel à la formulation mathéma- tique de nombreux problèmes concrets, par exemple issus de la physique. Pour uploads/Philosophie/ cours-mesure-integration.pdf

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