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HAL Id: halshs-01122319 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01122319 Submitted on 3 Mar 2015 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Idées : le platonisme phénoménologique d’Albert Lautman Hourya Benis Sinaceur To cite this version: Hourya Benis Sinaceur. Idées : le platonisme phénoménologique d’Albert Lautman. Philosophiques, Editions Bellarmin, 2010, 37 (1), pp.27-54. 10.7202/039711ar. halshs-01122319 Idées : le platonisme phénoménologique d’Albert Lautman HOURYA BENIS-SINACEUR IPHST (Institut d’Histoire et Philosophie des Sciences et des Techniques) CNRS-Université Paris 1-ENS Ulm sinaceur@canoe.ens.fr RÉSUMÉ. — La question fondamentale d’Albert Lautman concerne la nature du réel et la capacité de l’esprit de l’appréhender. C’est pourquoi elle convoque les données de la physique, leur expression en concepts mathématiques et leur interprétation métaphysique qui doit préciser le rapport de la pensée humaine à la réalité du monde. L’examen des théories mathématiques les plus sophisti- quées de son temps (surface de Riemann, loi de réciprocité quadratique, théorie du corps de classes) est destinée à montrer l’affi nité de la genèse des concepts mathématiques avec une Dialectique supérieure, qui met en jeu les Idées, com- prises en un sens dérivé de Platon. Mon but est d’expliquer comment Lautman comprend les termes « Dialectique », « Idée », « genèse », simultanément sur le plan métaphysique et dans leur incarnation mathématique. Je montrerai que Lautman développe une conception très personnelle du platonisme, différente de celle de la version reçue par la tradition philosophique. Lautman rejette la séparation des Idées et du sensible, et adopte le style de pensée heideggerien pour montrer que les Idées sont mues par une Dialectique et qu’elles entretien- nent une relation réciproque, dialectique, avec le sensible. ABSTRACT. — Albert Lautman’s main questioning was about the nature of reality and the capacity of mind to grasp reality. The answer needs to go at the same time into the laws and tools of physics and the corresponding concepts of mathematics, and to search for the metaphysical interpretation that could give an account of the relation between scientifi c thought and reality. The exam- ination of the most sophisticated mathematical theories (Rieman’s surfaces, law of quadratic reciprocity, class fi eld theory) was intended to show the affi nity between the generation of mathematical concepts and the dialectical move- ment of Ideas. My aim is to explain how Lautman understood ‘Idea’, ‘Dialectic’, ‘genesis’ at once in a mathematical and in a metaphysical meaning. I will point out that Lautman had a very personal conception of Platonism, very different from Platonism of mathematicians of his time (notably Gödel and Bernays) and very different from the traditional interpretation developed in philosophy. Lautman did not assume the separation between Ideas and the sensible world. By contrast, he adopted the Heideggerian style of thought to show the Dialectic between Ideas and the reciprocal relation between Ideas and the sensible. « La pensée s’engage nécessairement dans l’élaboration d’une théorie mathématique dès qu’elle veut résoudre de façon précise un problème susceptible d’être posé de façon purement dialectique. » LAUTMAN, 2006, p. 255. Cet exergue est destiné à indiquer que le principal problème d’interprétation des thèses philosophiques d’Albert Lautman est de comprendre ce que pou- vait signifi er pour lui « poser un problème de façon purement dialectique ». Ou, plus brièvement, que signifi e pour lui « dialectique » ou « Dialectique » avec une majuscule ? Il ne faudrait pas croire, cependant, que cette question philosophique est surimposée aux théories mathématiques que Lautman étudie. Ni s’imaginer que notre philosophe regarde ces théories de haut. C’est tout le contraire. Lautman fait preuve d’une connaissance précise, fi ne et profonde de ces théories, avec en plus la distance qui lui permet d’en parler clairement sans convoquer tous les détails. Il en discute avec l’aisance d’un praticien des mathématiques et, plus d’un demi-siècle après, on ne peut qu’admirer cette aisance qui trahit une familiarité locale avec les théories du jour, doublée d’une familiarité globale de tout le champ mathématique. Dans son étude liminaire à la réédition par la maison Vrin des Œuvres d’Albert Lautman, Fernando Zalamea écrit : Lautman aborde [le problème de] l’émergence de l’inventivité dans le très large spectre du développement des mathématiques réelles. Théorie des groupes, géométrie différentielle, topologie algébrique, équations différentielles, ana- lyse fonctionnelle, fonctions de variables complexes, corps de nombres, sont quelques-uns de ses champs préférés1. D’emblée, Lautman lie ce problème de l’inventivité mathématique à celui, métaphysique, de l’interprétation du monde. Ce pourquoi l’on trouve chez lui une étroite intrication de questions mathématiques très techniques, comme la loi de réciprocité quadratique, les surfaces de Riemann ou la théorie du corps de classes, avec des idées proprement philosophiques, notamment inspirées de Platon, puis, vers 1939, de Heidegger2. Dira-t-on que le mathématicien éprouvait le besoin de lire philosophiquement les théories mathématiques dans la diffi culté desquelles il entrait sans peine ? Ou que le philosophe cherchait dans les mathématiques un mode de ratio- nalité spécifi que ?3 Les deux sans doute. Mais, en outre et surtout : 1) Lautman avait la conviction que « les conceptions relatives à l’univers physique ne 1. Zalamea, Lautman 2006, p. 17. 2. Cf. Nouvelles recherches sur la structure dialectique des mathématiques, in Lautman 2006, p. 235-257. Le Heidegger de Lauman est plus « allemand » que « français », très différent de celui que traduit et célèbre Jean Beaufret, et que rejettent de nombreux « rationalistes » en (s’)interdisant de faire référence à sa philosophie, même quand ils y puisent souterrainement de quoi renouveler leur vision des choses et du monde. 3. Dans son Rapport de mars 1935, Lautman « représente » l’existence mathématique par le principe de la solidarité rationnelle du tout (point de vue global) et des parties (point de vue local). Ce qui rend caduques les discussions sur la possibilité ou l’interdiction de défi nir un élément par le tout, pourvu qu’on renonce à une défi nition énumérative ou inductive et utilise le procédé des défi nitions par conditions nécessaires et suffi santes, qui était celui d’Euclide et que les Modernes, Hilbert surtout, ont qualifi é de « défi nition axiomatique ». Je profi te de sont qu’une représentation concrète de notions défi nissables uniquement au sein d’une théorie mathématique4 » ; 2) Il concevait les théories mathémati- ques comme « un donné au sein duquel nous nous efforcerons de dégager la réalité idéale à laquelle cette matière participe »5. Dans la mesure où l’épistémologie tend à constituer un secteur de la philosophie autonome et indépendant de toute thèse métaphysique, on voit que la pensée de Lautman déborde les frontières de la stricte épistémologie mathématique pour s’ouvrir sur une interprétation générale visant à expli- quer la nature du lien des mathématiques abstraites avec la physique, tant abstraite qu’appliquée, et avec les questions que celle-ci ne manque de poser à la fois sur la nature du réel et sur la capacité de l’esprit à l’appréhender. Selon la formule de Zalamea, pour Lautman « la contamination physique et métaphysique est irremplaçable pour la créativité mathématique »6. Dans l’avant-propos à l’Essai de 1939, Lautman prévient que le rapprochement de réfl exions sur Platon et Heidegger et de remarques sur la loi de réciprocité quadratique ou la répartition des nombres premiers « n’est pas contingent mais nécessaire ». Et plus loin, « alors que Cavaillès cherche dans les mathé- matiques elles-mêmes le sens philosophique de la pensée mathématique, ce sens m’apparaît au contraire dans le rattachement des mathématiques à une métaphysique (ou Dialectique) dont elles sont le prolongement nécessaire ». Puis, dans une fi délité stricte à l’inspiration platonicienne, il ajoute : « Elles [les mathématiques] constituent la matière la plus proche des Idées7. Il ne me semble pas que ce soit pour les mathématiques une diminution, cela leur confère au contraire un rôle exemplaire ». Lautman attribue aux mathéma- tiques la même fonction qu’elles ont chez Cavaillès (ainsi que chez bien d’autres philosophes classiques, Spinoza, Leibniz, Bolzano, etc.) : elles sont la discipline par excellence de l’exercice de la pensée humaine dans sa capa- cité d’abstraction la plus poussée, et donc un modèle de toute rigueur. Mais la philosophie de cette « exemplarité » diffère grandement de l’un à l’autre des deux amis. Pour Lautman il ne s’agit pas d’observer la raison pure en acte, mais de qualifi er le genre de « proximité » qu’elle a avec les Idées. La question primordiale pour comprendre la position de Lautman est donc celle de savoir ce que sont pour lui les Idées, dont il apparaît d’emblée, d’après la dernière citation, qu’elles sont du ressort de la métaphysique, et non de celui des mathématiques proprement dites. Et pourtant la mathématique l’occasion pour remercier Fernando uploads/Philosophie/ platonisme-lautman.pdf
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- Publié le Jui 08, 2021
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