La philosophie pratique d'Aristote et sa "réhabilitation" récente Author(s): En

La philosophie pratique d'Aristote et sa "réhabilitation" récente Author(s): Enrico Berti Source: Revue de Métaphysique et de Morale, 95e Année, No. 2, INTERPRÉTATIONS DE PHILOSOPHIE ANTIQUE (Avril-Juin 1990), pp. 249-266 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40903103 . Accessed: 25/09/2013 23:28 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. . Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue de Métaphysique et de Morale. http://www.jstor.org This content downloaded from 118.96.78.37 on Wed, 25 Sep 2013 23:28:07 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions La philosophie pratique d'Aristote et sa "réhabilitation" récente Comparaison entre la philosophie pratique anstotélisante d'aujourd'hui, représentée en Allemagne surtout par H.G. Gadamer, J. Ritter et leurs élèves, et les théones d'Aristote sur la phronesis et l'ethos, visant à montrer que ces dernières, dans la pensée du Stagirite, ne remplissent pas, contrairement à ce que croient ces interprètes, le rôle de la philosophie pratique toute entière. Contrast between the anstotelizing practical philosophy of today, represented in Germany especially by H.G. Gadamer, J. Ritter and their followers, and Aristotle's theories on phronesis and ethos, in order to show that these theories, in the Stagirite's thought, don't play, against the opinion of those interpreters, the rôle of the whole practical philosophy. Au cours des années soixante et soixante-dix de notre siècle il y a eu en Allemagne, comme c'est bien connu, une sorte de reprise, ou de renouvellement, de l'ancienne "philosophie pratique" (expression remontant à Aristote, mais qui a indiqué jusqu'à la fin du XVIIIe siècle l'ensemble des réflexions philosophiques sur la praxis, c'est-à-dire l'éthique, l'économie et la politique, aussi bien que les relatives disci- plines enseignées dans les Universités européennes), qui s'est faite en polémique contre l'exaltation de la "science politique" moderne, inspirée par Max Weber, et surtout contre l'impossibilité d'une éthique fondée sur la connaissance, affirmée par la philosophie analytique anglo- Revue de Métaphysique et de Morale, N" 2/1990 249 This content downloaded from 118.96.78.37 on Wed, 25 Sep 2013 23:28:07 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions Enrico Berti saxonne. L'idée de science remontant à Weber avait déjà été blâmée, pendant les années quarante et cinquante, à cause de sa Wertfreiheit, qui l'empêchait d'exercer une fonction orientative par rapport aux compor- tements pratiques, et on lui avait opposé, surtout de la part de quelques philosophes allemands émigrés aux Etats-Unis, la "philosophie" politique de Platon et d'Aristote, en tant que capable de réaliser une union étroite entre la théorie et la pratique (voir surtout les ouvrages de Leo Strauss, Eric Voegelin et Hannah Arendt). Dans la même période la philosophie analytique anglo-saxonne, connue surtout dans sa version néopositiviste, avait été accusée d'être seulement une justification de la réalité existante, à cause de la séparation qu'elle affirmait entre la connaissance et l'action, ou bien entre les descriptions et les prescriptions (nommée "loi de Hume"), par d'autres émigrés allemands, qui de leur côté se rattachaient à la dialectique de Hegel et de Marx (voir la "sociologie critique" de Horkheimer, Adorno et Marcuse). Mais dans cette période-là l'intérêt n'était pas encore concentré sur l'éthique et on n'avait pas encore repris explicitement, à ce sujet, l'expression aristotélicienne de "philosophie pratique". Lorsque cela est arrivé, on a parlé légitimement, quoique avec une intention peut-être légèrement reductive, de "réhabilitation de la philosophie pratique" l. Cette tendance, qui a dominé la scène de la philosophie allemande pendant une vingtaine d'années et qui, en dehors de l'Allemagne, a soulevé beaucoup d'intérêt surtout en Italie (les Italiens sont toujours très perméables aux influences provenant de l'étranger, ce qui leur permet au moins d'être souvent bien renseignés sur ce qui se passe ailleurs), s'est articulée, comme tout le monde l'a reconnu, dans deux directions fondamentales : la reprise de la philosophie pratique pro- prement aristotélicienne d'un côté, et la reprise de la philosophie pratique de Kant de l'autre. Dans la première direction on peut classer des philosophes tels que H.G. Gadamer, J. Ritter et leurs élèves respectifs (c'est-à-dire surtout R. Bubner et G. Bien) ; dans la deuxième on peut ranger des auteurs comme M. Riedel, Ε. Vollrath, K.H. Ilting, G. Patzig et d'autres2. En particulier la version aristotélicienne de la philosophie 1. Cette expression a été choisie par M. Riedel comme titre de son recueil en deux volumes, Rehabilitierung der praktischen Philosophie, Freiburg i. B., Rombach, 1972-1974. Les représentants de cette tendance, parmi