Emmanuel Kant Avant/après Paris, Criterion, 1991 Jean GRONDIN © 2 Table des mat

Emmanuel Kant Avant/après Paris, Criterion, 1991 Jean GRONDIN © 2 Table des matières I. AVANT KANT ....................................................................................................................... 2 1.1 La rigueur et le problème de la métaphysique ..................................................... 3 1.2. Le rationalisme: tout est analytique ...................................................................... 8 1.3. L'empirisme: tout est synthétique .............................................................. 11 1.4. Le double défi de Kant ........................................................................................... 14 1.5. L'anarchie de la métaphysique ............................................................................... 17 1.6. L'énigme du synthétique a priori ............................................................................ 20 II. L'INTERROGATION FONDAMENTALE DE KANT ............................................. 25 2.1. La critique comme nouveau traité de la méthode .............................................. 25 2.2. Des éléments de la connaissance humaine .......................................................... 27 2.3. Le phénoménalisme: la perte de l'en-soi et le succès des mathématiques ...... 35 2.4. La logique transcendantale d'une constitution a priori de la nature ................. 37 2.5. La dialectique de la raison syllogistique ............................................................... 46 2.6. Le tournant méthodologique vers la raison pratique ......................................... 55 2.7. La métaphysique depuis la liberté ......................................................................... 61 2.8. De la philosophie comme système: la Critique de la Faculté de Juger ou la nostalgie du suprasensible ............................................................................................. 68 2.9. L'actualité systématique, mais anachronique de la Religion dans les limites de la simple raison………………………………………………………79 2.10. La modernité de Kant: la question de l'homme ou de l'histoire .................... 83 III. LE POST-KANTISME ....................................................................................................... 96 Biographie ……………………………………………………………………………120 Bibliographie………………………………………………………………………….122 1 Préface à la présente édition sur Academia (2015) Ce texte est la réédition « en ligne » d’un livre qui a paru aux éditions « Criterion » en 1991 et qui est épuisé depuis un certain temps déjà. Si sa rediffusion paraît opportune, c’est d’abord parce que la plupart des introductions à Kant, de par leur vocation même, n’ont pas pour objectif premier de situer la philosophie kantienne par rapport à ses devanciers et ses successeurs. Or il est très difficile de lire Kant si on ne comprend pas à quelle constellation de questions il a tenté de répondre, mais aussi la manière dont sa postérité a tenté de prendre la mesure de ses réponses. Mais si cette réédition me tient à cœur, c’est surtout parce que les introductions disponibles négligent aussi, curieusement, de prendre en compte la réponse de Kant lui-même au problème fondamental qu’a clairement voulu affronter sa philosophie, celui de la possibilité de la métaphysique. S’il y a, en général, unanimité sur ce « problème » et la manière de le poser, la littérature kantienne a singulièrement omis de sonder la rigueur de la réponse spécifiquement kantienne. Il est possible que Kant, comme nous le verrons ici, ait lui- même été responsable de l’ambiguïté qui entoure l’issue qu’il souhaitait ouvrir à la métaphysique. Il ne fait aucun doute cependant que sa postérité a trop unilatéralement vu en lui le grand fossoyeur de la métaphysique ou celui qui aurait voulu la remplacer par une science qui ne reposerait que sur l’expérience. S’il en est ainsi, il va de soi que la métaphysique – et par là même la philosophie, c’est l’un des enjeux de la question kantienne – n’est pas possible. Or, Kant veut rendre la métaphysique possible et lui ouvrir une nouvelle voie. Comment s’y prend- il ? En quoi son chef d’œuvre, la Critique de la raison pure de 1781, espère-t-il trouver une réponse positive au problème de la métaphysique ? En reprenant une idée d’abord présentée dans un article intitulé « La conclusion de la Critique de la raison pure » (Kant-Studien, 81, 1990, 129-144), mon intention est de montrer que c’est dans son Canon de la raison pure (pratique) que Kant a voulu présenter cette issue et dès son ouvrage fondamental de 1781. 2 AVANT KANT On ne peut plus vraiment savoir aujourd'hui ce qu'était la philosophie avant Kant. En effet, toute perception ou réception de la philosophie prékantienne s'effectue immanquablement en regard de critères posés par Kant lui-même. Ce sont eux qui nous permettent de déterminer ce qui dans la philosophie antérieure était naïf (ou "précritique", si tant est que le kantisme a délimité l'espace de ce que devait être une pensée critique) et ce qui mérite d'être préservé. En ce sens, nous sommes tous kantiens lorsque nous étudions la philosophie antérieure à Kant, adéquatement résumée sous le titre de métaphysique. C'est déjà Kant qui nous a appris que la philosophie précritique avait voulu être une métaphysique, mais surtout pourquoi elle était impraticable. La réflexion critique sur l'échec de la métaphysique, inexorablement diagnostiqué par son oeuvre maîtresse, la Critique de la raison pure de 1781, celle qui ouvre notre modernité intellectuelle, ne représentait cependant pas une fin en soi. Son intention était de préparer une forme encore plus rigoureuse de philosophie, de définir les "prolégomènes" à une nouvelle métaphysique, vouée non plus à la connaissance du suprasensible, selon l'ambition que Kant aime prêter à la philosophie précritique, mais à l'élucidation des a priori rationnels qui commanderaient la connaissance et l'agir humains. C'est par-dessus tout le diagnostic de désuétude porté sur la métaphysique (la "mort de Dieu") que la postérité a retenu. Selon la perception la plus courante des choses, Kant a fait époque comme le nihiliste avant la lettre qui aurait voulu liquider la métaphysique, "celui qui détruit tout", suivant l'expression lancée dès 1785 par Mendelssohn. Ce que Kant a voulu déconstruire, c'est assurément la forme traditionnelle de la métaphysique, celle qui aspire à une connaissance rationnelle sans se soucier véritablement, ce sera la critique de Kant (qu'on a naturellement retournée contre lui), de ses propres conditions de possibilité. La métaphysique prékantienne, d'obédience aristotélicienne, thomiste, voire cartésienne, en un mot, celle qui aspirait à une connaissance dépassant le cadre de l'expérience, n'est plus viable depuis Kant. Elle ne peut revendiquer, à tout le moins, le statut de science. Mais si Kant a constaté la faillite de la métaphysique traditionnelle, c'était avant tout pour fonder un nouveau type de métaphysique, pour assurer un autre avenir à la philosophie. "Kant" signifie donc, pour toute philosophie, la fin d'une époque ainsi que la promesse d'un nouveau départ, que la philosophie des deux derniers siècles n'a cessé de rééditer. 3 Afin de bien entrer dans la mouvance de sa révolution du mode de penser, il faut avoir la patience de maîtriser les termes d'abord un peu techniques, voire scolastiques de sa question la plus essentielle. Tout l'enjeu de la philosophie kantienne tient en effet dans l'interrogation, déconcertante pour le lecteur non averti: comment des jugements synthétiques a priori sont-ils possibles? C'est aussi par cette question que Kant entend régler ses comptes avec la philosophie traditionnelle, donc avec "l'avant-Kant". Quelle peut bien en être la pertinence? Ce qui est en cause dans cette question, c'est, comme on le verra, la possibilité même d'un savoir métaphysique, c'est-à-dire d'une connaissance purement rationnelle. Avant de montrer en quoi les jugements synthétiques a priori sont essentiels à la métaphysique et à ce que l'on peut encore comprendre aujourd'hui sous le titre de philosophie, c'est la question même de la possibilité de la métaphysique qui doit nous intéresser: qu'est-ce, au juste, que la métaphysique? 1.1. La rigueur et le problème de la métaphysique En dépit de son soupçon de désuétude, la métaphysique représente, osons le rappeler, la forme la plus rigoureuse de philosophie que la tradition ait produite (ce qui ne l'empêche pas le moins du monde, nous y reviendrons évidemment, d'être aussi sa figure la plus problématique ou la plus volontiers critiquée). La métaphysique a reçu plusieurs définitions au fil de ses grandes oeuvres: science de l'être, de l'universel, du transcendant, des principes, etc. Ce qui est visé sous toutes ces acceptions, c'est un savoir du principiel ou du fondamental. C'est ce type de savoir que prétend être la philosophie, voire la science (l'équivalence des deux termes s'étant maintenue des Grecs jusqu'à Hegel). Notion d'autant moins problématique que l'idée même d'une science du principiel (ou science a priori) représente à la limite un pléonasme, ce qu'elle a très certainement été pour la métaphysique. Car posséder la science d'une chose, la connaître, c'est en saisir l'essentiel, c'est-à-dire comprendre ce qui est fondamental à une chose. Pour bien saisir ceci, on peut opposer l'essentiel à l'accidentel, à ce qui vient se greffer par hasard à une chose sans en affecter l'essence: connaître une chose veut dire pénétrer son essence fondamentale (ce que les Grecs appelaient son eidos : l'idée, la forme, mais aussi l'espèce), littéralement constitutive ou spécifique. Posséder la connaissance d'une chose signifie qu'on en maîtrise le principe, qu'on sait d'où elle provient, ce qui fait qu'elle est telle. La science ou la philosophie répond donc à la question du "pourquoi". De fait, une connaissance est dite 4 scientifique lorsqu'elle explique un phénomène à partir de ce qui en est le principe essentiel: sans ceci ou cela, telle chose ne serait pas. Philosophie et science ont donc été des synonymes pour presque toute la tradition. Le philosophe a toujours été un savant. Ce n'est donc pas par accident si le titre suprême que les universités décernent à ceux qui ont atteint le sommet du savoir reste celui de philosophiae doctor, de "Ph.D.", dont on ajoute, aujourd'hui, qu'il est spécialisé en informatique, en chimie ou en littérature italienne. uploads/Philosophie/ emmanuel-kant-avant-apres-pdf.pdf

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