Nouveaux Regards N°37-38, avril-septembre 2007 Dossier « Changer le travail, ch

Nouveaux Regards N°37-38, avril-septembre 2007 Dossier « Changer le travail, changer la vie » Sommaire : Introduction : Urgence !, Yves Baunay, Institut de la FSU Penser le travail, Dominique Lhuilier, professeure au CNAM Soigner le travail, pas les personnes, entretien avec Yves Clot, chaire de psychologie du travail au CNAM Le travail blanchi, entretien avec Yves Schwartz, professeur d’ergologie à l’université de Provence Le réel et la parole, entretien avec Christophe Dejours, professeur de psychologie au CNAM Que peut faire la FSU pour Guillaume ?, Marie-Anne Dujarier, Maître de conférences en sociologie, université Paris III Résister collectivement à l’intensification du travail, Laurence Théry, secrétaire confédérale de la CFDT en charge de la santé au travail Une course sans ligne d’arrivée, Danièle Linhart, sociologue, directrice de recherches au CNRS L’avenir des métiers dans les services publics de l’emploi, Martine Goutte (SNU-TEF), Micheline Léger (SNU-TEF) et Sylvette Uzan-Chomat (SNU-ANPE) Reprendre en main son métier, Sylvie Amici, Fabienne Khoudar, Hélène Latger, Catherine Remermier, Jean-Luc Roger, Danielle Ruelland-Roger, Christelle Serra, professeurs ou chercheurs engagés dans le partenariat SNES-équipe de clinique de l’activité du Centre de recherches sur le travail et le développement du CNAM Les paradoxes du travail social, Guilaine Geffroy, SNUASP-FSU Table-ronde : la double vie des militants, animée par Christine Castejon, analyste du travail « Merci de votre compréhension… », Christine Castejon, analyste du travail 1 Penser le travail Dominique Lhuilier est professeure de psychologie du travail à l’université de Rouen.. Elle est membre du CIRFIP1 et du comité de rédaction de la Nouvelle revue de psychosociologie. Elle est l’auteur notamment de Cliniques du travail (2006). Chapô : Aux antipodes des gesticulations médiatiques autour de la « valeur travail », la clinique du travail se caractérise par la relation qu’elle établit entre le savoir et l’action : « comprendre pour transformer et transformer pour comprendre ». Dominique Lhuilier distingue ici trois axes majeurs de cette démarche, qui se déploieront dans les trois entretiens d’Yves lot, Christophe Dejours et Yves Schwartz. Le travail fait aujourd’hui l’objet d’un traitement médiatique, politique, syndical, scientifique paradoxal : entre surinvestissement et occultation. Les déclarations, publications, plans et programmes qui ont pour objet « le travail » se multiplient. On pourrait s’en réjouir, mais cette « mobilisation » manifeste surtout des conceptions pour le moins hétéroclites du travail et qui bien souvent occultent la question de l’action. Sans prétendre ici faire un inventaire des sciences du travail et de leurs contributions respectives à l’analyse des fonctions respectives de l’emploi, de la profession, du travail comme activité humaine, il s’agira plutôt de présenter différentes orientations qui contribuent aujourd’hui au développement de la clinique du travail. Celle ci ne constitue pas un cadre théorique, encore moins une école de pensée. Mais elle rassemble des perspectives qui ont en partage la même conception du rapport dialectique entre connaissance et action. Puisant dans des traditions épistémologiques différentes, elles ont toutes pour centre le sujet aux prises avec des situations concrètes de travail : subjectivité et activité sont au cœur de l’investigation. La psychopathologie du travail a ouvert la voie à une reconnaissance de la subjectivité qu’engage le travail humain. Mais la subjectivité au travail ne peut être réduite à ses formes pathologiques. Les conceptions du travail comme univers de contraintes, d’exploitation, d’aliénation, occultent l’autre face du travail comme espace privilégié de construction de soi et du lien social : le travail est à la fois une épreuve et une occasion de développement. Les travaux de Christophe. Dejours s’inscrivent dans l’héritage de la psychopathologie du travail pour s’en distinguer ensuite en fondant la psychodynamique du travail. La centralité du conflit entre organisation de la personnalité et organisation du travail est maintenue, cependant l’accent est mis non plus sur les pathologies du travail mais sur la souffrance et le plaisir au travail. La bivalence de la souffrance, créatrice et pathogène, les concepts de stratégies défensives collectives , d’intelligence rusée, de résonance symbolique, l’importance accordée à la construction du sens par le sujet, comme l’attention portée à la reconnaissance et 1 Le Centre International de Recherche, Formation et Intervention Psychosociologiques (CIRFIP), Association fondé en 1993, réunit des praticiens, des chercheurs et des universitaires engagés dans l’analyse et l’évolution des dynamiques sociales en jeu dans les groupes et les organisations dans les différents champs de la pratique sociale. aux dynamiques identitaires… jalonnent l’élaboration théorico-clinique du travail comme opérateur fondamental dans la construction même du sujet (Molinier,2006). L’intervention en psychodynamique du travail repose sur trois temps essentiels : le traitement de la demande et l’analyse de la faisabilité de l’enquête, l’enquête conduite dans des collectifs volontaires (la nature de la demande déterminant la structuration de ces collectifs) et la validation de l’analyse des intervenants par sa restitution et discussion. Le travail engagé lors des réunions de ces collectifs porte sur l’articulation organisation du travail et souffrance psychique. Yves Clot représente un autre courant de la clinique du travail situé à l’intersection de l’ergonomie et de la psychopathologie du travail. Ce courant propose de suivre « le fil de l’activité » afin de repérer sa vocation dialectique, ses développements orientés par les échanges intra et intersubjectifs. Le sens de l’action est une des régulations essentielles de l’activité : il passe par les jugements portés et la recréation des buts visés, au- delà de ceux contenus dans la prescription. Dans cette perspective, le travail est fondamentalement rencontre et échange avec les autres. Il est même ce qui permet de « sortir de soi » : il « requiert la capacité de faire œuvre utile, de prendre et tenir ses engagements, de prévoir avec d’autres et pour d’autres quelque chose qui n’a pas directement de lien avec soi. Il offre, hors de soi, une éventuelle réalisation de soi grâce précisément à son caractère structurellement impersonnel » (Clot, 1999). La clinique de l’activité est centrée sur le développement des collectifs professionnels, des pratiques de controverses entre professionnels. Elle traite, elle aussi, de la souffrance au travail comme d’un développement empêché, d’une « amputation du pouvoir d’agir ». Quant au plaisir du travail, il renvoie à l’entretien et la contribution à une histoire commune, celle du métier. L’accent est mis sur la fonction psychologique du legs et de la transmission comme garant de l’existence personnelle. Yves Schwartz propose quant à lui non pas une nouvelle discipline mais une démarche d’analyse et de transformation des situations de travail : l’ergologie. Le travail est appréhendé comme « usage de soi » (1988). Cette formule joue sur l’équivocité du terme « usage ». Si, dans un premier sens, l’usage est celui que les autres veulent faire de nous, mettant ainsi l’accent sur la part d’hétéro détermination dans l’activité, le deuxième sens renvoie à l’usage que l’on fait de soi-même dans une quête d ‘accomplissement de soi. Il y a non exécution, soumission mais usage que chacun fait de lui-même dans une visée de dépassement des contraintes et de recentrement du milieu de travail autour des possibilités et aspirations singulières. La perspective ergologique articule le micro et le macro : chaque situation de travail contient des enjeux de société, et inversement, chacun, par la façon dont il travaille, dont il négocie normes et valeurs dans son activité, chacun prend position dans ces débats de société et les recompose à son échelle. La démarche suppose de créer des lieux où mettre au travail les expériences et les concepts, les savoirs disciplinaires, les uns par les autres et réciproquement, où stimuler ces débats de normes et de valeurs. 3 D’autres perspectives relèvent encore de la clinique du travail, tant du côté de l’ergonomie francophone, de la psychologie sociale que de la sociologie (Clot, Lhuilier, 2006). Au delà de leurs divergences, des traits communs peuvent être dégagés qui fondent les démarches proposées. Démarches en rupture avec l’approche positiviste de la science, la posture de l’expert ou de celui supposé savoir ; démarches qualitatives (fondées sur l’élaboration et l’expression symbolique) et non quantitative (fondée sur la mesure) ; démarches privilégiant la compréhension plus que l’explication causale. La production de connaissances sur le travail est le résultat d’une activité réflexive dans l’activité et réciproquement, cette dernière est source de validation de la connaissance. Il y a nécessairement un travail d’analyse des « données », mais qui n’est pas seulement le fait des chercheurs. Que le dispositif soit celui de l’entretien individuel ou collectif, d’auto confrontations croisées, de groupes d’analyse des pratiques ou d’une observation participante, il s’agit bien de favoriser la coproduction de la compréhension du sens des conduites en situation. Ce dispositif introduit à des relations nouvelles entre cliniciens et praticiens . Cette conception de la clinique s’inscrit dans la tradition de la recherche-action que la formule de Yves Clot , à partir d’autres « héritages », résume justement : « comprendre pour transformer et transformer pour comprendre ». On y retrouve ce double projet de connaissance et de changement, une production de savoir enraciné dans la pratique qui suppose l’engagement dans une relation avec des sujets autour d’un projet commun. « Un projet qui répond à la fois uploads/Philosophie/ dossier-changer-le-travail-changer-la-vie-no37-38-1.pdf

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