lesquels il ne faut pas ranger Riedel lui-même, préfèrent parler de "renaissance de la philosophie pratique". L·. νυιΐ a cci cgciiu ι cààcii uc r. ν ULH, lai rinuòt-iiu uciiu iuuou/iu. pruiicu in vjei rnuniu dans C. Pacchiani (ed.), Filosofia pratica e scienza política, Abano, Francisci, 1980, p. 11-97, suivi par A. Da Re, L etica tra felicita e dovere. L'attuale dibattito sulla filosofia 250 This content downloaded from 118.96.78.37 on Wed, 25 Sep 2013 23:28:07 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions La philosophie pratique d'Aristote et sa réhabilitation pratique d'aujourd'hui a été considérée comme une forme de véritable "néoaristotélisme" et comme telle a été accusée aussi bien de diminuer excessivement la valeur scientifique du savoir pratique, le réduisant à une simple herméneutique (c'est-à-dire à une espèce de compréhension affective), que d'aboutir, sur le plan de la politique quotidienne, à des positions conservatrices, c'est-à-dire de droite 3. Puisque dans cette discussion on a souvent présupposé une coïnci- dence presque complète entre la philosophie pratique aristotélisante d'aujourd'hui et la véritable pensée d'Aristote, telle qu'elle s'est définie historiquement, je me propose avant tout de voir quels sont les éléments aristotéliciens présents dans la première tendance et deuxièmement de vérifier s'ils correspondent effectivement à autant de doctrines exposées par Aristote dans ses œuvres de philosophie pratique, c'est-à-dire les Ethiques et la Politique. Cette dernière tâche équivaut, évidemment, à vérifier dans quelle mesure les critiques qui ont été adressées au néoaristotélisme d'aujourd'hui touchent directement Aristote lui-même. 1. Phronesis et ethos dans la philosophie pratique d'aujourd'hui L'origine de la reprise d'Aristote par la philosophie allemande d'aujourd'hui doit être probablement identifiée avec le livre de Gada- mer, Vérité et méthode, dont la première édition remonte à 1960. Dans cet ouvrage, en effet, l'auteur consacre un chapitre à "l'actualité herméneutique d'Aristote", signalant une affinité très étroite entre sa propre conception de la philosophie comme herméneutique et la conception aristotélicienne d'un savoir "pratique" différent du "théo- rique"4. Mais dans ce chapitre Gadamer semble ramener sans aucun doute le "savoir pratique" d'Aristote à la vertu de la phronesis, dont les caractères sont illustrés surtout dans le livre VI de YEthique à Nico- pratica, Bologna, Ed. Dehoniane, 1986, et L. cortella, Aristotele e la razionalità délia prassi. Una analisi del dibattito sulla filosofia pratica aristotelica in Germania, Venezia, Jouvence, 1987. 3. Les critiques les plus pénétrantes à ce courant ont été développées par Riedel lui-même, Heber einige Aporien in der praktischen Philosophie des Aristoteles dans Rehabilitierung cité, I, p. 79-97 (réimprimé dans M. Riedel, Metaphysik und Metapolitik. Studien zu Aristoteles und zur politischen Sprache der neuzeitlichen Philosophie, Frankfurt a. M., Suhrkamp, 1975, p. 85-108), et par J.Habermas, Heber Moralität und Sittlichkeit. Was macht eine Lebensform "rational", publié dans le recueil édité par H. Schnädelbach, Rationalität, Frankfurt a. M., Suhrkamp, 1984, p. 218-233. L'expres- sion « néoaristotélisme », employée pour la première fois par Habermas en 1975, a été reprise par Schnädelbach, Was ist Neuaristotelismus dans W. Kuhlmann (ed.), Moralität und Sittlichkeit. Das Problem Hegels und die Diskursethik, Frankfurt a. M., Suhrkamp, 1986, p. 38-63. 4. H.G. Gadamer, Wahrheit und Methode. Grundzüge einer philosophischen Herme- neutik, Tübingen, Mohr, 1960, p. 295-307. 251 This content downloaded from 118.96.78.37 on Wed, 25 Sep 2013 23:28:07 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions Enríco Berti maque. Le philosophe allemand affirme en effet : "que ceci ne soit pas le savoir de la science, c'est clair. La délimitation qu' Aristote assume entre le savoir moral de la phronesis et le savoir théorique de Yepisteme est simple dans la mesure où l'on considère spécialement que pour les Grecs la science est représentée par le modèle de la mathématique" 5. Par la suite Gadamer tire de l'analyse aristotélicienne de la phronesis les caractères du savoir pratique, qui à son avis correspondent à autant de caractères de l'herméneutique, c'est-à-dire : 1) sa connexion étroite avec la situation concrète du sujet connaissant ; 2) l'impossibilité de l'apprendre par enseignement et par conséquent de l'oublier ; 3) sa capacité de faire une synthèse entre la connaissance de la fin et la connaissance des moyens ; 4) sa présupposition d'un certain type d'expérience. Il peut par conséquence conclure : "si en résumé nous ramenons à nos recherches la description faite par Aristote du phéno- mène uploads/Philosophie/ e-berti-la-philosophie-pratique-d-x27-aristote-et-sa-rehabilitation-recente.pdf

  • 10
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager